"Il ne changera pas, et il faut qu'il l'entende" : les associations à la barre au procès de David Ramault

Les avocats des associations ont pris la tribune, au troisième jour du procès du meurtrier de la jeune Angélique Six. Sans nier la part de pathologie de David Ramault, ils l'ont exhorté à prendre ses responsabilités.

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"Vous allez vous concentrer, vous allez répondre précisément, rapidement, et fort" annonce Me Audrey Jankielewicz, l'avocate de la famille d'Angélique Six. C'est la dernière fois que David Ramault va répondre aux questions des parties civiles. Mais la magistrate n'arrivera pas à obtenir la réponse à deux questions fondamentales pour la famille.

"Je voulais l'avoir face à moi" : l'aveu qui bouleverse la cour

D'abord, David Ramault maintient : il a réussi à convaincre Angélique de le suivre sur la simple mention d'un cadeau à faire à ses parents. Une version dont la famille doute depuis le début, estimant qu'une forme de repérage avait forcément eu lieu. Ensuite, il n'arrive plus à se souvenir de ce qu'il a fait du téléphone, que les proches voulait récupérer.

"Je vais vous poser une autre question, ça va nous faire du mal à tous, mais c'est important. Quand vous avez passé le pantalon autour de son cou, dans quelle position était Angélique ?

- Elle était dos à moi. 

- Pourquoi vous l'avez retournée vers vous ?"

Daniel Ramault, aggripé à son micro, semble sur le point de se trouver mal. Sa main tremble, il articule péniblement. "Je voulais l'avoir face à moi. (...) Oui, je l'ai regardée" répond-il très bas, dans un accès d'honnêté. La salle entière encaisse le choc de cette dernière phrase. L'avocat de l'association l'Enfant Bleu, est lui revenu sur les quelques jours d'après, demandant à David Ramault pourquoi il ne s'était pas rendu. Espérait-il s'en tirer ? "Non. Je voulais quelques jours avec ma femme et mes enfants" reconnaît l'homme dans le box.

"Il ne changera pas, et il faut qu'il l'entende"

Ce sont ensuite les plaidoiries des parties civiles qui commencent. Me Costantinoavocat de l'association Enfance et Partage, a pris l'estrade le premier. "Il a regardé Angélique vivre ses derniers instants. Nous ne le savions pas, et j'en suis assez bouleversé. La laideur est partout. Le chagrin, le malheur, suintent partout, aussi sur ces bancs-là, ajoute-t-il en désignant David Ramault. Même si nous étions 100, nous n'arriverions pas à rendre compte de la douleur de cette famille. Rien ne donne plus l'idée de l'insondable que la déchirure des parents qui perdent leur enfant dans de telles conditions. Hier, nous sommes rentrés chez nous avec dans les oreilles le hurlement inhumain du père de cette enfant, anéanti par cette journée."

Me Costantino a tenté d'expliquer la dynamique qu'il a cerné chez David Ramault. "Il y aurait les femmes qu'on respecte, mais qu'on ne désire pas. Et de l'autre, celles qu'on baise, car c'est comme cela qu'on le dit bien souvent, a poursuivi mettre Costantino d'un ton grave, dénué de toute provocation. C'est alors que dans l'acte sexuel on voit une souillure, une salissure". Pour l'accusé, il y a donc les "femmes d'amour", qui peuvent échapper à la souillure sexuelle et les "femmes de désir", qui sont vouées au rabaissement, à l'humiliation, au viol.

"Tout cela est une maladie, tout cela ne se guérit pas, a-t-il poursuivi, soutenu par le travail des experts auditonnés dans la matinée. Cela peut se vivre en abstience. On est sexopathe comme on est alcoolique : tout sa vie. Le pari que la Justice doit faire, et qui est on ne peut plus risqué, c'est d'espérer qu'il parviendra à rester abstinent. Mais il ne changera pas, et il faut qu'il l'entende. Ce que j'ai entendu, durant ces 3 jours, implicitement, c'est "je suis coupable, mais je ne suis pas responsable, parce que je suis un monstre, et que je n'y peux rien". Mais arrêtez monsieur !"

"Ce que David Ramault nie en lui, c'est sa violence"

Me Sophie Ksentine, avocate de la Voix de l'Enfant, a elle aussi tenu à décrire les mécaniques à l'oeuvre dans le cas David Ramault. "La constitution partie civile est notre appel à faire mieux, pour que ce genre d'affaire ne se reproduise plus. (...) Il est frappant de constater que tout l'entourage de David Ramault adhère à l'idée qu'il a purgé sa peine et qu'il a droit à une seconde chance. Sa demi-soeur nous a dit "il nous a prouvé qu'il avait changé". Mais Mr Ramault se leurre. D'un côté, il pense que son problème est résolu : il a été puni, il sait que c'est mal. Mais ses puslions sont toujours là. Il sait très bien vers quoi le porte sa sexualité, et il met en place un système qui fait barrage : il peut être déviant, derrière son ordinateur. Ce que David Ramault nie en lui, c'est sa violence." Pour cet homme effacé, passif, c'est le seul moment où il existe. 

"Prendre une sanction est évident, mais elle ne suffira pas. La sanction est intégrée à son système, elle est même recherchée car cela lui évite de se poser des questions. Il s'est lui-même condamné. Mais nous, nous savons que ce n'est pas réglé. Il reste une chose à laquelle il s'est refusé : parler vraiment de lui" développe la magistrate, qui pointe du doigt le décalage entre les lettres de David Ramault et son expression orale, bien plus limitée. Me Ksentine l'en implore : qu'il ait le courage de se remettre en question. "On raisonne toujours le soin comme une démarche de consentement. Je ne crois pas que ce soit possible pour Mr Ramault. S'il y a une chose qu'il comprend, c'est l'absence de consentement. Je pense qu'il faut le pousser inlassablement dans ses retranchements."

"20 000 enfants par an sont victimes d'abus sexuels"

Elle s'est prononcée en faveur de la castration chimique, comme une preuve d'engagement de la part de David Ramault dans le processus de soin. Les experts médicaux auditionnés dans la matinée ont estimé que celle-ci ne serait pas efficace, puisque l'aspect sexuel est une conséquence de la personnalité psychopathique de l'accusé, qui pourrait se reporter sur une autre forme de violence. 

"Il y a peu d'espoir face à une personnalité comme celle de David Ramault, mais il faut se battre, pour les enfants, a complété Mr Crespin, avocat de l'association L'enfant Bleu. Ce procès est symptomatique de l'absence de suivi des délinquants sexuels. Il est évident qu'il y a eu un manque, une faille. 20 000 enfants par an sont victimes d'agressions sexuelles. Dans chaque classe d'école, il y a trois enfants qui ont été victimes d'abus sexuels, 1 enfant sur 10. C'est un problème majeur. Un enfant agressé, c'est quelqu'un qui va souffrir toute sa vie, et qui deviendra peut-être un agresseur. Il nous faut d'autre mesures pour suivre, prendre en charge. Sanctionner le viol, le meurtre d'Angélique, c'est vous qui devez le faire. (...) Notre société doit apporter une réponse à la famille. Il faut redonner un peu d'humanité à une affaire qui en a terriblement manqué."

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