Jeudi 18 mars, le Premier ministre Jean Castex a annoncé la mise en place d’un confinement pour quatre semaines sur l’ensemble des Hauts-de-France. Certains élus regrettent la non prise en compte des disparités territoriales.
Le ton oscille entre déception, colère et résignation. Le tout relevé parfois d’un léger arrière-goût d’avoir été dupé. L’annonce d’un confinement généralisé sur l’ensemble des Hauts-de-France à partir de vendredi 19 mars minuit, et ce pour une durée d’un mois, a pris de court les élus. "Lors des dernières discussions avec le préfet, il était question d’un confinement le week-end, comme ça se faisait ailleurs. Et déjà, là, avec la mairie de Saint-Quentin on avait exprimé notre volonté de temporiser", relate Eric Delhaye, maire de Laon.
Je ne peux que le regretter, car les mesures les plus territorialisées sont les plus équitables, justes et adaptées.
Si le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, se montrait favorable ces derniers jours à un confinement le week-end sur l’ensemble du territoire, ce dernier rejoignait de nombreux maires, dont celui de Laon, dans la volonté de mettre en place des mesures territoriales différenciées.
"Vu le taux d’incidence dans l’Aisne, on pensait qu’il valait mieux faire respecter les mesures déjà existantes plutôt que de les durcir", atteste le maire de Laon. La maire d’Amiens, Brigitte Fouré, fait elle aussi partie des déçus. "Je ne l’envisageais même pas. On aurait pu plancher sur une interdiction de circuler au delà de 10km de chez soi. Tout le monde sature, ça fait un an qu’on nous dit quoi faire, qu’on exécute et que rien ne bouge. Il y a un vrai sentiment de résignation", commente celle qui se positionnait depuis plusieurs semaines contre n’importe quelle version d’un nouveau confinement.
Le regret de mesures non territorialisées
Car la circulation du virus est très disparate sur l’ensemble de la région avec des taux d’incidence en moyenne bien moindre dans les départements picards que chez leurs voisins du Nord-Pas-de-Calais. Cette circulation est également très différente d'un département picard à l'autre. La Somme, l’Oise et l’Aisne ont dépassé la barre des 300 personnes positives pour 100 000 habitants en moyenne par département, mais le taux d'incidence peut passer de 90 à 624 selon les intercommunalités.
"C’est la mesure la plus contraignante qui présente un grand risque du point de vue de l’acceptabilité par la population, et notamment les plus vulnérables d'entre nous […] La décision a été prise à l'échelle régionale, alors que les taux d’incidence restent inférieurs à 400 dans la Somme", regrette Stéphane Haussoulier, président du conseil départemental de la Somme dans un communiqué.
Christophe Coulon, vice-président du conseil régional, appuyait lui sa déception sur notre antenne vendredi midi en dénonçant une "concertation molle". "Pourquoi imposer la même décision partout 7 jour sur 7 même dans les départements les moins fragiles ? Pourquoi ce qui a été possible en région Normandie n’a pas été mis en place ? On nous a appelé pour dire qu’il y a eu une concertation, c’est tout… Au final, on se retrouve avec un confinement très dur pour le commerce et les artisans."
Un confinement "mortel pour les commerçants"
Il soulève ici le dernier point de tension revenu dans toutes les bouches interrogées : la fermeture des "commerces dits non essentiels". "C’est un gros coup dur pour tout le monde et surtout pour les petits commerces de nos centres-villes. Au final, on va se retrouver avec un brassage de population plus fort dans de plus grandes surfaces en périphérie. Il y a une grande souffrance psychologique. Comme d’habitude, on va essayer d’être réactif, souple, mais comme à chaque fois, on doit régler toutes les problématiques en 24 heures", poursuit Eric Delhaye.
Ce troisième confinement va être mortel pour beaucoup de nos artisans-commerçants. Depuis ce matin, les appels à la chambre de commerce et d’industrie n’arrêtent pas.
"Nous partageons tous la situation, nous avons tous conscience qu’il fallait faire quelque chose, mais un mois de confinement c’est un mois de fermeture pour beaucoup des 55 000 artisans-commerçants de la région. Et c’est un risque de ne jamais réouvrir pour beaucoup d’entre eux", expose le vice-président du conseil régional avant d’avancer qu'un dispositif d'aide de paiement des loyers à hauteur de 500 euros leur serait alloué.
La vaccination comme clé
À Laon, comme à Amiens, les solutions de sortie de crise avancées par les édiles sont les mêmes. Afin d’éviter un effet yo-yo agrémenté tantôt d'un confinement, d'un déconfinement partiel, tantôt d'un couvre-feu ou de limitations des escapades régionales, la seule solution reste la vaccination. "J’invite bien sûr les Amiénois à respecter ces nouvelles règles. Mon plus grand souhait est, qu’enfin après un an, tous ces efforts aboutissent enfin. Pour cela, il faut absolument que le nombre de vaccins à disposition augmente", insiste Brigitte Fouré.
"On avait le projet d’ouvrir un grand centre de vaccination dès le 25 janvier, il a été repoussé faute de doses et l’hôpital n’est pas en mesure de monter en charge. On est engagé dans une course contre la montre. Une vraie morosité s’installe, les gens ont de plus en plus de mal à accepter la situation. Il faut une réponse massive", ajoute Eric Delhaye.
La reprise de la vaccination avec AstraZeneca validée, puis suspendue, puis validée par le gouvernement, après la confirmation par l’Agence européenne des médicaments qu’il était "sûr et efficace" est un bon début pour répondre aux vœux des élus. Encore faudra-t-il que le gouvernement ne prépare pas une nouvelle volte-face.