Coronavirus : Philippe Loquet, patron (et seul employé) d'une TPE, s'est habitué à "ne compter que sur soi"

Comment les petits entrepreneurs ont-ils tenu bon face à la crise provoquée par le coronavirus ?

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Seul aux commandes. Seul salarié. Et seul dans la crise. Une force et une faiblesse. Philippe Loquet est le directeur fondateur de Marine Special Risks, basée à Lille. Ce courtier en assurances de 61 ans, habitant La Madeleine (Nord), est spécialisé dans le nautisme. Il est à lui seul tout l'équipage de sa très petite entreprise. Un skipper en solitaire dans la tempête Covid.

Marine Special Risks entre dans la catégorie des TPE : les très petites entreprises. Elles sont légères mais pèsent lourd : elles sont près de trois millions dans le pays et dépassent les 1000 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit un tiers de l'argent brassé par l'ensemble des sociétés françaises.

Le confinement les a souvent privées de recettes, mais le poids de leurs charges, minimes, peut leur éviter de couler à pic.
 
 

La plaisance, "à l'arrêt ou presque"


Et le Covid, s'il est un secteur qu'il va durement secouer – comme d'ailleurs l'ensemble des activités liées au tourisme – c'est bien celui de la plaisance.

À l'évidence, la priorité, après le 11 mai, ne sera pas de se précipiter pour investir plusieurs dizaines de milliers d'euros dans un bateau ni partir naviguer autour d'iles lointaines. "Le secteur est à l'arrêt ou presque", constate Philippe Loquet.  "Habituellement, les commandes de nouveaux bateaux sont prises en décembre, les livraisons commencent en mars/avril pour être prêtes à la belle saison. Aujourd'hui, ça, c'est mort !"

"Les clients qui peuvent retarder retardent. Ceux qui peuvent annuler annulent, comme les grosses sociétés de location. L'avenir s'annonce compliqué pour l'industrie de la plaisance, d'autant que la crise va amener un afflux de bateaux d'occasion. L'âge moyen d'un acheteur, c'est 64 ans, en plein dans la cible du Covid 19. Ceux là hésiteront à partir loin, s'exposer à des problèmes de santé à l'écart des grandes plateformes sanitaires", explique l'assureur lillois.


 

"Le Covid a créé une sorte de marché marginal"


Dans ce contexte difficile, ce dernier vivote. "Le Covid a créé une sorte de marché marginal, dit-il. Comme par exemple un plaisancier qui interrompt son voyage et rentre précipitamment en Métropole, l'obligeant à laisser son bateau en zone cyclonique. Ce n'était pas prévu dans son contrat. Il m'appelle. Ou ce propriétaire qui ne trouve plus de client pour la location et doit laisser son voilier immobilisé sans surveillance, dans une zone à risque, avec un crédit à payer. Il m'appelle."
 
"Je n'ai pas zéro recette, non", reconnait Philippe Loquet, qui pratique l'assurance nautique depuis 35 ans, en Métropole et dans les départements d'Outre-Mer. "Mon chiffre d'affaires plonge, oui, mais j'ai très peu de charges fixes. Pas de back-office qui constitue généralement le poids mort dans la gestion d'une entreprise classique."
 

Je crois que le "vis à vis" numérique, pratiqué durant le confinement, va se généraliser


"En créant mon entreprise, en avril 2019, je m'étais mis d'emblée en mode 'agile'", souligne l'entrepreneur. "Pas de salarié. Un site, ma vitrine, hébergé pour 12 euros par mois. Un bureau dans un centre de domiciliation d'entreprise, à Euralille, à partir de 71 euros par mois. C'est très léger. Je peux en partir du jour au lendemain. Je peux même y louer un espace de réunion. Mais en aura t-on encore besoin ? Je crois que le "vis à vis" numérique, pratiqué durant le confinement, va se généraliser."
 
L'assureur lillois n'a pas fait les démarches pour tenter d'obtenir les aides promises par le fonds de solidarité de l'Etat. "Je n'ai pas vu l'utilité de monter un dossier. De toute façon, 1500 euros, qui ça peut vraiment aider ? Et puis, quand on est habitué à travailler seul, on se démerde. On n'a pas le choix. Je suis plus inquiet pour les jeunes qui viennent de monter leur boite."
 

S'est-on habitués à moins consommer ?


"Quant aux déclarations de Bruno Le Maire qui demande aux propriétaires immobiliers et aux entreprises foncières d'abandonner trois mois de loyers au profit des TPE, je n'y crois pas", assène Philippe Loquet, pour qui "ce n'est pas leur genre de faire des cadeaux. C'est du pipeau !"
 
Pour le jour d'après, Philippe Loquet, qui a roulé sa bosse à travers le monde avant poser ses valises dans le Nord, se montre réservé. Selon lui, le secteur du tourisme, qu'il connaît bien, risque de durablement souffrir. "Les gens qui se précipitent sur les loisirs à la fin de confinement et qui permettent de multiplier par trois le chiffre d'affaires des commerces, des bars, des restaurants... je n'y crois pas. Les jours perdus ne se rattraperont pas. Au contraire, je me demande si ce long confinement ne nous aurait pas habitués à moins consommer. À en faire moins. Le consommateur a eu des comportements bizarres durant cette crise ; ce sera peut-être tout aussi bizarre en sortie de crise..."
 
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