Décès de Michel Rocard : témoignages de Bernard Lefranc, René Dosière et Michel Françaix

L’annonce de la mort hier soir de l’ancien Premier ministre sous Mitterrand (1988-1991) a secoué l’ensemble de la classe politique française. Nous avons recueilli les témoignages d’hommes politiques régionaux qui ont bien connu le père de la « deuxième gauche ».

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Réactions à son décès

Bernard Lefranc (ancien député PS de l’Aisne) : « J’ai appris la nouvelle de son décès hier soir avec surprise et tristesse. Je ne le savais pas malade. J’ai appelé des amis qui m’ont confirmé qu’il était atteint d’une grande maladie depuis 3-4 ans, et qu’il était en phase terminale. »

René Dosière (député PS de l’Aisne) : « J’avais vu qu’il vieillissait mais je ne savais pas qu’il était hospitalisé. Il restait d’une agilité intellectuelle exceptionnelle. Avec toujours plus de liberté de parole. On l’a vu encore récemment dans son entretien au Point (9 juin 2016). Son décès me cause une grande tristesse personnelle. »

Michel Françaix (député PS de l’Oise) : « Je l’ai vu il y a trois semaines alors qu’il était en visite à l’Assemblée nationale. Il me paraissait fatigué mais rien ne laissait penser que c’était aussi avancé. ».

Des images marquantes

Bernard Lefranc (ancien député PS de l’Aisne) : « Je retiens trois images de Michel Rocard. La première qui me vient à l’esprit, c’est sa venue à Soissons pour un meeting en 1976. Il était à la maison. Je le vois encore sur le canapé, et nous avions discuté de politique, du parti socialiste évidemment. Une autre image qui m’a marqué, c’est celle du Premier Ministre, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée. Enfin, une image plus troublante, lors de la campagne européenne et un autre meeting à Soissons. Il est alors Premier secrétaire du Parti socialiste et tête de liste. Mais il est apparu désabusé, fatigué, pas celui qu’on connaissait d’habitude. Très certainement le fait de Bernard Tapie, ce grand voyou qui était tête de liste des radicaux de gauche »

René Dosière (député PS de l’Aisne) : « Son décès me marque à titre personnel car les grandes difficultés de ma vie politique locale venaient de cette étiquetage rocardien qu’on m’accolait. En 1978 par exemple, on ne me donne pas l’investiture à Laon parce que je suis rocardien. Je suis de la même filiation et c’est une grande perte pour la gauche. Et pour la France. Michel Rocard est l’un des meilleurs premiers ministres de la 5ème république »

Michel Françaix (député PS de l’Oise) : « C’est un homme de paradoxe. Un homme d’Etat. Et un militant. Dans ma jeunesse, c’était un jeune étudiant décolonisateur, qui a quitté le SFIO pour le PSA et ensuite le PSU car il ne supportait pas la guerre d’Algérie. Moi, étudiant, j’étais en phase avec cet homme là. C’est l’homme de l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Il a réussi là ou Debré avait échoué »

Une vision de la politique

Bernard Lefranc (ancien député PS de l’Aisne) : « Ce que je retiens également chez Michel Rocard, c’est son côté visionnaire. Il a vu ce que la mondialisation allait nous réserver. Il a proposé un socialisme modernisé, social-démocrate comme on dit. Et puis sa vision de la fonction politique. Dire la vérité, parler vrai. Dans le monde politique actuel, on a beaucoup perdu cette notion. C’est une leçon qu’il nous laisse. D’ailleurs, ce matin, beaucoup de gens font son éloge, or ce n’a pas toujours été le cas… »

René Dosière (député PS de l’Aisne) : « Gouverner autrement, parler vrai, ce sont des expressions de Michel Rocard. La première loi sur le financement des partis politiques pour les moraliser, c’est lui. Il est l’exemple même d’un vrai socialiste. Dès l’âge de 18 ans, pendant la guerre d’Algérie. Un socialisme qui connaît, découvre la réalité et ne la nie pas. Il n’était pas prêt à dire n’importe quoi pour arriver au pouvoir. C’est peut-être pour ça qu’il n’est pas devenu Président de la République. La politique c’est une morale, Rocard était très exigeant de ce point de vue là. Pour moi il est l’égal de Jean Jaurès dans la réflexion des thèmes, avec ceci en plus qu’il a exercé le pouvoir. Manuel Valls est dans sa filiation même si plus rude »

Michel Françaix (député PS de l’Oise) : « La deuxième gauche ? Oui, il la représente, par rapport à une gauche qui croit en l’union de la gauche et en un Etat fort. Lui est plutôt décentralisateur, et dans le dialogue avec les associations, les syndicats comme la CFDT, à l’instar de Valls aujourd’hui. »

Un bilan

Bernard Lefranc (ancien député PS de l’Aisne) : « Michel Rocard est quelqu’un qui a marqué son temps. Un homme d’idées, avec une vision qui manque beaucoup aujourd’hui. Quelqu’un d’abordable aussi, de simple. Quelqu’un dont on peut s’inspirer. »

René Dosière (député PS de l’Aisne) : « On lui doit la paix en Nouvelle-Calédonie. Il y avait la guerre civile quand il est arrivé. Il a créé le RMI, avec le souci de supprimer les pauvretés les plus fortes. Ce n’était pas de l’assistance car il y avait un devoir d’insertion en retour. Et en créant la CSG, il a sauvé la sécurité sociale française. Je me rappelle qu’elle a été votée avec seulement cinq voix de majorité et une motion de censure. Aujourd’hui, elle rapporte 90 milliards d’euros, en prélèvement à la source. La CSG était critiquée de tous mais tous l’ont conservé. »

Michel Françaix (député PS de l’Oise) : « Le RMI, le CSG, ça laisse des traces. C’était un homme de convictions. Et il n’a pas raté sa carrière parce qu’il n’a pas été Président de la République. C’est un homme d’Etat et un militant du temps où au PS il y avait des courants de pensée. Aujourd’hui, ce sont plutôt des courants d’arrière-pensée… »

Sa relation avec François Mitterrand

Bernard Lefranc (ancien député PS de l’Aisne) : « Michel Rocard a été très dur au PSU avec François Mitterrand. Il l’a clairement affublé d’assassin de la guerre d’Algérie. C’était une blessure que François Mitterrand n’a jamais oublié. Au Congrès de Metz, ce sont deux conceptions qui s’affrontaient. Le socialisme traditionnel prôné par Mitterrand. Et une nouvelle gauche, plus consensuelle, par Rocard. »

Michel Françaix (député PS de l’Oise) : « Je lis énormément de choses fausses sur la supposée guerre entre Rocard et Mitterrand. Certes tous les opposait, il y avait une incompatibilité entre les deux hommes. De là à parler de haine… »
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