Le journaliste nordiste, ex-otage en Afghanistan, publie ce mercredi un livre sans concessions.
Rançon payée par la France, attitude hostile de l'armée française et de Nicolas Sarkozy, épineuse question de la médiatisation : Hervé Ghesquière, journaliste et ex-otage en Afghanistan, règle ses comptes dans un livre sur sa captivité, intitulé "547 jours".
Plus d'un an après sa libération et celles de Stéphane Taponier et leur traducteur Reza des mains des talibans afghans, Hervé Ghesquière donne dans cet ouvrage publié vendredi par Albin Michel sa "part de vérité" au terme d'une contre-enquête auprès de ceux qui l'ont accusé d'"irresponsabilité".
Ce livre, Hervé Ghesquière, l'a écrit sur la Côte d'Opale. Nous l'avions rencontré en avril dernier.
Beaucoup lui ont répondu, de Nicolas Sarkozy au général Jean-Louis Georgelin, ex-chef d'état-major des Armées, en passant par Claude Guéant (alors secrétaire général de l'Elysée), Hervé Morin (Défense) et Bernard Kouchner (Affaires étrangères).
Le livre alterne entre sa détention de décembre 2009 à juin 2011 et la polémique alimentée en France.
De retour à Paris, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier rencontrent le président le 27 juillet 2011. Sur la "lenteur des négociations", Nicolas Sarkozy répond : "La grande difficulté, c'était la libération des prisonniers" talibans réclamée par les ravisseurs en échange des otages. Et une éventuelle rançon ? "Pour moi, ça n'a jamais été un problème. L'argent, on sait faire. La difficulté, c'était vraiment les prisonniers".
Hervé Ghesquière ne donne pas de somme précise. Selon les sources, c'est quelques "centaines de milliers d'euros" ou de 4 à 10 millions d'euros ou de dollars.
"Les troupes françaises en Kapisa ne contrôlaient rien"
Il met en cause l'armée française, surtout son responsable presse en Afghanistan, le lieutenant-colonel Jackie Fouquereau, coupable, selon lui, d'avoir "intoxiqué" l'Elysée et le gouvernement français en leur affirmant que les journalistes cherchaient "à tout prix à rencontrer des talibans", ce qui avait causé leur perte.
"Quand même, on s'est un peu auto-intoxiqués. J'ai été intoxiqué par ces gens", dit Bernard Koucher, cité par l'auteur, à propos des militaires.
"Après notre kidnapping, nous devenions la preuve par neuf que les troupes françaises en Kapisa ne contrôlaient rien. Une évidence aujourd'hui mais un sacré constat d'échec à l'époque", écrit-il, estimant que les autorités se sont servies du rapt
pour détourner l'attention sur cette question.
Vive polémique
L'ex-journaliste de France 3, désormais reporter à Envoyé Spécial (France 2), revient également sur la médiatisation des affaires d'otages.
Il rappelle la position officielle : "plus une affaire d'otages est exposée, plus elle est difficile à résoudre". Et dénonce le fait que "le silence va être brisé par ceux-là mêmes qui l'exigent".
Il vise aussi Claude Guéant qui avait dénoncé peu après le rapt l'"imprudence vraiment coupable" dont les journalistes auraient fait preuve et "le scoop (...) recherché à tout prix", déclenchant une vive polémique.
Hervé Ghesquière égratigne enfin les services secrets français, dont "l'approche psychologique des otages" laisse, selon lui, à désirer. "J'ai l'impression d'avoir été aussi bien considéré qu'au guichet de la Sécurité sociale un jour d'affluence", dit-il.
Extrait :
« Je venais d’être pris en otage et j’avais conscience que le voyage serait long et terrible. Mais je ne pouvais pas deviner à quel point mon histoire, notre histoire, allait devenir une affaire d’État. À mon retour, la question de la médiatisation m’a fait réfléchir. Parler ou ne pas parler ? Et j’ai pensé à tous ceux qui s’étaient déchirés pour moi tout en répétant chaque jour : “ libérez-les ! ” »