Le basket-ball est un sport qui se joue à cinq mais où on gagne à douze : c'est ce que la France a montré samedi en huitième de finale de l'Euro-2015 en faisant sortir du banc des morts de faim qui ont croqué des Turcs trop justes en nombre (76-53).
"Leur cinq majeur a joué très longtemps. Au bout d'un moment, ils étaient cramés alors qu'on avait de meilleures rotations avec pas mal de jus. On les a eus à l'usure", explique Charles Kahudi, l'un des remplaçants.
Dans ce rendez-vous redouté, les Français ont utilisé à plein leur force collective, le banc apportant à peu près la moitié des points (35 sur 76) et des rebonds (21 sur 41) de la victoire. "Ce ne sont pas toujours les mêmes qui doivent scorer. On n'a pas le profil d'une équipe où un joueur met 30 points, un deuxième 25 et où les autres font des écrans. C'est partagé et ça dépend des matches", souligne le capitaine Boris Diaw.
Le meilleur marqueur depuis le début du tournoi, Nando De Colo, n'a inscrit "que" 12,1 points par match et ils sont huit à plus de cinq points de moyenne sur les six premières rencontres.
Vendredi, c'était le tour d'Evan Fournier et de Joffrey Lauvergne de porter une équipe de France qui a d'autant plus besoin d'un large éventail de solutions que son scoreur habituel, Tony Parker, est pour le moment en dedans. Fournier a donné le "coup de chaud" offensif, au milieu du deuxième quart-temps, qui a fait fondre les espoirs turcs. Douze points, six rebonds, c'est la performance qu'il attendait après un début de tournoi un peu terne. "J'avais du mal, je n'avais pas de repères, je ne mettais rien dedans. Mais je n'avais pas perdu confiance et je savais ce dont j'étais capable", dit-il. Avant l'arrivée à Lille, il n'était qu'à 7 sur 23 au tir lors des cinq premiers matches, bien trop peu pour ce jeune talent de 22 ans en quête de lumière.
"Que l'intensité ne baisse jamais"
Au moins aussi affamé que lui, Lauvergne est entrée sur le parquet avec une envie "bestiale", selon le mot de Kahudi. Résultat : 12 points, 9 rebonds, 2 contres et même un 2 sur 2 à 3 points époustouflant pour un géant de 2,10 m. Une feuille de stats dont se serait largement satisfait un titulaire.L'intérieur n'a gaspillé aucune des vingt minutes qu'il a passées sur le terrain. C'est que l'ancien Chalonnais, aujourd'hui à Denver, avait de l'énergie à revendre après une longue préparation. "Il me tardait de commencer", avoue le joueur de 23 ans.
Cette réussite collective suppose un certain état d'esprit. Tout d'abord, il faut savoir mettre sa susceptibilité de côté. "En équipe de France, il n'y a pas de place pour l'ego ou le confort personnel. Si on a besoin de toi deux minutes, tu prends deux minutes. Si c'est dix, c'est dix, si c'est trente secondes, c'est pareil", dit Kahudi, l'un des Bleus les moins utilisés (10,8 minutes par match).
A cette forme de modestie, il faut ajouter la conviction inverse qu'on n'est pas moins important parce qu'on commence assis sur le banc. "Il faut que l'intensité ne baisse jamais, que ce soit avec les starters ou ceux du banc. Même niveau d'énergie, même niveau de concentration", souligne Fournier, qui n'a jamais caché qu'il visait le cinq majeur dès que l'occasion se présentera.