La maire de Lille ne condamne pas les expulsions de Roms, seulement l'absence de solutions alternatives.
« Il y a de la place en France pour accueillir dignement ceux qui sont là ! » Ce sont les mots de Martine Aubry, qui a exprimé sa colère auprès de nos confrères du Parisien-Aujourd’hui en France, après le démantèlement de deux camps de Roms à Lille, le 8 août.
Mais quelle est exactement l’origine de cette colère : l’indignité du principe même d’évacuer des camps ? En 2010, après le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, elle avait parlé de « dérive antirépublicaine ».
« Je suis d’autant plus désagréablement surprise de la manière dont ça s’est passé cette fois », lance aujourd’hui Martine Aubry, alors que le pays est désormais gouverné par des socialistes. Il semble qu’elle ait eu une discussion avec le Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Discussion houleuse, à n’en pas douter.
Une colère mesurée
Mais Martine Aubry l’assure : la politique de Manuel Valls n’a « rien à voir » avec celle de Nicolas Sarkozy et ses anciens ministres de l’Intérieur (Brice Hortefeux et Claude Guéant) et de l’immigration (Eric Besson).
En fait, ce qui a semble-t-il en premier lieu insupporté Mme Aubry, c’est qu’elle n’était pas au courant ! Apparemment, le Préfet n’avait pas prévenu la maire de Lille que deux camps de Roms allaient ainsi être démantelés dans sa métropole.
Par ailleurs, Martine Aubry ne se dit pas opposée par principe à ce type d’évacuations. Elle voudrait seulement que celles-ci se fassent avec plus de « dignité ». Celles de la semaine dernière se sont faites dans des conditions « pas totalement satisfaisantes », expliquait-elle jeudi sur Europe 1.
Seulement « pas totalement » satisfaisantes ? Dans la foulée, Mme Aubry justifiait : « La situation devenait impossible pour eux-mêmes (les Roms) et aussi pour les riverains. (…) Moi je connais bien la situation des gens qui habitent là. Je connais bien la situation des Roms. Je souhaite aussi qu’on trouve une solution pour tous ceux qu’on a évacués sans solution. »
Prudence et discrétion
Une évacuation sans solution. C’est bien ce qui insurge les associations de défense des Roms, qui relèvent que cela entre en contradiction directe avec une promesse du Président Hollande : « Pas de démantèlements sans solutions alternatives. » Pas étonnant que Martine Aubry ait ce même point de mécontentement : elle travaille étroitement avec ces associations, à Lille, sa ville qu’elle considère « absolument exemplaire » sur la question.
Etroitement, et discrètement. La métropole lilloise gère depuis bien longtemps l’épineuse question des Roms, avec le moins de communication possible. Le feu des projecteurs et les polémiques sont tout ce qu’elle veut éviter, tout particulièrement sur cette thématique.
Quand il faut - quand même – communiquer sur ce dossier, c’est généralement Michel-François Delannoy, premier vice-président de la Communauté urbaine de Lille, qui s’en charge : « Nous avons pris des initiatives qu'aucune autre agglomération en France n'a prise : les villages d'insertion, la mobilisation des moyens d'hébergement d'urgence en lien avec l'Etat, etc. Nous avons délibéré pour aménager des sites, ce que nous ferons prochainement. Si on veut continuer à ce que ce soit toujours les mêmes territoires qui font les plus grands efforts, qui traitent toutes les situations, là on arrive à un point de rupture. »
Des efforts reconnus par les associations locales et nationales. « Je peux comprendre le mécontentement de Martine car elle a créé chez elle un vrai laboratoire pour accueillir les Roms dont on pourrait s’inspirer », a pour sa part confié Fodé Sylla, ancien président de SOS Racisme, au Parisien-Aujourd’hui en France.
Avec cette affaire, la maire de Lille marche sur des œufs :
- Elle ne condamne pas ces démantèlements, pour ne pas polémiquer avec le Gouvernement ni recevoir les foudres des riverains ;
- Elle ne s’en réjouit pas non plus, puisqu’elle travaille avec les associations de défense des Roms précisément pour éviter ces évacuations brutales.
Martine Aubry est revenue de vacances jeudi. Elle travaille depuis pour trouver des solutions alternatives pour les Roms évacués et aujourd’hui éparpillés dans la métropole. Elle devrait tenir une conférence de presse la semaine prochaine, pour mettre les choses au clair.
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