Lors d'une réunion avec quelques maires jeudi 15 avril, Emmanuel Macron a détaillé sa stratégie de déconfinement : progressif et "territorialisé" dès la mi-mai. Mais difficile d'imaginer un relâchement des restrictions dans les Hauts-de-France à cette date, car les indicateurs ne sont pas bons.
L’objectif a été fixé lors d’une journée symbolique afin de redonner de l'espoir. Jeudi 15 avril 2021, la barre des 100 000 morts du Covid-19 en France a été officiellement franchie selon les données récoltées par Santé Publique France. Ce même jour, Emmanuel Macron tenait une réunion en visioconférence avec une quinzaine de maires afin de préciser la stratégie de déconfinement esquissée lors de son allocution aux Français il y a quinze jours.
Réouverture des terrasses et de certains lieux de culture dès la mi-mai ? "Une priorité" pour le chef de l’État d’après certains maires ayant assisté aux échanges. Selon les édiles, le calendrier progressif de réouverture se ferait "de trois semaines en trois semaines". Au total, quatre phases seraient ainsi nécessaires avant de retrouver un retour à la normalité.
Les terrasses et les musées seront les premiers à rouvrir, affirme Emmanuel Macron devant les maireshttps://t.co/FaKCmcQhJO pic.twitter.com/rnbQuAdutq
— franceinfo (@franceinfo) April 15, 2021
Cependant, ce calendrier ne serait pas identique partout sur le territoire métropolitain : le déconfinement serait "territorialisé" à partir de la mi-mai selon la situation sanitaire d’une région à l’autre. Une possibilité "sur la table", confirme ce jour Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, précisant "qu’à ce stade, ça n’a pas été acté".
Difficile pourtant d’imaginer un déconfinement généralisé à toute la métropole, alors que les situations diffèrent à l’échelle nationale comme le montre cette carte éditée par CovidTracker..
Au 15 avril dans les Hauts-de-France par exemple, le taux d’incidence lissé sur une semaine atteint 480 cas positifs pour 100 000 habitants. La région se situe loin derrière l’Ile-de-France (650 pour 100 000) mais se place toujours sur la deuxième marche du podium, loin devant la Bretagne qui enregistre 216 cas pour 100 000 habitants ou la Nouvelle Aquitaine et ses 238 cas pour 100 000.
Le semblant de retour à la vie normale à partir de la mi-mai dans les Hauts-de-France ? Compliqué... mais difficile de se projeter.
Un virus qui circule toujours activement dans les cinq départements
Car les indicateurs sont toujours très élevés, à commencer par le taux d’incidence dans la région, c’est-à-dire le nombre de cas positifs pour 100 000 habitants. Sur le graphique suivant, les données sont lissées sur les 7 derniers jours pour obtenir une moyenne représentative : le lundi 5 avril étant férié, le nombre de tests réalisés était très bas, cet indicateur se répercute ainsi sur les données récoltées pendant sept jours.
Dans les Hauts-de-France, le taux d’incidence s’élève à 480 pour 100 000 habitants au 15 avril. Une légère baisse peut être constatée par rapport au début du mois d’avril, mais l’indicateur reste toujours très élevé. Pour rappel, le seuil d’alerte maximale avait été fixé à 250 par les autorités, quand le seuil d’alerte était pour sa part de 50. "Les taux d’incidence par département dans les Hauts-de-France ont tendance à baisser, mais le niveau est extrêmement élevé. On est à presque dix fois le seuil d’alerte", rappelle le professeur de Santé Publique au CHU de Lille Philippe Amouyel.
"Les taux d’incidence par département dans les Hauts-de-France ont tendance à baisser, mais le niveau est extrêmement élevé. On est à presque dix fois le seuil d’alerte".
