Les magasins Decathlon de Neuville-en-Ferrain et Villeneuve d'Ascq sont concernés ce 16 octobre par un mouvement de grève national et inédit. Alors que la direction refuse de répercuter la hausse du SMIC à tous les salariés, 350 millions d'euros vont être versés aux actionnaires familiaux.
C'est la toute première grève nationale de l'histoire de l'enseigne : les salariés de Decathlon se mobilisent ce 16 octobre contre la baisse de leur pouvoir d'achat. A Neuville-en-Ferrain, ou encore au magasin de Villeneuve d'Ascq, les salariés grévistes sont invités à débrayer de 10h à 13h, un mouvement encore limité pour des raisons d'organisation, mais qui pourrait monter en puissance.
Une "perte de pouvoir d'achat" malgré la hausse du SMIC ?
"Au niveau national, on a environ 10% de salariés planifiés qui sont grévistes, ce n'est pas mal du tout quand on sait que c'est quelque chose de très exceptionnel chez Decathlon !" se félicite Sébastien Chauvin, délégué syndical CFDT, dont le syndicat est à l'origine de cette mobilisation inédite.
"Decathlon a décidé de laisser ses salariés se faire rattraper par la hausse du SMIC" dénonce l'organisation dans un tract. Le salaire minmum a en effet été légèrement revalorisé au 1er octobre, à hauteur de 2%. Si l'enseigne, pour se conformer à la loi, applique bien cette hausse aux salariés embauchés au SMIC, Decathlon a discrètement refusé de répercuter cette hausse à l'ensemble de son personnel. "Ils n'ont pas décalé l'échelle des salaires, explique Sébastien Chauvin, ce qui fait que les salariés qui touchaient légèrement au-dessus du SMIC touchent en fait le nouveau SMIC. Or, cette hausse a été calée sur l'inflation. Donc, c'est une perte de pouvoir d'achat."
350 millions d'euros de dividendes : le cadeau aux actionnaires
Dans le même temps, un autre chiffre met le feu aux poudres. En juin, l'Assemblée Générale des actionnaires a voté une "réaffectation du résultat 2020" particulièrement généreuse. Les actionnaires familiaux pourront, eux, se partager quelque 350 millions d'euros de dividendes. Le chiffre a été officiellement communiqué aux syndicats par la direction générale.
Les familles Mulliez et Leclercq, qui ont des liens de parenté, sont actionnaires ultra-majoritaires du groupe Decathlon. Elles pourraient difficilement se poser en victimes de la crise sanitaire : Gérard Mulliez "et sa famille" occupent la 7ème place du classement des 500 plus grandes fortunes de France, avec une fortune estimée à 24 000 millions d'euros. Le groupe avait déjà été fortement critiqué au plus fort de la crise du covid-19 pour de nombreux plans sociaux et des cessions sans sauvegarde de l'emploi.
Decathlon ne conteste pas mais justifie ses choix
Contacté par France 3, Decathlon se dit conscient des difficultés rencontrées par ses salariés, "à l'image de la société française". "Les augmentations des prix des produits, de l'énergie, des carburants (etc), certaines pénuries ne sont rassurantes pour personne et posent des questions sur le pouvoir d'achat" écrit l'enseigne, qui mentionne également la pandémie et des impacts économiques "que personne ne pouvait prédire".
Sur le fond, Decathlon ne conteste rien, ni le refus d'échelonner les salaires, ni le chiffre de 350 millions, mais défend ses choix et met en avant des contreparties. "En juillet 2021, par exemple, Decathlon et ses syndicats (dont la CFDT) ont été fiers de ratifier à l'unanimité un accord salarial qui diminuait la part du variable pour augmenter la part fixe de ses salaires, avec une majoration de 4% des salaires" illustre l'enseigne, qui dit prévoir une autre négociation salariale dans les deux mois à venir.
Sur le versement des dividendes, Decathlon décrit un "dispositif légal activé après le paiement des salaires, des primes, des charges, des impôts et des investissements". La marque le rappelle : la distribution des dividendes concerne aussi les actionnaires salariés de Decathlon, à hauteur de 12%. Un dispositif rare à ce niveau, mais loin de menacer la position des familles Leclercq-Mulliez.