A Roubaix, le ministre lance une concertation pour rediriger les aides d'Etat vers les quartiers les plus défavorisés.
L'ancien conseiller politique de Martine Aubry devenu ministre délégué à la Ville, François Lamy, ouvre une concertation pour réorienter les crédits de son ministère vers les quartiers les plus défavorisés. Accompagné de Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires et du logement, il a choisi d'ouvrir le dossier à Roubaix.
Les acteurs de la concertation sont ainsi notamment invités à réfléchir à "une réforme de la carte de la géographie prioritaire". En termes moins abscons, il s'agit de revoir quelles zones ont vraiment besoin des crédits du ministère.
Aujourd'hui, 8 millions d'habitants français vivent dans des quartiers relevant de la politique de la ville : ZUS, CUCS ou autre ZFU (Zone urbaine sensible, Contrat urbain de cohésion sociale, Zone franche urbaine...). Or les dispositifs sont multiples et "peu lisibles", selon le ministre. "On a des politiques très saupoudrées, très éparpillées", a-t-il déploré, ajoutant: "Il y a une volonté de concentrer notre action dans les quartiers prioritaires."
Dans un rapport, la Cour des Comptes avait déjà demandé un "rééquilibrage territorial des crédits" au profit de six départements, dont le Nord.
Les quartiers prioritaires en Nord-Pas-de-Calais
La région est particulièrement bénéficiaire de la politique de la ville. Elle compte 73 Zones Urbaines Sensibles (ZUS) : 49 dans le Nord, 24 dans le Pas-de-Calais. En 2006, l'Insee récapitulait la répartition de ces zones et de leur population en une carte :
Parmi les autres dispositifs, il y a 47 Contrats urbains de cohésion sociale signés dans la région : c’est moins qu’en Ile-de-France (113) mais d’avantage que partout ailleurs. Le Nord-Pas-de-Calais compte aussi 10 Zones franches urbaines, dont 8 dans le Nord.
La politique de la ville, c’est aussi la rénovation urbaine. Elle est très active dans la région, par exemple dans le quartier des Trois Ponts à Roubaix, qui fait partie d’une Zone urbaine sensible.
Grâce à ce type de projets, la part de la population vivant en situation d’extrême pauvreté diminue. On ne sait pour le moment quels dispositifs seront remaniés, quels quartiers pourraient voir leurs subsides augmenter... ou diminuer. S'il y a remaniement et rééquilibrage, il y aura aussi des perdants, des mécontents.
Bronca des élus en prévision
En son temps, le rapport de la Cour des comptes avait provoqué une bronca des élus locaux, soucieux de ne pas perdre de précieux subsides, et le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait enterré l'idée. François Lamy admet que sa politique risque à nouveau de faire grincer des dents, "mais à un moment, il faut faire preuve de volonté et d'un peu de courage."
"Les réformes sont plus faciles à adopter en début de mandat", souligne le sociologue Jacques Donzelot, selon lequel le gouvernement pourrait également bénéficier de "l'ambiance d'austérité" qui habitue les esprits aux coupes budgétaires. Pour lui, la réforme passera si la redéfinition des zones "ne semble pas trop politique, si on ne garde pas que des communes de gauche."
Aux origines : violences et pauvreté
Tuerie dans la banlieue de Grenoble, règlements de compte dans les quartiers nord de Marseille, émeutes à Amiens... les faits divers rappellent régulièrement que les banlieues sont "sur des charbons ardents", selon l'association des maires Villes et Banlieues de France. "On est toujours sur le fil du rasoir. On peut aller vers un basculement" comme lors des émeutes de 2005, estime son secrétaire général, Damien Careme (PS), maire de Grand-Synthe (Nord).
Un tiers des habitants des zones sensibles vivent sous le seuil de pauvreté, 42% des moins de 25 ans y sont au chômage, un quart renonce à des soins pour raisons financières, etc. Dans ces banlieues, "le sentiment d'injustice est croissant car les inégalités sont croissantes", estime aussi Yazid Sabeg, ancien commissaire à la diversité et à l'égalité des chances.
« Engageons le changement », mais sans plan d’envergure
Qualifiant la situation de "pas tolérable", le ministère de la Ville lance donc cette concertation intitulée "Quartiers : engageons le changement !" avec des représentants de l'Etat, des élus, des associations, des bailleurs et des habitants. Les conclusions de ces discussions seront présentées début 2013 lors d'un comité interministériel des Villes et feront l'objet d'un projet de loi dans la foulée.
Mais avec un budget de 505 millions d'euros pour 2013 - stable à périmètre constant -, François Lamy a confirmé récemment ne pas être favorable à "un Plan Marshall ou un Plan Espoir Banlieue, où il y a beaucoup d'annonces et peu de résultats", et privilégier "des réponses très pragmatiques, très précises". Le ministère n'envisage pas de plan d'envergure.
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