VIDÉO. "Ça risque de mettre la filière à genoux" : les champs de betteraves envahis par des pucerons verts en Picardie

Depuis mi-avril 2020, des milliers de pucerons verts ont envahi les cultures de betteraves. Vecteurs du virus de la jaunisse, ces insectes menacent 50% de la récolte. Les producteurs demandent à l’Etat d’assouplir les procédés d’utilisation d’insecticides.
 

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"Si on n’arrive pas à contrôler les choses, on peut perdre 30 à 50% des récoltes". Dominique Fievez, producteur de betteraves dans la Somme, est dépité. Le 20 avril dernier, il a découvert de minuscules insectes sur ces jeunes plants de betteraves. "Quand une betterave sort de terre, il y a deux petites feuilles, explique l’agriculteur. À la base et au dos des feuilles, j’ai aperçu des pucerons verts, ils mesurent à peine 1 millimètre mais comme ils sont en colonie, on les voit facilement".

Ces insectes, si minuscules soient-ils, peuvent pourtant ravager les cultures. Porteurs du virus de la jaunisse, ils peuvent infecter les plans de betteraves avec une morsure. "Ce virus jaunit les feuilles et stoppe net la croissance de la betterave" explique Nicolas Rialland, directeur environnement et affaires publiques de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).
 

Comme Dominique, qui possède 25 hectares de betteraves à Fontaine-sous-Montdidier, dans la Somme, beaucoup de producteurs français sont touchés par l’invasion de pucerons verts. Cette prolifération inédite s’explique par les conditions météo : un hiver doux, sans gel, et un printemps chaud et ensoleillé. C'est le cas de Guillaume Wullens, Agriculteur à Nouvelle-Église dans le Pas-de-Calais :

 

 

Assouplir les règles d’utilisation des pesticides

Jusqu’alors, les producteurs de betteraves utilisaient des produits insecticides dits "néonicotinoïdes" pour se débarrasser des pucerons. Mais considérés comme nocifs pour les insectes pollinisateurs comme les abeilles, ils ont été interdits en France en septembre 2018.
 
Depuis, les agriculteurs peuvent utiliser deux types d’insecticides (la flonicamide et le spirotétramate) qu’ils jugent coûteux et peu efficaces : "Les procédés d’utilisation de ces produits sont strictes : l’un est efficace mais autorisé trop tardivement car il faut attendre que le plant ait 6 feuilles, et l’autre, que l’on peut utiliser sur un plant très jeune, n’est pas assez efficace" résume Nicolas Rialland.

Avec la Confédération générale des planteurs de betteraves, il a écrit au ministère de l’Agriculture quelques jours après la découverte des premiers pucerons pour demander l’assouplissement des procédés d’utilisation de ces produits. L’objectif : utiliser les insecticides plus tôt et à plusieurs reprises pour anticiper le développement de la jaunisse.
 
"On regrette l’interdiction des produits néonicotinoïdes qui étaient plus efficaces, surtout que les betteraves ne font pas de fleurs donc il n’y a pas d’abeilles" souligne Dominique Fievez, qui représente également les producteurs de la Somme. 
 

Le coup de grâce

Ces pucerons, qui stoppent la croissance des betteraves, peuvent mettre en péril toute la filière betteravière des Hauts-de-France. "Au final, ça ferait moins de betteraves à transformer et ça affaiblira toute la filière, s’inquiète Nicolas Rialland. C’est désastreux en termes de pertes de chiffres d’affaire et de compétitivité. Clairement, ça risque de mettre la filière à genoux".

Depuis la fin des quotas qui encadraient le secteur sucrier en 20017, la filière française est déjà en difficulté. À cela s’ajoute un effondrement du prix du sucre "qui n’a jamais été aussi bas depuis 10 ans" précise le porte-parole de la CGB.
 

Si ça continue, c’est clair que je vais me désintéresser de cette production


Dans ce contexte, la perte d’une grande partie des récoltes à cause des pucerons pourrait sérieusement affaiblir la filière betteravière française. De nombreux producteurs comme Dominique songent déjà à abandonner si la situation ne s’améliore pas. "Un marché du sucre déprécié, un prix pas rentable et maintenant des problèmes de pucerons ! Si ça continue, c’est clair que je vais me désintéresser de cette production" alerte le betteravier qui produit également des céréales. C’est pour ça qu’on demande au ministère de l’Agriculture de revoir les conditions d’utilisation des insecticides pour qu’on puisse sortir de cette impasse".

Pour que sa production soit rentable, Dominique Fievez estime qu’il doit vendre au moins 87 tonnes de betteraves à 25 euros la tonne. "En ce moment, le prix de vente est d’environ 20 euros la tonne, alors imaginez si on est emputé de 50% de notre production" se désole-t-il.  

En France, 25 000 agriculteurs produisent des betteraves, dont 12500 rien que dans les Hauts-de-France.  
 
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