Ils sont maires d'une commune de moins de 1 000 habitants. Certains sont élus depuis plusieurs décennies, d'autres depuis peu. Mais tous ont donné leur parrainage à un candidat à l'élection présidentielle. Leurs raisons sont très différentes.
C'est parfois un casse-tête pour certains élus. Qui parrainer pour la présidentielle ? Pourquoi ? Et quelles conséquences ? À l'approche de l'élection, Pierre Delcourt, maire du petit village de Le Titre dans la Somme depuis 2001, a vite réglé la question : "Je donne ma signature à la première équipe de campagne qui vient me voir et après, je suis tranquille." En 2017, il avait parrainé Jacques Cheminade ; cette fois, en 2022, il a opté pour François Asselineau. "Une dame sympathique de son équipe est venue me rencontrer il y a 3 mois. Vous imaginez, elle se démène sur le terrain, elle y passe tous ses week-ends. J'admire ceux qui font ça, surtout pour un candidat qui fera sûrement moins de 1 %. Ça leur fait plaisir que je leur donne mon parrainage, et puis je récompense leur dévouement", raconte-t-il l'air enjoué.
Depuis plusieurs mois, les équipes de campagne des candidats sont sur tous les fronts pour obtenir les 500 signatures tant convoitées. Pour être validé par le Conseil constitutionnel, chaque parrainage doit respecter des conditions. Il doit porter une signature manuscrite, être daté et être entièrement rempli. Les parrainages doivent provenir d'au moins 500 élus, répartis dans au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer différents, sans que plus de 10 % des parrainages ne proviennent d’un même département ou d'une même collectivité.
"Je veux faire exister les petits candidats"
À chacun sa façon de choisir. Dans l'Aisne, Gilles Cordival, 58 ans et ancien professeur des écoles, a décidé, lui, de soutenir Nathalie Arthaud. Un choix qu'il "assume" et surtout dont il revendique la méthode : "Je ne voulais pas donner mon parrainage à un candidat qui n'a pas besoin de moi pour atteindre les 500 signatures, ni à un candidat qui dispose déjà d’une large couverture médiatique. Quand on enlève ces deux catégories, il n’en reste pas beaucoup. J'ai opté pour Nathalie Arthaud qu’on entend très rarement contrairement à Philippe Poutou, par exemple."
Gilles Cordival se définit comme un "élu sans étiquette" et insiste sur le fait que "parrainer n'est pas adhérer". Le premier édile souhaite avant tout "contribuer au débat démocratique" : "J'ai trouvé que c'était un parrainage neutre. Je ne suis pas assimilé à la Lutte Ouvrière. Je veux donner la possibilité aux petits candidats d'exister." Cette décision, Gilles Cordival l'a partagée avec son conseil municipal. "C'était important d'expliquer, je pense que beaucoup ont compris. Vous savez, ça fait longtemps que je réfléchis à la question. J'y pense depuis les sénatoriales de 2020."
"Je choisis en fonction de mes convictions"
D'autres de ses camarades n'ont pas hésité autant de temps. Claude Jacob, élu depuis 1983 à la tête de la commune d'Érondelle au sud d'Abbeville, est communiste depuis son adolescence. Pour lui, "à chaque fois, c'est simple". Il vote pour le candidat du PCF ou pour l'union de gauche. Cette année n'a pas échappé à la règle : sa signature s'est "logiquement" tournée vers Fabien Roussel. "Dans mon conseil municipal, 2 ou 3 personnes sont communistes, c'est tout. Parrainer Fabien Roussel, c'est un devoir pour mes idées. J'ai toujours affiché mes opinions", justifie-t-il.
Une conception que partage Marc Cagnard, maire de Croissy-sur-Celle, une commune de 260 habitants dans l'Oise : "Je choisis en fonction de mes convictions. En l'occurrence, j'ai fait campagne pour Emmanuel Macron en 2017. Je lui ai donc logiquement donné mon parrainage."
Pierre Napora, maire d'Antilly dans l'Oise, juge aussi qu'il a fait son choix "de manière lucide". L'élu s'est orienté pour son premier mandat vers Éric Zemmour car il se dit "sensible à ses propositions". "Ce parrainage, c'est une obligation, une charge", revendique-t-il.
Des parrainages désormais entièrement dévoilés
Les parrainages validés sont désormais publiés intégralement et en continu, alors qu’avant 2017, seuls 500 parrainages tirés au sort étaient publiés. La liste des parrainages est actualisée deux fois par semaine, le mardi et le jeudi en fin d’après-midi.
"J'ai parrainé François Asselineau mais je ne voterai pas pour lui"
Une façon de faire que valident bon nombre de maires. "C'est que quelque chose de normal", pour Pierre Napora, le maire isarien qui soutient Éric Zemmour. Réponse identique pour Claude Jacob, l'élu communiste et Gilles Cordival, le maire en faveur des petits candidats. Le macroniste Marc Cagnard acquiesce et ajoute "on est parfois surpris quand on regarde le parrainage des élus de notre secteur". Parmi les maires interrogés, seul un se dit dubitatif sur la méthode : Pierre Delcourt. "Le fait que ce soit public, c'est embêtant. C'est soumis à interprétation. Par exemple, moi j'ai parrainé François Asselineau mais je ne voterai pas pour lui", explique-t-il.
Au 1er février 2022, 23 élus picards avaient donné leur parrainage à un candidat pour l'élection présidentielle 2022. Emmanuel Macron, pas encore officiellement candidat, arrive pour le moment en tête avec 10 signatures recueillies en Picardie.
Les élus disposent encore de deux mois pour envoyer leur décision au Conseil constitutionnel. La fermeture de la procédure de parrainage est prévue le 4 mars 2022.