"Je ne veux pas retourner au collège s'il y a encore le coronavirus": réactions d'élèves, parents et enseignants picards

Une réouverture des crèches, écoles primaires, collèges et lycées à partir du 11 mai mais pas des universités, c’est ce qu’a annoncé Emmanuel Macron, lundi 13 avril. Certains y croient, d’autres non… Réactions d’élèves, de parents et d’enseignants en Picardie.

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"Les enfants ont été heureux d'apprendre la nouvelle de la reprise probable de l'école le 11 mai prochain. Pour ma part, j'ai été surprise car je m'étais préparée à la fin de l'année scolaire", raconte Fanny, maman d’Henri en CP et Victoire en CE2 à Arvillers dans l’est de la Somme.

"Ce confinement a beaucoup creusé les écarts entre les enfants car ils ne sont pas tous logés à la même enseigne, que ce soit pour les moyens multimédia pour avoir accès aux devoirs, les moyens humains pour suivre leur travail et les accès aux activités extérieures pour se défouler. Donc oui je suis heureuse de ce possible retour à une vie normale pour les enfants. Ils retourneront à l'école de notre village quand le feu vert sera donné. Ils vont retrouver leurs copains et maîtresses qui leur manquent beaucoup."
 


Pour Clémence, maman de Coline en petite section de maternelle à Amiens, l’annonce d’une rentrée le 11 mai est aussi une bonne chose : "Psychologiquement, c’est une excellente nouvelle pour les enfants, pour qu’ils retrouvent un rythme, et pour les parents également, estime-t-elle.

Bien sûr, il faudra que les parents soient sérieux et attentifs aux règles de sécurité et d’hygiène qu’on leur préconisera de suivre. Pour le respect des distances, ce ne sera sans doute pas trop possible avec les plus petits, mais pour le reste, les enfants sont déjà habitués aux règles d’hygiène : se laver les mains après chaque activité, etc. Coline connaît déjà presque par cœur le message télé et radio "Alerte coronavirus : tousser dans votre coude, etc… !"

"C’est aussi aux parents d’être responsables,
poursuit-elle, si son enfant tousse et présente des symptômes même d’un rhume, on ne le met pas à l’école !" Si les établissements scolaires rouvrent en mai, elle remettra donc sa fille à l’école sans hésitation : "Evidemment ! La décision de fermer les écoles avait été étudiée par le gouvernement et probablement un collège d’experts donc j'imagine que la réouverture a tout autant été étudiée."
 

Le système à distance n'est pas du tout efficace


Un sentiment partagé par Cédric, dont les deux filles Marion et Pauline sont scolarisées en primaire et au collège dans l’ouest de la Somme. Elles retourneront elles aussi à l’école le 11 mai si les établissements scolaires rouvrent à cette date. "C'est rassurant d'avoir une date mais je ne sais pas trop si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle en sachant que les enfants peuvent être porteurs sains et donc véhiculer à nouveau le virus et mettre en danger des adultes plus fragiles, souligne-t-il. Malgré ça, je pense bien renvoyer mes filles à l'école parce qu'elles ont besoin d'un enseignement correct et que le système à distance n'est pas du tout efficace, surtout pour Marion qui est en 5ème et n'a un "suivi" que pour 2 ou 3 matières."
 


De nombreux parents dans le flou

Mais cette annonce suscite tout de même beaucoup de questions chez de nombreux parents. Pour Christine, mère de trois garçons en 6ème, 3ème et terminale : "une reprise le 11 mai, c’est bien mais on attend de voir, pour le moment on est dans le flou. On ne sait pas comment tout ça va être organisé, il n’y a pas de choses concrètes."

Juliette, dont les enfants sont scolarisés en 5ème et en 3ème au collège de Rivery s’interroge également : "dans quelles conditions se fera ce retour en classe ? Le port de masque et de gants sera-t-il obligatoire ? Chez nous depuis un mois, nous respectons le confinement et les gestes barrières, mais on ne sait pas si c’est le cas de tous leurs camarades alors doit-on laisser nos enfants s’exposer de nouveau au risque de contamination ? C’est un peu effrayant", confie-t-elle.

