A quelques semaines de la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni, les villes portuaires de la Côte d’Opale s’inquiètent pour leur économie.
Pour Xavier Bertand, président de la région Hauts-de-France, « tout est prêt » pour le Brexit. Initialement prévu pour le 29 mars, puis finalement repoussé, le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne va avoir des conséquences dans la région. Boulogne, Calais et Dunkerque, les trois villes portuaires de la côte d’Opale, sont en ligne de mire.
Invités sur le plateau de l’émission Dimanche en politique du 24 mars, les maires de ces villes ont fait part de leurs inquiétudes à l’approche du Brexit.
A Boulogne, les pêcheurs dans la tourmente
Premier port de pêche français, leader européen de la transformation du poisson avec Capécure… Ce que redoute Frédéric Cuvillier, maire PS de Boulogne, c’est l’impact du Brexit sur le marché de la pêche. « 60% des captures des pêcheurs boulonnais ont lieu en eaux britanniques », précise-t-il. Le Brexit est une aubaine pour pêcheurs britanniques, qui se sont prononcés à 92% en faveur du « leave ».
« Mais si les Européens n’ont plus accès qu’à la moitié de la Manche, il y a un risque de saturation, de surexploitation… » Et c’est toute la filière qui serait impactée : moins de pêche signifierait moins de main d’œuvre nécessaire à la transformation, alors que Capécure, 1er hub européen de transformation de produits de la mer, représente avec ses 200 entreprises plus de 6000 emplois.
La solution d’après Frédéric Cuvillier ? « Un accord de pêche basé sur les accords de Londres. » La convention de Londres sur la pêche, votée en 1964, régulait les rapports maritimes en mer du Nord en dehors des eaux territoriales. Toujours en vigueur, cette convention a été implémentée par la Politique commune de la pêche de l’Union européenne. Le Royaume-Uni a cependant annoncé son retrait de la convention de Londres en prévision du Brexit dès 2017, afin de retrouver le contrôle total de ses eaux.
A Calais, la crainte de la concurrence du transport maritime
De la plage, lorsque le ciel est dégagé, on voit les côtes anglaises. Situé à 38km outre-Manche de Douvres, Calais est la porte de l’Europe sur le Royaume-Uni. Un avantage géographique que le Brexit pourrait convertir en handicap : l’alourdissement des contrôles aux frontières pourrait ralentir le trafic et créer des bouchons importants. Nathalie Bouchart, maire LR de la ville, estime pourtant qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter : « Tout est physiquement prêt pour le Brexit, estime-t-elle. La grève du zèle des douaniers n’est pas le reflet de ce qu’il se passera avec le Brexit, tous les véhicules ne seront pas contrôlés. » Ces derniers jours, les douaniers ont renforcés leurs contrôles dans des points de passage importants (ports, départ d’Eurostar, tunnel sous la Manche), pour montrer l’impact qu’aurait le Brexit sur la vie quotidienne des voyageurs. « Ca a juste pour impact de créer un déficit économique », a rapporté la maire de Calais.De nouvelles zones de contrôle, sanitaires et vétérinaires notamment, ont été mises en place dans les ports et « seront effectifs à temps », promet Nathalie Bouchart.
Mais alors que le port de Calais est en plein agrandissement (pour près d’un milliard d’euros), l’ouverture de nouvelles voies maritimes ralliant le continent aux îles britanniques menace la compétitivité de la ville. Dans ce domaine, « il est très important que les mêmes règles soient appliquées à tous les pays concernées », estime la maire de Calais, qui rappelle également qu'un voyage au départ de sa ville « restera toujours le chemin le plus court, et donc le moins cher, pour les transporteurs et les passagers. »
A Dunkerque, la nécessité de transformer le transport transmanche
« Il faut un mode d’emploi des relations que nous devrons entretenir avec nos voisins, estime Patrice Vergriete, maire de la Dunkerque. Il y a une réalité humaine, économique, historique entre nos deux pays. »Troisième port français, deuxième juste derrière Calais pour le trafic transmanche, le Brexit fait planer l’ombre d’un déclassement sur le port de Dunkerque. Plus petit que ses voisins Calais et Boulogne, le port de Dunkerque risque de perdre en compétitivité par rapport à la Belgique et aux Néerlandais avec le Brexit. « Le scénario du pire, c’est l’allongement du temps d’attente dû aux formalités supplémentaires, s’inquiète Patrice Vergriete. Le port de Dunkerque serait encore plus perdant que les autres, parce qu’on ne fait que du transport accompagné. » En cause, sa particularité : Dunkerque a surtout développé le transport accompagné. Les marchandises qui y transitent sont toujours avec le transporteur routier qui en a la charge.
« Ce sont surtout les trois premiers mois qui seront difficiles, estime le maire. Les camions qui n’auraient pas fait les papiers devront rester sur le territoire et seront à la fois une proie facile pour les migrants, et une nuisance pour les habitants. » Même si, l’assure M. Vergriete, tout est prêt également sur Dunkerque. Des parkings sécurisés ont été construits, les services de contrôle sanitaires et vétérinaires sont prêts à accueillir les transitaires. « Le principal enjeu, c’est pour les entreprises. Elles vont devoir prendre de nouvelles habitudes et changer leurs procédures en terme de papiers et d’autorisations. »