Le matin du drame, il faisait des travaux chez ses parents à La Couture, à quelque 30 km de Lille : au 3e jour de son procès, Lylian Legrand, le gendarme de Nice accusé du meurtre d'une étudiante en 1995, renie ses aveux, passés sous la "pression des enquêteurs".
Depuis le 24 mai 1995, jour où Stéphanie Fauviaux est découverte étranglée, vêtue d'un peignoir largement ouvert dans la baignoire de son appartement à Lille, Lylian Legrand a été auditionné 12 fois par les enquêteurs et les magistrats auxquels il a donné diverses versions. Si en 1995, il dit qu'il n'était pas présent le matin du drame, dix-sept ans plus tard, alors que son ADN vient d'être retrouvé sur le peignoir de la victime, il avoue une relation sexuelle consentie avec Stéphanie Fauviaux et qu'elle était morte en tombant. Plus tard, il affirme que la victime n'était pas consentante. Enfin, devant le magistrat instructeur, il avoue "un bref rapport sexuel" avec la victime mais qu'elle était en vie à son départ.
"Après ces deux jours et demi de débat, maintenez-vous toujours cette version ?", lui demande la présidente, Vinciane De Jongh. "Non, madame la présidente. Ma version est celle de mai 1995, ce matin-là, quand j'ai quitté la maison, je suis allé travailler chez mon père", répond Legrand, grand gaillard de 45 ans en chemisette blanche, avant de tenter de justifier ses précédentes déclarations.
Lors de sa garde à vue "il n'est pas bien dans (sa) vie". "Mon couple va pas fort" et la perquisition de son logement lui fait craindre la perte de son emploi à la gendarmerie de Nice. "Je suis perdu", dit M. Legrand, et à cela s'ajoute "la pression des enquêteurs". "Un policier m'a enfermé dans une petite pièce, il tournait autour de moi, me pourrissait, il voulait la vérité judiciaire. J'ai perdu mes repères et la solution c'était +tu parles et tu es tranquille+", raconte-t-il.
"Une jolie fille, mais sans plus"
Mais, "face au magistrat, vous n'avez plus ces pressions...", lui fait remarquer la présidente. Il rétorque : mes déclarations devant le juge c'était cette fois"la stratégie de défense" de "mon avocat de l'époque". "Il m'a dit +tu vas dire que ce matin-là tu es allé dans l'appartement, il me convainc que c'est mieux de dire ça, c'est lui le professionnel, j'ai suivi ses conseils", relate-t-il, jugeant que cette stratégie était "stupide" et "suicidaire".
Mais, outre ses aveux, une autre charge pèse lourdement sur Legrand: une lettre donnée à sa femme en 2012 lors de sa garde à vue. "Si tu savais à quel point je le regrette, maintenant tu sais d'où viennent mes insomnies...", écrit-il. "Pourquoi vous évoquez ces insomnies ?", demande la présidente. "Du sommeil léger, j'en ai depuis toujours, bien avant 1995", rétorque-t-il. "Et votre ADN retrouvé sur le peignoir, comment vous l'expliquez ?", questionne-t-elle encore. "J'allais régulièrement dans l'appartement" de la victime, "en allant aux toilettes, j'ai pu me laver les mains et les sécher sur ce que je trouvais", dit l'accusé, époux de la soeur de la colocataire de la victime. Évoquant Stéphanie Fauviaux, il décrit "une jolie fille, mais sans plus". "Je ne l'ai jamais regardée autrement que comme la colocataire", dit-il. "Votre thèse ne mérite même pas que je me lève pour vous interroger", a lancé l'avocat général, Luc Frémiot, à l'accusé.
et on n'en change pas", a estimé l'avocat des parties civiles, Me Gildas Brochen, à l'issue de l'audience.
"On part du principe qu'un homme normal ne peut pas faire d'aveux, or, on a des tas d'exemples de gens qui ont basculé dans l'aveu", réplique l'avocat de la défense, Me Eric Dupond-Moretti.