 

Je ne veux pas retourner au collège s’il y a encore le coronavirus


" J’ai prévenu ma fille en lui disant, si tu y retournes, ne saute pas dans les bras de tes copines quand tu vas les retrouver mais ce ne sera sans doute pas facile de faire respecter cela. D’un autre côté, si les enfants ne reprennent les cours qu’en septembre, ça paraît aussi très compliqué. Je suis vraiment partagée car ils ont besoin d’y retourner mais je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure solution pour empêcher le Covid-19 de se répandre. Tant qu’on n’a pas plus de précisions, je ne suis pas sûre de renvoyer mes enfants à l’école", ajoute-t-elle.

Et sa fille Lou qui termine sa 3ème, son brevet déjà en poche grâce au contrôle continu, s’inquiète elle aussi : "Rester à la maison c’est embêtant pour les cours car c’est mieux au collège, mais au moins avec les cours en visioconférence et les Skype avec les copines, je suis sûre de ne pas attraper le virus. Je ne veux pas retourner au collège s’il y a encore le coronavirus."
 

Ils sont "persuadés qu’ils ne retourneront pas en classe"

Une inquiétude que ne partagent pas vraiment les enfants de Geneviève, en 3ème au collège Sagebien et en Terminale S au Lycée Thuillier d’Amiens, et pour cause : "Manon et Léo sont persuadés qu’ils ne retourneront pas en classe cette année car cela leur paraît matériellement impossible de pouvoir proposer une reprise des cours en respectant les mesures barrières et je suis assez d’accord avec eux. Je ne vois pas trop l’intérêt pour cette catégorie d’âge de retourner à l’école et prendre le risque de propager le virus en sortant du confinement alors que l’Education nationale a déjà mis en place un dispositif pour terminer l’année scolaire, notamment le contrôle continu pour le brevet et le bac. Mes enfants ne ressentent pas le besoin d’un retour en classe car ils n’ont jamais rompu le lien social grâce aux moyens de communication digitale.", indique-t-elle.
 

 

Il va y avoir un très gros travail pour que tout le monde soit satisfait des conditions de cette reprise


Dans son alloction du lundi 13 avril, le président de la République a indiqué avoir pris cette décision notamment pour lutter contre les inégalités sociales qui se creusent pendant le confinement. Pour Ghislaine Lefebvre, de la fédération de parents d’élèves FCPE de Picardie, le sentiment est mitigé : "On est contents d’avoir une date mais les conditions de reprise nous inquiètent énormément. On a un certain nombre d’enfants qui sont en déscolarisation depuis le 16 mars donc c’est important qu’ils puissent retrouver le chemin de l’école. Mais on a aussi des interrogations concernant les mesures sanitaires pour les enfants comme pour le personnel. Comment va s’organiser l’entretien des locaux ? Comment va s’organiser la classe ? La reprise à 35 élèves dans une classe par exemple, ce ne sera pas possible. On craint aussi que les parents, par peur, n’envoient pas leurs enfants à l’école et que les enseignants utilisent leur droit de retrait car ils estiment que les conditions ne sont pas réunies donc il va y avoir un très gros travail pour que tout le monde soit satisfait des conditions de cette reprise. Même si ce n’est pas le 11 mai, l’important c’est que tout soit réuni pour que ça se passe au mieux."
 

Les enseignants pris au dépourvu

Le ministre de l’Education doit rencontrer les organisations syndicales pour définir les modalités de cette reprise qu’il annonce progressive : "Tout ne va pas se passer du jour au lendemain", a indiqué Jean-Michel Blanquer. "On va élaborer toute une méthodologie (…) qui passe forcément par de très grands aménagements. En mai-juin ce ne sera pas du tout comme avant, ce sera forcément différent". La reprise progressive "implique forcément qu’on ne va pas avoir les mêmes âges qui rentrent au même moment", et "il ne pourra pas y avoir de grands groupes" dans les classes, a-t-il précisé. 
 
Des éclaircissements que les enseignants attendent avec impatience.

