Attaque mortelle d'un fourgon dans l'Eure : Sequedin, Longuenesse, Liancourt... Plusieurs prisons bloquées en soutien aux deux agents décédés

Ce mercredi 15 mai 2024, les centres pénitentiaires des Hauts-de-France bloquent l'accès à leurs établissements à la suite de l'attaque mortelle qui a coûté la vie à deux agents dans l'Eure. Ce mouvement national est suivi dans toute la France.

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Les portes de nombreux centres pénitentiaires des Hauts-de-France sont restées fermées ce matin du mercredi 15 mai 2024, comme à Liancourt, Amiens ou encore à Longuenesse et Séquedin. Les syndicats ont appelé le personnel à bloquer leurs établissements après que deux de leurs collègues sont décédés lors d'une attaque sur un fourgon de l'administration pénitentiaire dans l'Eure. Un événement rarissime en France.

L'émotion se mélange à la colère chez ces agents pénitentiaires qui dénoncent des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader.

"Ils ont servi de chair à canon"

À Longuenesse (Pas-de-Calais), près de Saint-Omer, les agents pénitentiaires ont mis en place un piquet de grève dès 6 heures. Ceux qui travaillaient, une trentaine, ont refusé dans l’immense majorité de prendre les clés, ils ont juste fait l’appel ce matin.

Le sentiment qui prédomine est la colère et les premiers mots qui fusent après le drame sont : "C'est clairement une exécution. On dégrade constamment nos conditions de travail pour les extractions des détenus. Je suis persuadé que cela aurait pu être évité. Un détenu qui essaie de s’évader deux jours avant, on ne met que deux agents en plus ? dans un fourgon de 120 chevaux…"

C’est clairement une exécution. On dégrade constamment nos conditions de travail pour les extractions des détenus. Je suis persuadé que cela aurait pu être évité.

Adrien Verlet, délégué FO - pôle régional des extractions judiciaires de Longuenesse

Surtout, Adrien Verlet, délégué FO du pôle régional d’extraction de Longuenesse, se souvient que "Trois ans en arrière, la même mission aurait été réalisée avec la police, la gendarmerie ou les ERIS (Equipe régionale d'intervention et de sécurité). Ils ont servi de chair à canon".

Il poursuit : "On réalise les escortes équipés d’un pistolet 9 mm, d’un bâton télescopique, d’une gazeuse, d’un gilet pare-balle. Et c’est tout." Avec ses collègues de l’Audomarois, il réclame "un retour des forces de l’ordre pour les extractions de détenus identifiés comme dangereux. Ou alors qu’on nous forme ! Qu’on nous donne des armes supplémentaires, des véhicules adaptés. Mais on nous répond toujours que c’est trop cher".

À Longuenesse, des extractions de détenus ont lieu matin et après-midi. 28 agents sont affectés à cette mission et ils peuvent transporter jusqu’à 8 détenus en même temps. Les syndicats ajoutent que la Maison d’arrêt est en extrême surpopulation avec 38 détenus qui dorment sur des matelas ajoutés dans des cellules prévues pour deux.

Une demande de moyens supplémentaires

Dès l'aube, près d'une trentaine d'agents bloquent les portes de la prison de Liancourt. Selon eux, une barrière a été franchie après cette attaque mortelle du fourgon pénitentiaire et ces professionnels expliquent qu'ils ont un manque de moyens conséquent.

"On est aussi en sous-effectif. On n'arrête pas de gratter des agents à droite à gauche pour faire tourner les établissements. On nous rajoute toujours de nouvelles missions, mais sans moyen humain supplémentaire", déplore Vincent Sporakowski, représentant local de la CGT de la prison de l'Oise.

On nous rajoute toujours de nouvelles missions, mais sans moyen humain supplémentaire

Vincent Sporakowski, représentant local de la CGT du centre pénitentiaire de Liancourt

Après le tragique évènement survenu ce 14 mai 2024, Vincent Sporakowski réclame des actions spécifiques de la part de sa juridiction, notamment sur les escortes pénitentiaires. "Normalement, elle doit être accompagnée par trois agents. Aujourd'hui, la plupart des établissements ont vu au rabais ce nombre", explique-t-il.

Une présence plus forte des forces de l'ordre serait une solution. Une pratique courante mais "comme ils souffrent aussi d'un sous-effectif, cela ne se fait plus".

Prendre la mesure de la dangerosité des détenus

Devant le Centre pénitentiaire de Sequedin (Nord), près de Lille, l’émotion est vive. Alexandre, surveillant d’escorte depuis 12 ans est au bord des larmes. Il explique : "C’est tragique, on a perdu deux de nos camarades, ça peut nous arriver à nous, ça peut arriver à mes copains. On part le matin, on ne sait pas si le soir malheureusement…  99 % du temps, tout se passe très bien mais on n’est pas à l’abri d’un coup de folie comme ce qu’il s’est passé. C’est horrible".

Partout, les effectifs et les moyens sont au cœur des discussions et des revendications.  Sur le parvis du centre pénitentiaire d’Annoeulin, Julien Martin, encadrant au PREJ de Lille ; délégué FO-Justice, gronde : "Comment est-ce qu’on peut répondre avec un 9 mm face à une kalachnikov ou un HK 5.56 ? Ce n’est pas possible. Il va falloir qu’on monte en compétence, qu’on nous dote d’armes de guerre… nos confrères, les Eris (NDLR : Equipes régionales d'intervention et de sécurité de l’administration pénitentiaire), en ont, pourquoi on n’en aurait pas ? Et ce serait surtout prendre la mesure de la dangerosité des détenus qu’on prend en charge."

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