Lutte contre les LGBT-phobies : les interventions en milieu scolaire se multiplient dans les Hauts-de-France

Les moyens de sensibiliser aux discriminations LGBT se multiplient dans les établissements scolaires. A l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, faisons le point sur les actions menées toute l'année dans les classes des Hauts-de-France.

C’est souvent dans la cour de récréation que tout commence. Des moqueries, des insultes voire du harcèlement contre celles et ceux qui n’ont pas la même orientation sexuelle et/ou ne s’identifient pas au même genre. En France, 16% des victimes de LGBT-phobies ont moins de 18 ans et la quasi-totalité a été agressé (verbalement et/ou physiquement) dans le cadre scolaire.

Une situation "insoutenable" pour Catherine Patinet, co-déléguée de l’association SOS Homophobie en Picardie, chargée des interventions en milieu scolaire. "Nos interventions en collège et lycées sont plus que jamais d’actualité, même en aujourd’hui, en 2021".

En classe, face à un professeur, ils ont peur de se livrer, peur que ça les desserve.

Un professeur d’histoire-géographie dans un collège de l’Oise.

La lutte contre l’homophobie et la transphobie fait pourtant partie intégrante des programmes scolaires. Le ministère de l’Éducation nationale rappel en 2019 que "l’homophobie est inscrite dans les programmes d’enseignement moral et civique (…) au même titre que d’autres atteintes au respect dû à autrui : racisme, antisémitisme, sexisme, xénophobie, handicap, harcèlement, etc." 

Les questions relatives à l’orientation et à l’identité sexuelle sont également abordées dans le cadre de cours d’éducation à la sexualité. Sur le sujet des LGBT-phobies, les établissements scolaires font de plus en plus appel à des intervenants extérieurs : "en faisant venir une association on capte plus facilement l’attention des élèves. Ils se sentent plus libre de parler, alors qu’en classe, face à un professeur, ils ont peur de se livrer, peur que ça les desserve", confie un professeur d’histoire-géographie dans un collège de l’Oise.

Un constat partagé par les bénévoles de l’association SOS Homophobie, qui depuis plus de quinze ans sillonnent les classes de la région ; de la 4ème à la terminale, en passant même par les amphithéâtres des universités. "Pendant deux heures, on échange avec les élèves : on leur parle de respect, de consentement. On déconstruit avec eux les stéréotypes de genre à la base de l’homophobie et surtout on répond, autant que possible, à leurs questions. Car les jeunes en ont énormément à ce sujet !", explique Thérèse Niciejewski, co-déléguée SOS Homophobie du Nord.

Des interventions en hausse

Sur l’année scolaire 2019-2020, les bénévoles de SOS Homophobie dans le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie ont sensibilisé plus de 4000 élèves dans toute la région. Des interventions en hausse dès le début de l’année 2020-2021 : "Depuis septembre nous avons déjà réalisé 140 interventions, tout en sachant qu’en avril les établissements étaient fermés, ajoute Thérèse Niciejewski, c’est un record."

Même constat en Picardie pour Catherine Patinet, représentante picarde de l’association : "je n’arrive pas à répondre à toutes les demandes, on en reçoit de plus en plus de la part des établissements. Ou des professeurs qui nous contactent directement." Une demande qui s’explique, en partie, par la plus grande visibilité des personnes LGBTQI+ dans les médias et la "libération de la parole" des jeunes sur les questions de genre. "Aujourd’hui 25% des 18-24 ans se disent non-binaire, c’est-à-dire qu’ils ne se reconnaissent dans aucun genre", ajoute la co-déléguée nordiste.

On reçoit tellement de demandes qu’on a pris quelqu’un à plein temps pour gérer les relations avec les collèges et lycées.

Catherine Patinet, SOS Homophobie Picardie

Outre les associations, d’autres intervenants en classe voient leur agenda se remplir. C’est le cas d’Olivier Lallart, réalisateur, entre autres, du moyen-métrage PD. Un film sur l’homophobie en milieu scolaire, qui cumule plus de 2 millions de vues sur Youtube. Pensé dès l’origine comme un support pour sensibiliser les élèves, PD a été projeté plus d’une vingtaine de fois en classe depuis sa sortie en décembre 2020. Des projections qui dépassent les frontières de la région explique Olivier Lallart : "on va bientôt intervenir dans les académies de Versailles et Créteil. On a même fait une intervention en visio avec un établissement en Suisse…Et ce n’est pas fini, on reçoit tellement de demandes qu’on a pris quelqu’un à plein temps pour gérer les relations avec les collèges et lycées". 

