Le démantèlement de la "Jungle" de Calais va commencer ce lundi pour 3 jours. Voici ce que l'on sait sur ce qui est prévu par les autorités.
Quand aura lieu le démantèlement ?
Il va commencer lundi tôt le matin. Premier départ des bus pour les Centre d'Accueil et d'Orientation vers 8h. Ce démantèlement devrait se terminer mercredi soir.Le 1er jour, "aucune contrainte policière" ne sera exercée, explique la Préfecture. Ce qui signifie qu'au moins dans un premier temps, seuls les migrants volontaires partiront en bus. Pour les autres, c'est plus flou, la Préfecture affirme qu'en en ultime recours, pour ceux qui refuseraient tout départ pendant les 3 jours, la rétention administrative sera utilisée.
Sur ce point, les associations sont sceptiques. Elles estiment à environ 40% le taux de migrants décidés à ne pas rejoindre les CAO (ou à les rejoindre pour en repartir très vite). 7400 places sont pourtant disponibles dans toute la France. "ll y a beaucoup de stress, explique le porte-parole de l'Auberge des migrants François Guennoc. Les migrants ne savent pas tous ce qu'ils veulent. Il y a des gens qui sont très clairs, ils vont aller en CAO mais resteront-ils une fois qu'ils seront dans ces centres d'accueil ? D'autres veulent toujours se rendre en Angleterre parce qu'ils y ont des amis de la famille ou parlent anglais. On a peur que beaucoup de gens aillent se cacher pour éviter de devoir partir." Des stocks de tentes ont été prévus par les associations pour éviter que des migrants ne dorment dans le froid.
Le camp commencera à être nettoyé avec des petits tractopelles dès le mardi. 40 personnes sont mobilisées pour cette mission. La préfecture craint des incendies pendant ces opérations. Les associations ont d'ores et déjà prévu de distribuer des extincteurs.
Dès ce vendredi soir, la Préfecture du Pas-de-Calais devait prendre un arrêté réglementant l'accès à la zone.
Comment vont procéder les autorités ?
Dès lundi matin, les migrants volontaires pourront se diriger vers un hangar d'orientation de 3000 m2 située rue des Garennes. "Nous l'avons organisé comme une gare routière", explique Fabienne Buccio, préfète du Pas-de-Calais.Là, ils seront répartis en quatre files : majeurs, mineurs isolés, familles et personnes vulnérables. Ils recevront ensuite un bracelet et deux régions d'accueil au choix leur seront proposées. Ils attendront leur bus par groupe de 50.
Selon la Préfecture, 60 bus partiront le lundi, 45 le mardi et 40 le mercredi. Les itinéraires ont été programmés. A chaque arrêt, des gendarmes seront présents pour la sécurité des migrants. Dans chaque bus, il y aura deux accompagnateurs : des pompiers, membres de la sécurité civile...
Les personnes vulnérables seront envoyées dans des CAO spécifiques. Les mineurs isolés (environ 1200) seront orientés vers le Centre d'Acceuil Provisoire de la "Jungle" (containers blancs). Leur avenir sera décidé au fil des semaines qui viennent.
Quel dispositif policier pour ce démantèlement ?
1200 gendarmes ou policiers sont mobilisés (2000 personnes en tout pour ce démantèlement si on compte le personnel administratif). Ils seront de chargés de sécuriser la zone. Des caméras de vidéosurveillance ont été spécialement installées sur tout le parcours des migrants. Objectif : éviter que certains fuient et identifier d'éventuels fauteurs de trouble.Certaines équipes de policiers seront chargées de patrouiller dans le Calaisis pour éviter l'installation de migrants dans des camps sauvages ou des squats. Un enjeu majeur. Car la Préfecture a beau répéter qu'il n'y aura mercredi soir plus aucun migrant à Calais, les associations n'y croient pas. "Après le démantèlement, notre quotidien changera peu : tant qu'il y aura des guerres l'afflux des réfugiés vers Calais perdurera...", professe Christian Salomé.
Le terrain de la "Jungle" devrait lui rapidement être ré-aménagé : "Nous allons travailler avec le Conservatoire du littoral pour aménager ce terrain. On a déjà quelques idées pour le rendre à ce qu’il était, et peut-être même mieux », a expliqué Fabienne Buccio, la Préfète du Pas-de-Calais.
