Alstom et Bombardier : les deux usines sont à quelques kilomètres l'une de l'autre dans le Nord. Trop proches pour éviter les dégâts sociaux à l'heure du rachat de Bombardier Transport par Alstom. Les syndicats s'inquiètent.
D'un côté, l'usine Bombardier à Crespin. 2000 emplois spécialisés dans l'industrie ferroviaire. A quelques kilomètres, à Petite Forêt, chez Alstom : plus de 1300 salariés. Qui travaillent dans le même secteurs d'activité. D'ici un an, les deux pourraient fusionner. Alors forcément, les syndicats s'inquiètent. Ils craignent des suppressions d'emplois.
"1+1 ça fait jamais quand les entreprises se regroupent, c'est les synergies comme les employeurs disent, c'est faire les économies, optimiser les postes et réduire les coûts, analyse Vincent Jozwiak, délégué syndical FO. Le problème c'est que c'est les salariés en fait qu'il y a au bout."
"Très inquiète"
La CGT Métallurgie s'est dite mercredi "très inquiète" des conséquences "à moyen terme" du rachat de Bombardier Transport par Alstom, jugeant qu'il y aurait "évidemment des conséquences sociales pour les salariés", particulièrement dans les Hauts-de-France.
"Ils disent que tout va bien se passer. Mais qui peut croire que les directions de Bombardier et d'Alstom sont de grands philanthropes, qu'ils agiront différemment des autres multinationales qui ont opéré les mêmes affaires, à l'image de Renault et Nissan, et où l'on a vu les effectifs fondre comme neige au soleil ?", a déclaré Ludovic Bouvier, responsable régional de la CGT Métallurgie dans les Hauts-de-France.
"Ce sont deux groupes identiques, qui fabriquent la même chose, notamment sur le marché européen. On va donc se retrouver avec des doublons et on est très inquietsen Nord-Pas-de-Calais car le seul site de Bombardier est ici à Crespin (Nord)", avec quelque 2.000 personnes, "à 25 km du site d'Alstom de Petite-Forêt", qui compte 1300 à 1400 salariés, a expliqué le syndicaliste.
Dans le secteur ferroviaire, "deux tiers des employés sont des cols blancs : recherche et développement, bureaux d'études, techniciens d'atelier, ingénieurs... On imagine qu'ici, Alstom va forcément supprimer les doublons (...)", a-t-il alerté. Pour Ludovic Bouvier, "il est évident que, dans les cinq ans à venir, et même avant, il y aura des conséquences sur l'emploi ! Lorsque les deux groupes assurent qu'ils vont employer des milliers de personnes à faire la même chose, ils nous prennent pour des imbéciles".
Conséquences pour les équipementiers et sous-traitants
La CGT est également "très inquiète pour les équipementiers et sous-traitants" qui, dans la région, "sont parfois dédiés à 100% à Alstom ou Bombardier". Et, avec "40% des effectifs nationaux" employés dans la fabrication de matériel roulant, le secteur ferroviaire constitue "une part importante de l'économie de la région", a-t-il poursuivi.
Par ailleurs, si Bombardier est endetté, "sa branche transport est largement bénéficiaire ! Pourquoi Bombardier scierait-il la branche sur laquelle il est assis? Certainement parce que son principal actionnaire, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), va prendre le contrôle d'Alstom !" a lancé M. Bouvier.
Selon un communiqué d'Alstom, la CDPQ, qui détient actuellement 32,5% de Bombardier Transport, doit en effet devenir au terme de l'opération le premier actionnaire d'Alstom avec environ 18% du capital.
Discours rassurant chez Alstom
Pour l'instant, le discours rassurant des dirigeants d'Alstom n'atténue pas l'inquiétude : "On a un marché ferroviaire extrêmement actif avec une croissance très forte. Donc, on a besoin de capacité, de capacité humaine, de capacité en ressources...", explique Olivier Baril, directeur du site Alstom Valenciennes Petite-Forêt.
Pour Force ouvrière, de nombreuses "questions restent sans réponse", les détails du projet, et notamment "la stratégie industrielle et commerciale du nouvel ensemble" restant "inconnus à ce jour". "Ce type opération présente toujours des risques potentiels importants sur l'emploi: prudence et vigilance s'imposent!", juge le
syndicat dans un communiqué.
Le président du conseil régional des Hauts-de-France Xavier Bertrand recevra jeudi les organisations syndicales des deux sites, afin notamment d'évoquer "les questions qu'ils posent à leurs directions", a-t-on appris auprès de son cabinet. Pour l'élu, "il faut entrer dans les détails" afin de déterminer "quelle sera la stratégie industrielle, pas seulement dans les prochaines années" mais dans les "dix ou vingt ans" à venir.
Chez Bombardier Crespin, pas de réponse officielle de la direction pour l'instant. Le projet de rachat doit encore être approuvé par l'autorité européenne de la concurrence, qui avait retoqué la fusion Alstom-Siemens, il y a tout juste un an.