Depuis le 16 avril, l’hôpital d’Abbeville propose des séances d’ostéopathie gratuites à son personnel. Cette initiative permet d’aider les soignants à se détendre et à mieux supporter la charge de travail dans cette période de crise sanitaire.
"Depuis quelques temps j’avais des douleurs au niveau des cervicales mais je n’y prêtais pas plus attention que ça. Mais depuis le début de la crise sanitaire, j’ai constaté une aggravation des troubles et la douleur est devenue permanente".
Jean-Philippe Trabouillet, cadre de santé en psychiatrie à l’hôpital d’Abbeville, est l’un des premiers à s’être inscrit à une des séances d’ostéopathie proposées par l’établissement. Même s’il n’est pas directement confronté à l’épidémie de Covid-19 dans son service, il reconnaît que les dernières semaines ont été particulièrement éprouvantes : "La pandémie est un poids supplémentaire qui est venu s’ajouter. On a dû réorganiser tout notre service, ce qui suscite du stress. Il faut aussi gérer les devoirs des enfants le soir et le week-end. Avec le confinement, l’organisation personnelle s’ajoute aux contraintes professionnelles".
Jeudi 16 avril, Jean-Philippe a donc retrouvé Pierre Leroy, ostéopathe, dans l’une des salles de consultation du service chirurgie, reconvertie pour l’occasion en espace de soin. Pendant une heure, le spécialiste a opéré plusieurs manipulations douces, basées sur l’ostéopathie et la biokinergie, une technique qui s’inspire de la médecine chinoise traditionnelle.
En une seule journée, Pierre Leroy a reçu 8 soignants de l’hôpital. "Ils viennent parce qu’ils ont des maux physiques, mal au dos, au cou, à la tête mais aussi pour chercher un moment pour souffler et se relâcher" explique l’ostéopathe. Sans se substituer à un psychologue, il profite aussi de cette séance pour laisser le soignant s’exprimer. "Cette séance m’a permis de couper avec ce quotidien, d’échanger avec une personne qui ne pose pas seulement un diagnostic, mais aussi des gestes et des mots, raconte Jean-Philippe. En discutant, j’ai réussi à mettre des mots sur ce que je vivais, ça permet de dédramatiser et de se dire qu’on n’a pas à se mettre une pression pareille".
Le pôle douleur se réorganise
C’est le docteur Vincent Soriot, chef de service du pôle douleur de l’hôpital, qui a plaidé auprès de la direction pour mettre en place cette nouvelle unité de soin. Habituellement, le centre antidouleur de l’hôpital prend en charge les personnes souffrant de douleurs chroniques. Mais depuis l’annulation des consultations non urgentes pendant la crise sanitaire, le service a été mis en veille.Pierre Leroy, qui intervenait à l'hôpital dans ce cadre, a donc commencé à prendre en charge les soignants à la place de ses patients habituels. "On voulait éviter les arrêts maladies, explique le chef de service Vincent Soriot. La charge de travail est difficile, que ce soit pour les aides-soignants, les infirmiers, les médecins. Ces soins, c’est pour leur confort. Ils représentent une ressource précieuse".
Diminuer la prise médicamenteuse
Géralt Tourneur, chirurgien urologue à l’hôpital, a également consulté pour soulager sa lombalgie. "Dans ce contexte où on bouge beaucoup, les douleurs viennent nous invalider dans notre quotidien. Ce soin de qualité permet de ressortir avec un confort qui se confirme les jours suivants, ça soulage beaucoup. D’autant qu’on évite l’utilisation d’antalgiques, très prisés en ce moment, et la prise d’anti-inflammatoires qui peuvent aggraver une infection au Covid-19".Pendant la séance, ostéopathe et soignant doivent porter des masques et utiliser du gel hydroalcoolique. La salle de consultation est désinfectée après chaque passage.
Un succès inattendu
Lors de la mise en place de ces séances de soins, Vincent Soriot et Pierre Leroy avaient décidé de recevoir jusqu’à 7 soignants chaque jeudi. Mais très rapidement, les créneaux ont été réservés pour les deux prochaines semaines. "Face à la demande, on va ouvrir aussi le mardi, annonce Pierre Leroy. Ça prouve que les soignants sont en demande. Ils sont fatigués, épuisés avec des douleurs partout". "Je précise aussi que ces séances sont ouvertes à tous les membres du personnel de l’hôpital, même ceux des services administratifs" ajoute le docteur Soriot.En France, d’autres hôpitaux ont également ouverts des unités de soutien pour soulager les soignants éprouvés. Dans le Nord Pas-de-Calais par exemple, une cellule d’écoute dédiée aux équipes médicales a été mise en place au CHU de Lille.