Il est derrière Auchan, Decathlon, Leroy Merlin et Saint Maclou : le groupe Mulliez, visé par une enquête de fraude fiscale en France, en Belgique et au Luxembourg, est une vaste galaxie d'entreprises de distribution, adepte de la culture du secret.
Le groupe, fondé en 1955 et détenu par les 700 cousins de la famille est en fait un groupement d'intérêt économique, l'AFM (Association familiale Mulliez), et rassemble, au travers de participations diverses, près de 50 enseignes (Auchan, Alinea, Saint Maclou, Jules, Kiabi, Pizza Pai, Electro Depot...).
Il réalise un chiffre d'affaires global estimé à plus de 80 milliards d'euros, et emploie 500.000 salariés dans le monde. Selon Challenges, la famille Mulliez est aujourd'hui la quatrième fortune de France, à la tête d'environ 23 milliards d'euros.
L'AFM constitue un pacte d'actionnaires à la structure complexe, mélangeant des sociétés civiles détenues par les différents membres de la famille et des holdings gérant les enseignes. "Leur Mécano juridico-patrimonial, mis au point par des dizaines de fiscalistes, bouge en permanence", ce qui rend leur organisation particulièrement "compliquée et opaque", explique Bertrand Gobin, journaliste auteur de "La face cachée de l'empire Mulliez".
Le groupe s'est toujours tenu soigneusement à l'écart de la Bourse et des investisseurs extérieurs, cultivant un esprit de réserve propre aux anciennes familles nordistes, mais apparaissant aussi parfois comme une véritable culture du secret, donnant lieu à toutes les spéculations. Selon M. Gobin, le groupement est certes "expert en optimisation fiscale, mais est toujours a priori jusqu'ici resté du bon côté de la ligne jaune", n'ayant pas fait l'objet de poursuites judiciaires.
Il a ainsi "multiplié les holdings intermédiaires en Belgique, aux Pays-Bas ou au Luxembourg, notamment afin d'échapper à la taxation des plus-values sur les cessions de valeurs mobilières".
Nombreuses tensions familiales
Le siège de l'AFM est toujours domicilié en France, mais plusieurs membres de la famille sont désormais en Belgique ou en Suisse. "Qu'on me fasse payer une taxe supplémentaire parce que j'ai une belle maison ou un beau jardin, je l'accepte. Mais qu'on me fasse payer sur l'entreprise que j'ai construite et qu'ainsi on freine son développement, ça, je ne suis pas d'accord", expliquait en septembre à l'Obs, le fondateur du groupement, Gérard Mulliez, resté en France et gardien des valeurs entrepreneuriales de la famille.A l'origine, les Mulliez étaient spécialisés dans le textile (ils ont crée Phildar), mais ont bâti leur fortune avec le groupe de grande distribution Auchan, lancé en 1961 dans le Nord. Très vite, "Gérard Mulliez s'est aperçu que le supermarché attirait un large public et a décidé d'exploiter cet attrait pour créer des enseignes annexes, destinées à satisfaire tous les besoins des clients", explique Bertrand Gobin.
C'est ainsi que Norauto (équipements automobiles) voit le jour en 1970, puis le restaurant libre-service Flunch en 1971, suivi par l'enseigne sportive Decathlon en 1976. Si le groupe s'est parfois également développé en rachetant des entreprises extérieures (Leroy Merlin en 1979), les nouvelles enseignes sont majoritairement créées par un membre du clan, avec les fonds de l'AFM. Une fois atteint la vitesse de croisière, certaines prennent ensuite parfois leur indépendance, au gré parfois aussi de désaccords familiaux.
Selon M. Gobin, jusqu'ici bien que les tensions au sein de la famille soient "nombreuses, (...) tout cela se réglait sans passage sur le bureau du juge". Mais cette fois une enquête a été déclenchée après une "plainte de la part d'un membre de la famille Mulliez" à l'encontre d'autres membres, vraisemblablement à la suite d'un divorce, selon M. Gobin.
La Juridiction spécialisée de Lille et l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ont été saisis conjointement au "vu de la complexité des faits dénoncés et des circuits" de la galaxie Mulliez, explique mercredi une source judiciaire.
Plusieurs perquisitions ont eu lieu mardi au siège du groupe Mulliez, au Luxembourg et à Néchin en Belgique, dans la résidence de Patrick Mulliez,
fondateur de Kiabi.