L'idée d'élargir la déchéance de nationalité, que le gouvernement souhaite inscrire dans la Constitution, inquiète la presse qui se demande vendredi "comment vaincre le jihadisme sans se renier ?"
"C'est une affaire de principe", avance d'emblée Laurent Joffrin dans Libération. Le quotidien ne manque pas de rappeler que la possibilité de déchoir de la nationalité les binationaux "embarrasse la gauche, d'autant qu'elle est défendue par la droite et l'extrême droite".
Le projet, annoncé pour avant Noël "a le grave défaut de solenniser par une inscription dans la Loi fondamentale une distinction entre Français sous le prétexte qu'ils sont binationaux. Alors que la tradition française repose au contraire sur l'égalité des citoyens devant la loi, quelle que soit leur origine", insiste le patron de "Libé". Du coup, "les soutiens socialistes se réduisent comme peau de chagrin", constate Hélène Bekmezian dans Le Monde, parlant d'un "vif émoi au sein de la majorité".
"A haute voix (comme Martine Aubry) ou à bas bruit (jusqu'au sein du gouvernement), le doute commence à s'installer à gauche", confirme Guillaume
Tabard dans Le Figaro, rappelant que "c'est une vieille querelle que cette fausse alternative entre la sécurité et les libertés".
Ce débat est mis en perspective dans La Montagne/Centre France par Bernard Stephan : "comment vaincre le djihadisme sans se renier ? La question interpelle la France, pays des Droits de l'Homme".
'Le provisoire a tendance à durer'
Dans La Croix, François Ernenwein estime que ce qui est en jeu c'est la démocratie. "La défendre par des mesures dérogatoires, face à des entreprises terroristes est légitime. Mais le provisoire, en France ou ailleurs, a, hélas, tendance à durer. Bien au-delà de ce qui, un temps, peut le justifier", commente l'éditorialiste du journal catholique.La Voix du Nord, sous la plume d'Hervé Favre rappelle aussi que "le projet de loi annoncé pour le 23 décembre prévoit la possibilité de prolonger certaines mesures d'exception jusqu'à six mois après la fin de l'état d'urgence. De quoi faire encore grimper à gauche un certain état d'énervement..."
Pour Bruno Dive de Sud-Ouest, "la seule question qui vaille devrait être celle de l'efficacité. Or il n'est pas certain que la déchéance de nationalité soit une mesure dissuasive ou punitive pour les terroristes islamistes". Or "si une mesure est à la fois discutable sur le plan des principes et inefficace, autant y renoncer. Pour mieux se concentrer sur les actions véritablement efficaces. Comme la surveillance des fichés S".
"Il serait bête de nier que la France est attaquée. Mais il ne faut pas se tromper d'adversaire. L'ennemi n'est pas l'étranger en tant qu'étranger, il est du côté des individus et des organisations qui défient la loi au nom d'un projet social incompatible avec les principes républicains", explique Dominique Jung dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace.