Grande-Synthe : avec le déménagement du camp de migrants, les habitants entre soulagement et compassion

"Je ne suis pas anti-migrants, mais anti-camp devant chez moi !" : tout le soulagement et la compassion mêlés d'une mère de famille habitant en face du camp de Grande-Synthe s'exprime dans cette phrase de Nadia, heureuse de voir le millier de migrants déménager dans un camp plus confortable.

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Mercredi soir, les quelque 1 100 Kurdes irakiens installés depuis des mois dans des conditions insalubres au "camp de la honte", des mots mêmes du préfet du Nord, devraient avoir pour la plupart déménagé vers le camp dit "de la Linière", financé par Médecins sans frontières les autorités locales. Ils y trouveront notamment cabanons chauffés et douches.

"J'y suis allée par curiosité, je suis soulagée pour les migrants, car il ne faut pas l'oublier, ce sont eux les plus à plaindre", considère Nadia sur le seuil de son petit pavillon propret. Pendant ce temps sur le trottoir d'en face vont et viennent des bénévoles aidant les migrants à déménager. Cette dynamique jeune mère de famille n'en oublie pas moins les nuisances sonores durant la nuit et le climat anxiogène qui régnait dans le quartier avec la présence de nombreux policiers et les coups de feu tirés sporadiquement par les passeurs, entendus par ses deux enfants en bas âge. Un jour sa fille lui a dit: "Maman le petit garçon il est rentré dans une tente". "- Eh bien oui, lui il est du mauvais côté du boulevard", a dû lui répondre Nadia. 

"C'est mieux qu'ils soient en retrait"

"C'est mieux qu'ils soient en retrait", comme ils le seront dans la zone d'activités de Grande-Synthe, entre l'autoroute et un chemin de fer, estime Alain, un voisin retraité. Son minuscule chien aux airs de peluche vivante s'excite au bout de sa laisse, tandis qu'à quelques mètres un père kurde traîne avec peine un chariot surchargé des affaires de sa famille.
"L'ancien camp, je vivrais pas là-dedans", s'exclame-t-il en pensant à la boue, au froid et à la précarité qui caractérisaient le bois du Basroch. "C'est aussi bien pour le quartier qui avait mauvaise image. A part les détritus et les vêtements jetés un peu partout, on n'a jamais eu de problèmes avec les migrants", explique-t-il. Alain se réjouit que l'éco-quartier prévu sur le site de l'ancien camp redonne son lustre à cette municipalité écologiste, pionnière en matière environnementale.

"Ils animaient le quartier"

C'est la singularité de Grande-Synthe : là où les Calaisiens dénoncent de nombreuses nuisances et les répercussions économiques de la crise migratoire, les habitants rencontrés dans cette banlieue de Dunkerque sont tous formels, les migrants n'ont jamais posé de réel problème. Pour beaucoup, cela s'explique par le fait que les migrants de Grande-Synthe sont essentiellement des familles, qui de surcroît ont payé cher les passeurs pour passer en Grande-Bretagne et qui se font donc discrets.

"Grande-Synthe est juste un lieu de passage, ce n'est pas l'impasse où toute la pression s'accumule comme à Calais", complète Khellaf, un habitué du quartier. Seule voie discordante de la journée, Katia, croisée dans une pharmacie, est furieuse. "Ma mère habite tout près du nouveau camp, elle va devoir faire renforcer ses portes devant et derrière car on a peur des cambriolages. J'ai été moi-même menacée et poursuivie par un Kosovar, une fois".

"Kosovar", c'est ainsi qu'elle qualifie les Kurdes. Une manie de nombreux retraités partageant son avis, selon Odile, la pharmacienne, qui la regarde avec scepticisme. "En général ici, les gens sont plutôt tolérants, tout le monde est d'accord sur la nécessité d'accueillir les migrants. Mais une frange des retraités, ex-migrants polonais, italiens et portugais venus travailler dans l'usine Arcelor il y a des décennies, veulent couler une retraite heureuse après avoir beaucoup trimé, et sont plus inquiets", analyse Odile.

Karim, boucher dans le quartier populaire de l'Albeck, que fréquentaient régulièrement les migrants, les regretterait presque: "d'une certaine manière, ces gars qui passaient, qui venaient nous acheter de la viande, du pain ou des médicaments, ils animaient le quartier".
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