148 000 étrangers non européens ont potentiellement le droit de voter aux prochaines élections communales belges.
C'était l'un des grands thèmes de la dernière campagne présidentielle en France, l'un des grands points de discorde aussi entre François Hollande et Nicolas Sarkozy : le droit de vote accordé aux résidants étrangers non ressortissants de l'Union Européenne aux élections locales.
Le nouveau président de la République s'est engagé à le soumettre au vote du Parlement d'ici la fin du quinquennat. Mais chez nos voisins belges, il est déjà en vigueur depuis 2004 pour les seules élections communales, l'équivalent de nos élections municipales.
Nous sommes allés à Farciennes et à Charleroi, deux villes comptant d'importantes populations turques et maghrébines, pour voir comment cela se passe à cinq mois du prochain scrutin communal, prévu le 14 octobre 2012.
Qui est concerné ?
En Belgique, pour qu'un étranger non européen puisse voter aux communales, il faut qu'il ait au moins 18 ans, qu'il réside sur le territoire depuis au moins 5 ans, sans interruption, qu'il dispose d'un titre de séjour en règle et qu'il bénéficie de tous ses droits civiques.
Selon le Service Public Fédéral Intérieur, 147 810 personnes correspondent à ces critères sur l'ensemble du territoire belge (le nombre d'étrangers appelés à voter en octobre prochain s'élève à 800 663 si on inclut les ressortissants européens, comme les Français ou les Italiens).
Ces électeurs potentiels - qui ont jusqu'au 31 juillet pour s'inscrire sur les listes - ne représentent donc, en théorie, que 1.7% du corps électoral.
En revanche, les étrangers ne peuvent pas être élus à des fonctions municipales.
Les étrangers font-ils valoir ce droit ?
Alors que le droit de vote des étrangers est en vigueur en Belgique depuis 8 ans maintenant, très peu le font valoir. Selon le Service Public Fédéral Intérieur, seuls 6 439 ressortissants non européens étaient inscrits sur les listes électorales à la date du 7 avril, soit à peine plus de 7% des personnes potentiellement concernées.
A Farciennes, où l'on comptait 684 étrangers non ressortissants de l'Union Européenne (6.2% de la population) au dernier recensement de 2008, seuls 63 avaient participé au vote lors des précédentes élections communales de 2006 : 53 Turcs, 5 Marocains, 2 Russes, 1 Algérien, 1 Guinéen et 1 Rwandais. Ils représentaient tous ensemble à peine... 1% des inscrits.
Pour le prochain scrutin du mois d'octobre, 500 seraient cette fois potentiellement concernés selon le Centre Régional d'Intégration de Charleroi. Mais seuls 39 d'entre eux (7.2%) s'étaient inscrits à Farciennes à la date du 10 mars.
La proportion est à peu près identique dans la ville voisine de Charleroi, où sur 5 426 étrangers non européens concernés, seuls 352 (6%) s'étaient inscrits à la même date.
Pourquoi une si faible participation ?
Au Centre Régional d'Intégration de Charleroi, on évoque un manque d'information des populations étrangères. Cette année, la région wallone a d'ailleurs mis en place une vaste campagne pour inciter les étrangers qui en ont le droit à s'inscrire sur les listes électorales : "Ma commune, j'y vis, j'y vote".
Cette faible inscription s'explique peut-être aussi par le caractère contraignant du vote en Belgique : une fois inscrit sur les listes, l'électeur est en obligation de se rendre aux urnes, faute de quoi il doit payer une amende. Même si contrairement aux citoyens belges, les ressortissants étrangers peuvent se désinscrire des listes, cela doit en freiner certains.
Dernière explication enfin, avancée par Hugues Bayet, le bourgmestre (maire) de Farciennes : les étrangers installés depuis longtemps en Belgique ont souvent obtenu la naturalisation belge et bénéficient déjà du droit de vote, au même titre que n'importe quel citoyen de Belgique.
Quels effets sur les communes belges ?
Le faible nombre d'étrangers concernés et inscrits limite forcément l'impact du vote des étrangers lors des élections communales.
D'ailleurs en Belgique wallone, aucun des grands partis, de droite, du centre ou de gauche, ne le remet en cause aujourd'hui, alors que son principe suscite encore des remous côté flamand.
Les candidats aux élections communales ne peuvent toutefois négliger les électeurs étrangers dans une grande ville comme Charleroi, où plusieurs centaines d'entre eux voteront le 14 octobre prochain. Ainsi, Olivier Chastel, actuel ministre du budget et prétendant à la mairie carolorégienne sous l'étiquette du MR (Mouvement Réformateur, proche de l'UMP), a souhaité que plusieurs Belges d'origine turque, maghrébine ou africaine, figurent sur sa liste, afin de toucher et convaincre cet électorat, même minoritaire. Son parti a également édité une brochure pour encourager les étrangers à s'incrire sur les listes électorales.
"Je trouve ça enrichissant, car c'est beaucoup plus facile dans ce cadre d'aller l'un vers l'autre, de comprendre l'autre", nous a confié Olivier Chastel. "Mais aussi de dialoguer et de renforcer son souci de parfaite entente et d'intégration. Donc pas de communautarisme, mais bien une vie ensemble, un vivre ensemble important".