L'ARS Hauts-de-France assure que, selon les établissements, entre 40% et 50% des interventions "non-urgentes" sont déprogrammées à cause de l'afflux de patients lié à l'épidémie. De Dunkerque à Lens, seules les opérations urgentes et celles concernant la cancérologie ne sont pas impactées.
En Hauts-de-France, selon les statistiques du site CovidTracker, au 28 mars, il y avait 621 personnes dans les services de réanimation des hôpitaux de la région. En comptant les patients pris en charge pour d'autres pathologies, ce chiffre atteindrait les 800 personnes selon le dernier décompte de l'Agence régionale de santé de la région.
Il y a actuellement 887 lits de réanimation disponibles dans la région, contre 460 dans le monde d'avant. "A la demande de l’ARS, les établissements de santé publics et privés continuent de se mobiliser pour atteindre 900 lits très rapidement", prévoit l'agence qui voit encore plus loin : l'objectif pourrait très rapidement "être porté à 950 lits".
#COVID19 | Une pression hospitalière au plus haut depuis la première vague
— ARS Hauts-de-France (@ARS_HDF) March 25, 2021
➡️60 à 70 entrées en réanimation chaque jour
➡️Mobilisation de tous les établissements publics et privés pour augmenter les capacités
➡️Transferts en dehors de la région
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L'ouverture de nouveaux lits n'est pas une opération blanche pour les hôpitaux. "Notre capacité hospitalière est extensible mais pas à l’infini, surtout avec la fatigue des soignants", prévenait Olivier Véran, le ministre de la Santé, le 18 mars dernier, lors de la conférence de presse annonçant un confinement dans 16 départements français. En plus de générer de la fatigue pour les soignants, l'accueil de patients Covid supplémentaires nécessite de déprogrammer certaines opérations considérées comme "non-urgentes" par les médecins pour récupérer des lits mais aussi des soignants. Dans la région, le niveau actuel de celles-ci atteint selon les établissements 40 à 50%.
Comment sont prises les décisions ? "Ce sont des décisions médicales prises au cas par cas, il n'y a pas de liste indiquant le type d'opérations à déprogrammer", explique l'ARS Hauts-de-France. "C'est la cellule de crise de l'hôpital qui donne les consignes de déprogrammation. Les médecins examinent ensuite les patients pour voir si c'est possible de déprogrammer l'opération", abonde le CHU de Lille. "La décision est prise après l'examen de la balance bénéfice-risque : est-ce que le risque est acceptable ? Si oui, l'opération est déprogrammée", ajoute la direction du groupement hospitalier du territoire de l'Artois.
Si une intervention était prévue sur la hanche ou le genou d'une personne qui n'a pas de gène fonctionnelle ou de douleurs chroniques, celle-ci sera surement reportée
Au CH de Dunkerque, alors que 14 patients Covid sont en réanimation (sur les 20 lits disponibles pour tout le service), la moitié des opérations "non-urgentes" sont en ce moment déprogrammées en moyenne. Même chose au CH de Lens. Aussi, les chirurgiens, quotidiennement, trient les patients et jugent si leur état permet d'attendre plusieurs semaines.
Par exemple, si une intervention était prévue sur la hanche ou le genou d'une personne qui n'a pas de gène fonctionnelle ou de douleurs chroniques, celle-ci sera surement reportée. "Pour la pose d'une prothèse de hanche, cela va dépendre également de la situation personnelle du patient : s'il peut-être aidé chez lui par des proches, cela sera moins urgent que pour une personne qui vit toute seule", note la direction du groupement hospitalier du territoire de l'Artois. "En revanche, si une personne arrive avec une fracture ouverte à la jambe, elle sera bien sûr pris en charge", continue la communication des hôpitaux de Lens, Béthune et Hénin-Beaumont.
Selon les hôpitaux de l'Artois et celui de Dunkerque, toutes les opérations en lien avec la cancérologie sont réalisées. Ces dernières et les urgences représentent 20 à 30% de l'activité du bloc opératoire. Aussi, la chirurgie ambulatoire n'est pas impactée du fait de sa caractéristique : le patient opéré ne dort pas à l'hôpital et n'utilise donc pas de lit.
En temps normal, à Dunkerque, onze salles de blocs sont utilisables et reparties comme suit : deux salles pour les urgences, neuf pour le reste. En ce moment, subsistent ces deux salles d'urgence et seulement quatre salles de blocs. En plus, une salle d'anesthésie a été ouverte pour la chirurgie ambulatoire. A Lens, sur les dix salles normalement ouvertes, il n'en reste que six. A Béthune, une seule a été fermée sur les cinq existantes.
Toutes les décisions concernant un éventuel report se prennent sur l'avis d'un chirurgien et d'un anesthésiste et, si le décalage est formulé, le patient repart avec un nouveau rendez-vous ou la promesse d'être appelé dans les quinze jours pour être fixé sur la date. Certains patients appellent d'eux-même pour demander le décalage de leur opération. "Ces déprogrammations n'ont pas de conséquences dans la prise en charge des patients", estime le CH de Dunkerque. "Décaler des opération, ce n'est jamais anodin", nuance la direction de ces hôpitaux du Pas-de-Calais. Tous les hôpitaux interrogés jugent moins critique cette situation que celle du printemps 2020 et de la première vague : toutes les opérations qui ne relevaient pas de la cancérologie ou de la chirurgie urgente étaient reportées.
Le transfert de patients, une autre solution pour gagner des lits
Le report de certaines interventions avait déjà jalonné la deuxième vague de l'épidémie, de début octobre jusqu'à mi-novembre. Le taux de déprogrammation moyen dans la région était alors estimé entre 50 et 60% au 19 novembre. Au CH de Dunkerque, on juge que la situation actuelle est similaire à celle qui prévalait lors de la deuxième vague.
Ce n'est pas l'ARS Hauts-de-France qui impose pas un taux de déprogrammation minimal, contrairement à ce qu'il se fait dans d'autres régions, comme en Ile-de-France par exemple. En revanche, elle donne des directives sur le nombre de lits supplémentaires à ouvrir. Aux établissements de santé de se débrouiller ensuite. Au CH de Dunkerque, il y a en temps normal 13 lits de réanimation contre 20 fin mars, dont 14 sont occupés pas des patients Covid. Le reste, 6, est occupé par des patients ne relevant pas de pathologies liées à l'épidémie.
La déprogrammation des interventions "non-urgentes" n'est pas le seul levier pour gagner de la place. Les hôpitaux de la région ont organisé le transfert de patients vers la Bretagne, la Nouvelle-Aquitaine, la Normandie et la Belgique. Une pratique "indispensable pour maitriser la situation" selon l'ARS et qui a concerné 38 patients depuis le début du mois de mars.