Pour la première fois en 70 ans d’existence, Emmaüs France appelle aux dons pour continuer à aider ses 20 000 bénéficiaires. Dans les Hauts-de-France, les communautés de Dunkerque et Clermont chiffrent déjà leurs pertes de chiffre d’affaires en dizaines de milliers d’euros.
"Notre fierté, c’est de gagner notre argent par nos ventes, par le fruit de notre travail. L’appel aux dons, ce n’est pas dans nos habitudes." Responsable de la communauté Emmaüs de Grande-Synthe, Sylvie Desjonqueres ne cache pas son inquiétude.
Depuis le début du confinement, 210 des 289 structures de la fédération sont à l'arrêt, en particulier les communautés de "compagnons" qui fonctionnent grâce à la récupération et la revente de meubles, équipements et objets divers.
C’est le cas de l’entrepôt de Grande-Synthe, fermé depuis le 15 mars. Pas un euro n’est rentré dans les caisse alors que la communauté continue de payer toutes ses charges. "Il nous faut 10 000 euros par semaine pour survivre, c'est à dire faire fonctionner notre communauté avec 40 compagnons, faire tourner les deux épiceries solidaires, payer nos 9 salariés, les assurances et les camions" énumère la responsable.
Cinq millions d'euros nécessaires
Face à cette situation, Emmaüs France a décidé de lancer un appel aux dons national. En 70 ans d'existence, l’association n'avait jamais sollicité d'aide financière. Mais aujourd'hui, elle a besoin de cinq millions d'euros pour survivre aux deux mois d'inactivité imposées par le confinement. "La réalité aujourd'hui, c'est qu'on ne sait pas encore si le mouvement Emmaüs va survivre à cette crise, a expliqué à l'AFP Valérie Fayard, directrice adjointe d'Emmaüs France. On se bat pour ne pas abandonner les 20 000 personnes accueillies dans tout le mouvement Emmaüs, des personnes qui se sont reconstruites au sein des communautés ou des structures d'insertion qui vont peut-être tout perdre une deuxième fois."#COVID19 #EMMAUSENDANGER
— Emmaüs France (@emmaus_france) April 17, 2020
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Tout comme Emmaüs Grande-Synthe, la communauté du Clermontois, dans l’Oise, a une trésorerie assez solide pour tenir quelques semaines sans rentrée d’argent. "Mais il ne faudrait pas que ça dure après le 11 mai, confie Didier Marseille, président de l’association du Clermontois. On a estimé que deux mois d’inactivité nous faisait perdre 100 000 euros de chiffre d’affaires. On ne va pas tenir longtemps".
Pour limiter les pertes, la communauté de l’Oise a mis ses trois salariés au chômage partiel et a sollicité l’aide de sa banque. "Notre chiffre d’affaires vient des ventes de dons, on est complètement autonome. Mais à cause du confinement, on est en train d’assécher notre trésorerie". Avec d'autres associations locales, Didier Marseille a également lancé une cagnotte en ligne pour continuer à fournir denrées alimentaires et produits d'hygiène aux personnes dans le besoin.
C’est un tournant dans l’histoire de l’association
Bien que surprises, les antennes locales comprennent l’appel au don national lancé par la direction d’Emmaüs. "Ça fait drôle. D’habitude, on fait des appels au don de matériel mais jamais pour du sonnant et trébuchant, reconnaît Didier Marseille à Clermont. C’est un tournant dans l’histoire de l’association mais j’espère que ça restera une exception". Le siège de l’association reconnaît s’être inspiré de l’appel de l’abbé Pierre en 1954 pour créer une vague de solidarité. Face à l’urgence sociale, Sylvie à Dunkerque reste philosophe et conclut en citant le fondateur du mouvement Emmaüs : "Viens m'aider à aider".