Alors que le groupe français Decathlon a affirmé mardi "assumer complètement" la commercialisation prochaine d'un "couvre-tête" destiné aux pratiquantes de course à pied, déjà vendu au Maroc sous l'appellation "hijab", la polémique enfle en France dans les rangs politiques.
Appels au boycott, demande de retrait du produit, vision de la femme non partagée… les déclarations d’élus s’enchaînent depuis ce lundi à propos du « hijab de running », accessoire sportif conçu par les équipes marocaines de Decathlon. De Debout la France au Modem en passant par La République en marche, députés et ministres condamnent tous de manière plus ou moins ferme l'initiative de Decathlon.
"Le sport émancipe. Il ne soumet pas"
Interrogée mardi sur RTL, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a souligné qu'un tel produit n'était "pas interdit par la loi". Mais "c'est une vision de la femme que je ne partage pas. J'aurais préféré qu'une marque française ne promeuve pas le voile", a-t-elle ajouté.
Pour Aurore Bergé, porte-parole de La République en marche, "le sport émancipe. Il ne soumet pas. Mon choix de femme et de citoyenne sera de ne plus faire confiance à une marque qui rompt avec nos valeurs".
Le sport émancipe. Il ne soumet pas. Mon choix de femme et de citoyenne sera de ne plus faire confiance à une marque qui rompt avec nos valeurs.
— Aurore Bergé (@auroreberge) 26 février 2019
Ceux qui tolèrent les femmes dans l'espace public uniquement quand elles se cachent ne sont pas des amoureux de la liberté.#Decathlon
"La société française, c'est une société qui dans sa tradition refuse qu'on couvre le visage et le corps humain à l'excès", a réagi François Bayrou sur BFMTV. Selon le président du Modem, "l'image de la femme en France, c'est une image de liberté".
Valérie Rabault, la présidente du groupe Socialistes & apparentés à l'Assemblée nationale, a demandé sur Twitter le "boycott" de la marque française.
Boycotter @Decathlon en France ?
— Valérie Rabault (@Valerie_Rabault) 24 février 2019
Cc @laurossignol https://t.co/MXFsDUGw34
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, a lui aussi appelé au boycott de la marque et a demandé que le produit soit retiré de la vente. "J'ai deux filles et je n'ai pas envie qu'elles vivent dans un pays où la place des femmes dans la société régresse comme en Arabie Saoudite. [...] Est-ce qu'on continue d'accepter cette mainmise d'un islam intégriste sur la France ?" a-t-il notamment déclaré sur France 2.
Decathlon droit dans ses bottes
Pas de quoi ébranler le grand équipementier sportif nordiste. Dans les prochaines semaines, cet "accessoire initialement développé et commercialisé au Maroc, à la demande de pratiquantes locales de course à pied", sera "rendu disponible en France et partout dans le monde dans les magasins" Decathlon qui en feront la demande, a indiqué Xavier Rivoire, responsable de la communication externe de Decathlon United.
"Nous assumons complètement le choix de rendre le sport accessible pour toutes les femmes dans le monde. C'est presque un engagement sociétal, si cela permet à des coureuses de pratiquer la course à pied, nous l'assumons avec sérénité", a-t-il poursuivi.
L’entreprise nordiste d’article sportif nie adopter une position politique ou religieuse dans le développement de ce produit, "qui correspond en premier lieu à une demande de runneuses".
"L'engouement pour le produit a fait que nous nous sommes posé la question de le rendre disponible" ailleurs qu'au Maroc, a ajouté Xavier Rivoire, soulignant que "ce couvre-tête laisse le visage libre et visible".
Responsable du jogging chez Kalenji, la gamme de course à pied de l'enseigne, Angélique Thibault, qui a conçu le "Hijab Kalenji", se dit "mue par la volonté que chaque femme puisse courir dans chaque quartier, dans chaque ville, dans chaque pays, indépendamment de son niveau sportif, de son état de forme, de sa morphologie, de son budget. Et indépendamment de sa culture".
Le prix du "hijab" de Decathlon sera connu lors de sa commercialisation. A noter que l'équipementier sportif Nike commercialise déjà un "Hijab pour femme", en noir, gris ou blanc, au prix de 30 euros.