"J’ai été très étonnée par cette annonce, on s’attendait à une réouverture en juin ou en septembre mais pas dès le 11 mai", raconte Marianne, enseignante en maternelle dans plusieurs écoles de la Somme. "Ça paraît assez contradictoire de garder fermer les restaurants, les cinémas, et même les universités et de rouvrir les maternelles ! À ces âges-là, c’est extrêmement compliqué de faire respecter tous les gestes barrières. On ne peut pas retirer aux enfants la proximité avec la maîtresse."
 

Le corps enseignant n’a pas davantage d’informations, on ne peut pas rassurer les parents et on perd en crédibilité


Elle déplore aussi un manque de communication et d’anticipation de la part du ministère de l’Education Nationale : "On prend connaissance des décisions par les médias en même temps que les parents. Le corps enseignant n’a pas davantage d’informations donc on ne peut pas apporter de réponses aux questions que nous posent les parents, on ne peut pas les rassurer et on perd en crédibilité. On comprend la complexité de la situation et notamment qu’il faille s’occuper des enfants des parents qui doivent travailler mais on se pose nous aussi beaucoup de questions : va-t-on accueillir tous les enfants ? Aurons-nous des masques ? Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse et on ne se sent pas vraiment en sécurité."

Mêmes interrogations pour Laurence, enseignante d’une classe de CM1-CM2 dans la métropole amiénoise. "On est dans le flou. On ne sait pas du tout comment cela va se passer. Et si certains élèves reviennent mais pas les autres, devrons-nous assurer à la fois la classe en présentielle et la classe virtuelle ?"
 
Mais l’institutrice voit tout de même un côté positif à cette annonce : "Je suis très contente de retrouver mes élèves car l’école à distance ce n’est pas évident. J’ai moins de patience avec l’informatique qu’avec mes élèves et même si je ne l’ai pas ressenti dans ma classe, il est vrai que l’école à distance crée des inégalités, notamment en primaire car les enfants ne peuvent pas se prendre en charge seuls et accéder par exemple à l’ENT (environnement numérique de travail, NDLR), donc il y a inévitablement une différence entre ceux dont les parents peuvent s’occuper et ceux pour qui ce n’est pas le cas. Si la situation perdure, le fossé va se creuser mais aura-t-on les moyens de rouvrir les écoles dans de bonnes conditions le 11 mai ?"
 

Si on rouvre trop tôt, on prend le risque d’une deuxième vague


Une date à laquelle ne croit pas ce professeur dans un collège rural de la Somme : "Cela me paraît prématuré, on ne sait pas où on en sera dans un mois. Je pense que la date du 11 mai a été annoncée pour donner un peu d’espoir aux gens car pour certains le confinement est très difficile à supporter mais rien ne dit que dans 15 jours, elle ne sera pas reportée. Si on rouvre trop tôt, on prend le risque d’une deuxième vague."

Certains enseignants n’excluent pas d’exercer leur droit de retrait si les conditions ne sont pas réunies pour assurer leur sécurité. Pour Pierre Ripart, secrétaire départemental SNUipp-FSU de l’Oise, "le Président de la République met en avant une reprise économique au détriment de la santé.  On a l’impression d’être revenus deux mois en arrière, on n’a pas l’impression avec cette annonce qu'il a pris la mesure de cette crise sanitaire en rouvrant les écoles qui vont être à nouveau un foyer où le virus va se transmettre prioritairement."

L’inquiétude est grande et les attentes fortes. "On attend des garanties sanitaires. Aujourd’hui Mr Blanquer n’est pas en capacité de fournir un masque pour tous les enseignants qui vont recevoir des élèves à partir du 11 mai. On en a quelques-uns qui sont arrivés dans les écoles qui accueillent les enfants des personnels soignants mais pas en nombre suffisant pour accueillir des milliers de jeunes. On s’attachera à ce que les conditions de sécurité et de santé du personnel et des enfants soient respectées", prévient-t-il.

D’ici là, le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer devra se prononcer notamment sur cette question des masques. Interrogé mardi 15 avril pour savoir s’ils seraient mis à disposition de tous les élèves et enseignants, il a indiqué que c’est "fort possible mais ça fait partie des choses qu’on va décider au cours des deux prochaines semaines." Une décision très attendue comme l’ensemble des modalités de la réouverture des écoles, collèges et lycées à partir du 11 mai.
 
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