Pendant plusieurs années, la température du sol a été enregistrée grâce à des capteurs plantés en surface partout dans le monde. Les données, cartographiées par l'équipe, dont un chercheur du CNRS basé à l'UPJV d'Amiens, permettent d'étudier dans les conditions réelles l'impact du changement climatique sur la biodiversité.
8 500 micro-capteurs de température, enfoncés dans le sol, répartis sur tout le globe, des îles Kerguelen aux zones tropicales en passant par la forêt de Compiègne, par des chercheurs du monde entier ont permis de recueillir suffisamment d'informations pour élaborer la première cartographie mondiale des températures dans les premiers centimètres du sol.
Certains capteurs ont enregistré des données depuis 30 ans. Une prouesse rendue possible grâce à une équipe de recherche internationale pilotée par Jonas Lembrechts, de l'université d'Anvers en Belgique et Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS, basé à l'UPJV à Amiens.
Un nouveau modèle pour l'écologie
Grâce à leur base de données SoilTemp, les résultats scientifiques de 407 écologues de plusieurs pays ont pu être mis en commun. Ce qui apporte de nouveaux éléments pour améliorer notre compréhension de la distribution de la biodiversité dans le contexte du changement climatique. "Nous nous sommes intéressés aux températures des sols car jusque là, il n'y avait aucune donnée. Les écologues se basaient uniquement sur la climatologie. Les données du climat, des températures de l'air, sont mesurées par des stations météorologiques, c'est à dire sous abri et à une hauteur standard de deux mètres, hyper standardisées et représentatives d'un type d'environnement particulier. Par exemple, ces stations sont systématiquement installées dans des environnements très dégagés, sans arbres. Or, pour comprendre les effets de la température sur les insectes ou les plantes au sein de leur habitat naturel, il nous faut connaître les températures ressenties au niveau du sol", explique Jonathan Lenoir. Les capteurs ont ainsi été plantés à 5 ou 15 centimètres de la surface.
D'importants écarts de températures entre le sol et l'air
L'étude a mis au jour des écarts de température non négligeables entre le sol et l'air mesurée sous abri météo, de l'ordre de trois degrés pouvant atteindre jusqu'à dix degrés par endroit et suivant les saisons. Des différences importantes pour comprendre les changements dans la biodiversité. "La distribution géographique de ces écarts observés entre température moyenne annuelle de l’air et du sol suggère que l’amplitude de l’augmentation des températures du sol sous l’effet du réchauffement climatique ne sera pas la même que celle observée pour la température de l’air. Ainsi, une augmentation des températures moyennes annuelles de l’air de l’ordre de 1°C entraînera une augmentation moindre ou plus grande des températures moyennes annuelles dans le sol suivant l’endroit dans lequel on se trouve. Il est difficile de se prononcer sur les tendances futures car nous manquons de données à long terme pour l’évolution des températures du sol. Néanmoins, ces écarts observés ne sont pas sans conséquences sur la distribution spatiale des organismes vivant dans le sol et à proximité", analyse le chercheur.
Pour exemple, cette étude devrait permettre de mieux appréhender les migrations de certaines espèces végétales vers de plus hautes altitudes. Conséquence du dégel des sols avec le réchauffement climatique. La germination dépend plus de la température du sol que celle de l'air. Une migration qui modifie aussi le climat à long terme.
L'arbre est un climatiseur naturel
Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS
Consultable gratuitement
L'équipe du CNRS à Amiens s'est intéressée au micro climat forestier dans les Hauts-de-France. Une centaine de capteurs ont été installés dans la forêt de Compiègne. "Les résultats nous apprennent beaucoup de choses sur l'écosystème forestier et plus largement sur l'utilité des plantes dans nos vies", ajoute Jonathan Lenoir. La forêt fournit du bois et stocke le carbone, ce qui régule le niveau de CO2 dans l'atmosphère et libère de l'oxygène. Mais elle rend un service encore plus important par les températures qui courent.
"C'est un climatiseur naturel. Les arbres puisent l'eau dans le sol et la rejette sous forme de vapeur par leurs feuilles. Ce qui refroidit l'air ambiant. On ne se rend pas compte à quel point les arbres ont une bien meilleure efficacité que les machines élaborées par l'homme. À l'heure où l'on parle de plus en plus des îlots de chaleur urbain, il est temps de se rendre compte, dans nos sociétés, que la meilleure façon de faire baisser la température des villes, c'est de planter des arbres", assure le chercheur installé à l'Université Picardie Jules Verne à Amiens.
Depuis deux ans et le début de la mise en place de la base de données, des chercheurs se sont joints au projet, qui compte aujourd'hui 35 000 sondes réparties dans la monde. "Nous ne pouvons pas tout traiter. C'est un travail colossal. Cette étude englobe toute la planète mais nous avons encore des zones d'ombre dans notre carte. Certaines zones ne sont pas encore étudiées. Nous espérons la compléter", explique-t-il.
Cette cartographie mondiale, disponible gratuitement sur internet, devrait intéresser les écologues du monde entier.