Calais, Douai, Lens, Valenciennes... La SNCF abandonne-t-elle vraiment les dessertes régionales de ses TGV ?

On a essayé d'y voir plus clair.

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Que se passe-t-il sur les lignes à grande vitesse du Nord et du Pas-de-Calais ? Les élus des Hauts-de-France s'émeuvent depuis une semaine de la suppresion annoncée des dessertes régionales par la SNCF, alors que le géant ferroviaire entretient le mystère. Que se prépare-t-il, exactement ?

 

Ce que l'on sait

La SNCF ne communiquera officiellement qu'en mars, après avoir rencontré tous les maires concernés, à qui les informations sont distillées au compte-goutte. De ce qui filtre, on comprend toutefois que la SNCF va réduire ses dessertes régionales, à partir de décembre 2019, au détriment des villes moyennes.

L'entreprise publique a aujourd'hui une dette de 47 milliards d'euros, et l'État n'a accepté d'en prendre une partie (35 milliards d'euros) qu'à condition que la SNCF se mette à viser l'équilibre. Et comment viser l'équilibre, si ce n'est en tranchant dans les lignes les moins rentables ? D'autant plus que l'on verra l'an prochain la fin du monopole de la SNCF sur les grandes lignes. La SNCF doit donc se préparer à la concurrence.

"La SNCF a pris rendez-vous avec l'ensemble des maires de la région pour aller leur annoncer des suppressions de trains, mais nous ne savons pas ce qu'il en est précisément" concède Franck Dhersin, vice-président aux Transports à la région Hauts-de-France.

Et de préciser : "On sait que la SNCF veut supprimer des TGV directs dans la plupart des villes, sauf Lille et Arras, puisqu'ils seraient les 'hubs' à partir desquels tous les TER viendraient conduire les gens pour prendre le TGV à Lille ou Arras, et il y aurait beaucoup moins de TGV à Valenciennes, à Douai, à Béthune, à Lens, à Hazebrouck, à Dunkerque, à Calais, à Boulogne..."

 

Ce qui risque de se produire

Il n'est a priori pas question de supprimer les passages de TGV dans les villes concernées, mais de réduire leur nombre... parfois drastiquement.

Les premières victimes seront les lignes (et leurs passagers) Arras-Lens-Béthune-Hazebrouck-Dunkerque, mais aussi Arras-Douai-Valenciennes, voire Lille-Tourcoing, souligne un collectif d'usagers.
 
À Douai, par exemple, on compte aujourd'hui 14 liaisons par jour avec Paris. Pour tout le monde, usagers comme élus, les liaisons à grande vitesse sont synonymes d'attractivité. Ce qui veut dire que "le TGV en moins, ça va occasionner moins de passage et la ville va mourir petit à petit encore un peu plus" regrette l'auteur d'une pétition (qui a rassemblé 6300 signatures)
 

D'autant plus que si la SNCF a jugé ces lignes trop peu rentables, ce ne sont certainement pas ses futurs concurrents qui se sacrifieront pour les sauver.
 

Ce n'est pas à la Région de compenser, ce n'est pas notre mission !


Reste la région Hauts-de-France, qui va tenter de limiter la casse en renforçant les TER-GV, qu'elle finance. Mais la note risque d'être salée, d'autant plus que la Région ne compte pas se substituer entièrement à la mission de l'entreprise ferroviaire. "Si la SNCF ne veut plus transporter dans la région les usagers à partir des villes moyennes de la région vers Paris, ce n'est pas à la Région de compenser, ce n'est pas notre mission !" tempête Franck Dhersin.

La ligne Lille - Calais - Boulogne-sur-Mer - Le Touquet, déjà desservie par des TER-GV, pourrait donc être relativement épargnée, par rapport aux autres trajets. Ce qui ne signifie pas qu'elle s'en sortirait indemne...

 

Ce que reprochent les élus

"La SNCF nous demande de faire le travail à sa place, de prendre à nouveau des moyens financiers, pour ce qu'elle ne veut plus faire !" résume encore Franck Dhersin, qui oppose la mission d'"aménagement du territoire" de la SNCF au "déménagement de territoire" dont elle se rend coupable, avec l'État. "J'en veux à l'État, puisque la SNCF est une entreprise publique, son président est nommé par le Premier ministre au Conseil des ministres."
 
Ce n'est pas pour rien si la région Hauts-de-France a voté jeudi dernier une motion d'urgence demandant à la SNCF de maintenir les dessertes régionales des TGV, au nom du "droit fondamental de chaque citoyen à la mobilité".
 
Les élus de la région et les maires ne sont pas les seuls à s'indigner. Valérie Létard, sénatrice (UDI) du Nord, vice-présidente du Sénat et ancienne secrétaire d'État sous Nicolas Sarkozy, juge "inacceptable" la stratégie de la SNCF et la "brutalité de sa décision".
 

Ce n'est pas sérieux


Elle prend l'exemple de l'agglomération de Valenciennes, dont elle a été la présidente de 2008 à 2016. La ville du Nord héberge l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et attire des experts du monde entier pour le domaine du ferroviaire. "Ce n'est pas sérieux d'y supprimer les TGV !"

Car "c'est un déclassement et une perte d'attractivité que la disparition de ces TGV", ajoute la sénatrice centriste, qui dénonce "un mépris total à l'égard de ces populations".

 

Ce que répond la SNCF

Depuis le début de la polémique, la SNCF s'est montrée discrète et, déjà la semaine dernière, préférait annoncer des "changements" plutôt que des "suppressions" auprès de nos confrères de l'AFP.

Contactée jeudi, la SNCF se montre toujours aussi évasive et évoque une "évolution des dessertes ferroviaires dont l'objectif est bien le développement du nombre de voyageurs dans nos trains" et, concernant les villes concernées, souligne qu'elle réserve "la primeur de l'information" aux maires qu'elle rencontre jusqu'à la mi-mars.

"Pour 2020, la desserte ferroviaire en région vise à développer la mobilité via TER, TERGV et TGV et, ainsi, offrir sur chaque axe la desserte qui correspond le mieux aux déplacements, en Hauts-de-France."

Autrement dit, on sait seulement que l'année prochaine il y aura toujours des trains... Reste à savoir à quelle vitesse ils rouleront.
 
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