Ce 4 avril, la préfecture a procédé au démantèlement définitif du camp d'exilés de Mardyck, où survivent plusieurs centaines de personnes. En deux ans, le camp a déjà été déplacé trois fois, sans décourager les exilés qui attendent une occasion de traverser la Manche.
Ils sont allés de Grande-Synthe à Loon-Plage, puis de Loon-Plage à Mardyck, mais pour aller où ? Ce 4 avril, la préfecture a pris la décision de démanteler le plus vaste campement d'exilés du littoral, où survivent plusieurs centaines de personnes, dont des familles et au moins 11 mineurs isolés.
Depuis début décembre, les exilés qui veulent entreprendre la traversée de la Manche vers le Royaume-Uni sont installés sur des terrains privés appartenant au port de Dunkerque ou à l'entreprise Total.
Les camions de CRS, accompagnés d'engins de chantier, se sont mis en place dès 7h30 du matin mais n'ont pénétré dans le camp que deux heures plus tard. Environ 200 militaires et policiers ont participé à l'opération. Comme souvent, les journalistes sont tenus à distance du périmètre. Prévenus de l'expulsion imminente, la majorité des exilés ont emballé leurs affaires et fui le campement pour se disperser aux alentours.
"Ils espèrent peut-être que les personnes restent sur la route"
Des militants associatifs d'Utopia 56, de Médecins du Monde et du Refugees Women Center étaient également réunis sur le site. "C'est une énième éviction qui commence. C'est quelque chose qui arrive toutes les semaines à Mardyck. La police vient sur le camp, fait sortir les gens pendant plusieurs heures, ramasse les tentes et les couvertures que nous distribuons. Pendant l'opération, les personnes attendent sur la route et quand c'est terminé, ils reviennent sur le camp" décrit Amélie Moyart, d'Utopia 56.
Mais aujourd'hui, précise, la militante, "on nous a annoncé qu'il n'y aurait pas de retour possible sur le camp. Ils espèrent peut-être que les personnes restent sur la route, alors qu'on est dans une zone Seveso qui est dangereuse, avec beaucoup de passage."
Des exilés sans autre espoir que l'Angleterre
De son côté, la préfecture assure que des solutions de mise à l'abri ont été proposées à la centaine de personnes encore présentes sur le camp à l'arrivée des forces de l'ordre, avec des places mises à disposition dans plusieurs départements des Hauts-de-France.
Mais pour les associations, la démarche est inutile. "Les seules solutions proposées, ce sont des hébergements à Lille, à plus d'une heure de route, pour des personnes qui n'ont pas d'autre solution que d'aller vers l'Angleterre. Cela ne sert à rien" réagit Amélie Moyart. "On voit bien que cela ne marche pas, puisque les bus de mise à l'abri sont quasiment vides" abonde de son côté Diane Léon, membre de Médecins du monde.
Parmi ces personnes, certaines ont vu leur demande d'asile refusée dans les rouages du complexe système français. D'autres n'ont pas eu l'opportunité de déposer leur dossier au regard des accords de Dublin, qui prévoient qu'une demande d'asile soit uniquement déposable dans le premier pays d'arrivée en Europe.
Entre le 26 avril et le 2 mai, déjà 734 personnes ont tenté la dangereuse traversée de la Manche vers le Royaume-Uni, au milieu des eaux glacées et du passage des cargos. Un chiffre en constante augmentation malgré les politiques de plus en plus restrictives menées de part et d'autre du littoral.
"Une partie de ces personnes se réinstalleront"
La préfecture, de son côté, défend une opération qui s'inscrit selon elle "dans le cadre du droit et du respect des accords avec l'Angleterre pour lutter contre l'immigration clandestine". Le sous-préfet de Dunkerque, François-Xavier Bieuville, présent sur plac, avance également que le démantèlement du camp répond à un impératif de "protection et de sécurité", le terrain étant notamment bordé par une voie ferrée et une route départementale.
Malgré tout, l'autorité préfectorale reste consciente de la difficulté de son entreprise. "Nous ferons ce que nous pourrons pour sécuriser ce terrain avec nos moyens, mais c'est très difficile de maintenir des forces de l'ordre en permanence. Une partie de ces personnes se réinstalleront" reconnaît François-Xavier Bieuville.