Une faible partie des demandes ont été examinées, mais ce taux est inquiétant pour les nombreuses victimes de la région.
Plus de 80% des demandes d'indemnisation des victimes présumées du Mediator examinées jusqu’à présent ont été rejetées par les experts de l’Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) qui appliquent des critères restrictifs, selon des informations du Parisien, confirmées par le président de la principale association de victimes.
L'Oniam a examiné 831 dossiers sur les 7.500 présentés, selon son président Erik Rance qui s'est refusé à confirmer le taux de rejet, estimant que le nombre de cas examinés "n'est pas significatif". "Je comprends l'impatience des victimes (...) mais la procédure a été bâtie afin que chaque dossier soit examiné individuellement. C'est donc une procédure très longue pour établir les liens de causalité" (entre la prise du Mediator et la maladie), a-t-il ajouté.
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a réagi mercredi en soulignant que le laboratoire Servier devrait "assumer ses responsabilités" en ce qui concerne l'indemnisation. Elle a également reconnu que le débat porte "sur la capacité à établir un lien entre les dysfonctionnements observés chez certains malades et la prise du Mediator, d'une manière qui garantisse l'indemnisation par la justice".
Inacceptable pour les victimes
"Nous sommes très en colère contre le collège d'experts", a commenté le Dr Dominique-Michel Courtois, président de l'Association des victimes du Mediator (Avim), qui présente quelque 5.000 dossiers d'indemnisation, dont 500 ont déjà été examinés. "Le refus risque de porter sur des milliers de dossiers", a-t-il prédit. Il a souligné que les refus déjà signifiés portent principalement sur les petites fuites cardiaques.
Ces valvulopathies bénignes, assez fréquentes dans la population âgée, sont rejetées par le collège d'experts, parce qu'il est difficile d'établir un lien "direct et causal" avec la prise du Mediator, a expliqué la pneumologue Irene Frachon, qui a dénoncé la première les dangers de ce médicament. "On ne peut pas prouver à 100%, mais il faut que le doute bénéficie à la victime alors qu'il bénéficie actuellement à Servier", a-t-elle ajouté, en soulignant notamment "le préjudice d'angoisse" et "le caractère symbolique de la réparation".
Pour rejeter les demandes, les membres du collège d'experts, dirigé par Roger Beauvois, mettent en avant l'âge avancé du malade, la prise d'anti-migraineux susceptibles d'entraîner des problèmes cardiaques, ou des rhumatismes articulaires aigus contractés dans l'enfance, a relevé le Dr Courtois. Mais cette décision de l'Oniam de ne pas indemniser les petites valvulopathies est "une décision idéologique et stratégique parce qu'il y a trop de dossiers", a estimé Me Charles Joseph Oudin, un avocat des victimes.
Gonzague Vandamme, Fabien Garreau et Antonio Da Fonseca.
L’esprit de la loi trahi ?
La façon dont travaille le collège des experts de l’Oniam "ne correspond pas à l'esprit de la loi" qui a présidé à la création du fonds d'indemnisation des victimes du Mediator, a déclaré à l'AFP Gérard Bapt, député PS de Haute-Garonne.
"Tous les préjudices doivent être indemnisés", souligne ce cardiologue, ancien président de la mission d'information parlementaire sur le Mediator. Or, selon lui, "il y a une distorsion entre le volonté du législateur et du précédent ministre (Xavier Bertrand) et l'indemnisation des petites valvulopathies."
"Je me propose de rencontrer le Directeur général de la santé pour en parler parce que à l'évidence cela va causer un trouble", dit-il. "Juridiquement, le déficit fonctionnel englobe ‘toutes les conséquences’ – dégâts physiques, même s'il n'y a pas de retentissement symptomatologique du type essoufflement, insuffisance cardiaque-- et l'anxiété."
Mais "il semble bien qu'il y a des discussions au sein des experts", relève M. Bapt. Par ailleurs, "les cardiologues, médecins ou chirurgiens, ont du mal à reconnaître la réalité des dommages sur une chose à côté de laquelle ils sont passés pendant plus de vingt ans", ajoute-t-il en évoquant les dégâts de ce coupe-faim.
Toujours en attente du procès
Le Mediator, un médicament des laboratoires Servier destiné aux diabétiques en surpoids, a été largement détourné comme coupe-faim durant sa commercialisation de 1976 à 2009. Il est soupçonné d'avoir provoqué la mort d'au moins 500 personnes en 30 ans, voire 1.320 à 2.000 selon d'autres estimations. Il a été retiré du marché en novembre 2009 en raison des risques cardiaques encourus par les patients.
Sur le plan judiciaire, un premier procès du Mediator devant le tribunal de Nanterre, initialement prévu en mai, a été reporté de plusieurs mois. Le patron du groupe pharmaceutique, Jacques Servier, est parallèlement mis en examen à Paris.
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