A l’occasion de la semaine de lutte contre les LGBT-phobie, du 17 au 21 mai, le réalisateur interviendra dans plusieurs établissements dans les Hauts-de-France (Villers-Cotterêts, Beauvais, Maubeuge etc.). Des interventions qui s’adressent aussi aux enseignants, confie Olivier Lallart : "je m’en suis rendu compte quand un professeur est venu me trouver à la fin de la projection du film pour me dire : “mes élèves utilisent tout le temps le terme “PD“, je ne les reprenais jamais, pensant que ce n’était pas bien grave, mais je vais changer ça“ ".

De nouveaux outils

Jamais le rectorat d’Amiens n’avait été "à ce point sollicité" à l’occasion de la journée de lutte contre les LGBT-phobies, nous explique Léa Fontana, en charge des réseaux sociaux au rectorat, "une quinzaine de chefs d’établissements nous ont signalé mettre en place des actions de sensibilisation, plusieurs vont projeter le film de Olivier Lallart et certains dresseront des stands avec SOS homophobie. C’est du jamais vu". De quoi inciter l’Académie d’Amiens à "accélérer" les projets en cours, comme la création d’un observatoire des discriminations LGBT à l’échelle de la Picardie. "L’objectif, c’est que l’Académie soit plus présente sur cette problématique."

Une présence qui passe aussi par les réseaux sociaux. Initiée l’année dernière, les comptes Instagram et Twitter de l’Académie d’Amiens et de Lille, servent de support pour sensibiliser les élèves.

Cette année, un questions/réponses sera animé par le rectorat et différentes associations le 17 mai sur le sujet des discriminations LGBT. "Un dispositif qui a très bien fonctionné à l’occasion de la journée de visibilité lesbienne, avec plusieurs centaines de questions. Peut-être que nous étendrons les réponses sur toute la semaine du 17 si les questions sont nombreuses", conclut Léa Fontana.

Des efforts insuffisants

Les dispositifs de sensibilisation sont de plus en plus nombreux dans les écoles de la région, et pourtant, en 2021, un acte LGBT-phobe sur cinq est imputé à des membres de la direction des établissements et de personnels enseignants d’après le dernier rapport sur les LGBT-phobies de SOS homophobie.

Dans le cursus des professeurs, la formation sur les questions de genre est en option

Catherine Patinet, SOS Homophobie Picardie

Un chiffre qui traduit une certaine réalité pour Catherine Patinet : "les professeurs sont parfois largués devant des élèves LGBT. Ce n’est pas intentionnel mais ils emploient les mauvais termes ou ils mégenrent (ndlr : utiliser un genre dans lequel la personne ne se reconnaît pas) des élèves par exemple.“ Des maladresses qui révèlent un “manque de formation" de la part du personnel enseignants sur les sujets liés à l’homosexualité et la transidentité. Si le rectorat d’Amiens propose, pour la deuxième année consécutive, une formation en ligne pour les enseignants, l’offre est insuffisante pour Catherine Patinet, qui souhaiterait voir le sujet inscrit dès l’université. "Dans le cursus des professeurs, la formation sur les questions de genre est en option…en option, vous vous rendez compte ?"

Un étonnement que partage Jean*, professeur d’histoire-géographie qui regrette de ne pas avoir plus d’informations de la part de l’Éducation Nationale. Confronté à la transition – changement de rôle de genre de façon permanant – d’un de ses élèves, il se dit "perdu" sur l’attitude à adopter face à l’élève : "il m’a demandé de l’appeler par son nouveau prénom, sauf que l’administration refusait de changer les listes de présence…Je ne savais pas qui je devais écouter." 

Depuis février 2019, les étudiants peuvent, s’ils le souhaitent, utiliser un prénom d’usage. Mais au collège et lycée, les règles sont encore floues. Depuis février 2021, un groupe de travail formé par le ministère de l’éducation nationale se penche sur la question.

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