CAO : c'est quoi ? A quoi ça sert ? Comment ça marche ?
Les "Centres d'accueil et d'orientation" ont été créés il y a un an pour inciter les migrants de Calais (qui sont entre 6.000 et 10.000 selon les comptages) à réfléchir à une demande d'asile : une démarche engagée par 80% des occupants actuels. Ce pourcentage ne prend toutefois pas en compte ceux (un quart environ) qui préfèrent quitter le centre d'eux mêmes, dans les premiers jours après leur arrivée. Les CAO sont implantés en régions dans des locaux publics (centres de loisirs, casernes désaffectées...) ou appartenant à de grandes entreprises comme la SNCF, la Poste... 9.000 nouvelles places sont en cours d'ouverture, avec plus de 7.000 déjà identifiées.- Il devient ensuite demandeur d'asile :
Une fois son dossier enregistré, le migrant part vers le dispositif d'asile, normalement un Cada (Centre d'accueil des demandeurs d'asile). Ces centres sont aménagés pour
les familles ou les hommes seuls, et ils proposent un encadrement qui augmente les chances d'obtenir l'asile. Il y reste le temps de traitement de sa demande : en ce moment, le délai d'instruction total (avec l'appel) est de 14 mois en moyenne. Il devrait y avoir 40.000 places de Cada fin 2017, soit un quasi-doublement sous le quinquennat, souligne-t-on au
ministère de l'Intérieur.
Les places de Cada demeurant toutefois insuffisantes, les autres demandeurs peuvent être orientés vers l'accueil temporaire (6.000 places) ou l'hébergement d'urgence (bientôt 30.000 places). Ou se débrouiller avec le pécule prévu par la loi : undem andeur hébergé touche 6,80 euros par jour, majorés de 4,20 euros s'il n'est pas logé -- des sommes modulables selon la composition de la famille.
- Réfugiés :
Un demandeur ayant obtenu l'asile devient un réfugié: c'est le cas de près 36% d'entre-eux (première demande + appel) depuis le début de l'année. Il faut toutefois noter que les migrants de Calais ne sont pas exactement représentatifs de l'ensemble des demandeurs d'asile. S'il obtient le statut, le réfugié gagne des devoirs et droits sociaux (puisqu'il
relève du droit commun) ; mais il doit quitter son Cada (sous trois mois). Pour accompagner socialement les plus vulnérables vers le logement, une plateforme a été mise en place (2.500 personnes en ont bénéficié).
- Déboutés :
Les personnes déboutées doivent, elles aussi, partir du Cada, sous un mois. Une récente instruction a rappelé aux préfets qu'ils devaient "systématiquement notifier une obligation de quitter le territoire" aux déboutés n'ayant pas obtenu un titre de séjour pour un autre motif. Un étranger ne peut toutefois être renvoyé vers son pays si celui-ci ne le reprend
pas ou si cela met sa vie en danger.
- "Dublinés" :
Il y a aussi des migrants ayant déjà laissé leurs empreintes dans un autre pays européen (Italie notamment) : c'est le cas de 65 à 75% des migrants de Calais, selon une source proche du dossier. Aux termes de l'accord de Dublin, ces "dublinés" doivent théoriquement être renvoyés vers ce pays européen (et non pas vers leur pays d'origine). Les associations avertissent déjà que ceux qui refusent de monter dans les bus seront placés en Centre de rétention administrative (CRA) en vue de leur expulsion.
En revanche les migrants en CAO "pourront réintégrer un parcours d'asile en France", assure-t-on au ministère du Logement -- manière discrète de les inciter à quitter
volontairement la "Jungle".
- Les mineurs :
Reste la délicate situation des mineurs (près de 1.300, selon un recensement déclaratif), qui relèvent de la protection de l'enfance et non des CAO. Pour ceux qui ont de la famille en Grande-Bretagne (500 environ), le gouvernement négocie âprement un rapprochement familial avec Londres. Pour les autres, l'idée est d'ouvrir des centres ad hoc dans les départements.
En attendant, l'idée d'utiliser les bâtiments en dur du campement comme "zone tampon" est aussi à l'étude, selon un récent document de la préfecture du Pas-de-Calais.