Pourtant, la situation n’est pas homogène dans les cinq départements de la région. L’Oise enregistre le taux d’incidence le plus élevé des Hauts-de-France avec près de 600 cas positifs pour 100 000 habitants. "Ça reste compliqué dans l’Oise car certains secteurs très touchés sont très proches du nord de l’Île-de-France, où le taux d’incidence est très élevé", indique Patrick Goldstein, chef du SAMU du Nord et directeur médical des crises à l’échelle de la région, même s'il constate une amélioration à l'échelle régionale.
Aucune inflexion du nombre de patients Covid-19 admis en réanimation pour le moment
Les fluctuations de la circulation du virus se traduisent dans les données hospitalières récoltées chaque jour, notamment sur le nombre de patients admis en réanimation. Patrick Goldstein rappelle le mécanisme. "Entre le moment où il y a une diminution du taux d’incidence et une diminution de l’impact hospitalier, il y a quinze jours ou trois semaines qui se passent. La filière de soins critiques dans la région est actuellement toujours sous tension". Au 15 avril, 710 lits de soins intensifs sont occupés par des patients Covid-19 dans les Hauts-de-France, un record depuis le début de l’épidémie.
Des chiffres très élevés, et impossibles de modéliser des projections pour les prochaines semaines. "Hier soir j’avais cinq lits de réanimation disponibles à Lens, ce matin j’en ai zéro, explique le directeur médical de crise à l’échelle régionale. Il est impossible de prédire ce qu’il se passera". Car les personnes actuellement accueillies dans les services de soins intensifs ont été contaminées il y a trois à quatre semaines, "donc juste avant la mise en place des nouvelles mesures barrières", précise le professeur Amouyel.
À ce chiffre se rajoute le nombre de décès enregistrés quotidiennement dans les hôpitaux des Hauts-de-France, illustration de la situation plus que critique dans notre région. Depuis le 1er avril, 588 patients atteints du Covid-19 sont décédés dans les hôpitaux, soit quarante décès chaque jour.
"On ne sera surement pas les premiers"
Face à ces indicateurs, difficile d’imaginer que le déconfinement envisagé par l’exécutif puisse concerner notre région dès la mi-mai. "Si on regarde l’état actuel des départements, on fait partie des régions les plus touchées donc on ne sera surement pas les premiers", avance Philippe Amouyel, rappelant que les Hauts-de-France enregistrent actuellement le deuxième taux d’incidence le plus élevé du pays derrière l’Île-de-France.
La France veut imiter UK pour le déconfinement sans vouloir l’imiter pour les mesures prises et la campagne de vaccination massive qui l’ont permis.
— Mahmoud Zureik (@MahmoudZureik) April 16, 2021
Au 15 mai et sans objectifs sanitaires pour déconfiner, on aura un plateau très élevé et l’été ne sera pas comme l’été dernier.
De plus, même si la vaccination s’accélère, elle reste insuffisante pour permettre d’entamer un déconfinement comme au Royaume-Uni par exemple. Selon le professeur de Santé Publique, le plateau du nombre de contaminations sera toujours très élevé à la mi-mai. "On a actuellement des seuils de circulation du virus à 40 000 cas par jour, c’est beaucoup trop élevé. Emmanuel Macron parlait de 5 000 cas par jours fin décembre pour déconfiner, on est à huit fois ce seuil".
"Quand le président de la République annoncera des mesures « d’ouverture », il faudra qu’on garde à l’esprit qu’il ne faut pas se relâcher pour ne pas devoir affronter une quatrième vague".
Cependant, impossible de prédire l’avenir. Selon Patrick Goldstein, il faut attendre encore deux semaines pour se projeter sur un possible déconfinement. "Ce qui est certain, c’est qu’il ne faudra pas reproduire les erreurs du passé. Un déconfinement rock’n'roll serait pire que tout. Il faut qu’il soit progressif et raisonnable". Avant de conclure. "Quand le président de la République annoncera des mesures « d’ouverture », il faudra qu’on garde à l’esprit qu’il ne faut pas se relâcher pour ne pas devoir affronter une quatrième vague". Prudence… et patience donc.