Coup de tonnerre dans le canton d'Avesnes-sur-Helpe, le binôme officiel LR, Joël Wilmotte et Marie-Annick Dezitter (Union pour le Nord), appelle à voter pour les candidats du Rassemblement national. Une décision politique qui intervient sur fond de discorde familiale. Les réactions sont nombreuses.
"C'est un homme aigri et désamparé qui, dans un coup de tête, a appelé unilateralement à voter pour le Rassemblement national". Cet homme, c'est Joël Wilmotte, et sa décision au lendemain des élections départementales dans le canton d'Avesnes-sur-Helpe est une trahison pour les membres de son équipe (Fiers d'être Hautmontois).
Au soir du premier tour, Joël Wilmotte et Marie-Annick Dezitter arrivent en troisième position avec 24,13% derrière le Rassemblement national de Sandra Delannoy et Julien Franquet (27,86%). Avec 28,24% des voix, c'est le binôme divers droite de Sébastien Seguin et Aude Van Cauwenberge qui est en tête.
Dans un premier temps, le binôme refuse de donner une consigne de vote à leurs électeurs pour le second tour mais 48 heures après le scrutin, ils appellent finalement à "faire barrage au binôme Aude Van Cauwenberge et Sébastien Seguin", candidats divers droite. Entendez par là, voter pour le Rassemblement national et le binôme Sandra Delannoy et Julien Franquet.
"C'est inadmissible de s'affirmer gaulliste et de soutenir le RN"
Ce soutien au RN a mené de nombreux membres du parti Les Républicains à prendre leurs distances par rapport à Joël Wilmotte : "J'ai depuis hier de nombreux coups de fil de personnes qui entouraient Wilmotte et Dezitter, explique Sebastien Seguin. Ils me confient que c'est inadmissible, qu'ils se retrouvent pris au piège et qu'ils prennent leurs distances. Ils disent : c'est inadmissible de s'affirmer gaulliste et de soutenir le RN". Quentin Mabille, délégué LR de la 12e circonscription du Nord qui avait appelé à voter pour Joël Wilmotte au premier tour, se "désolidarise" lui aussi dans un post sur les réseaux sociaux et affirme que ses "valeurs sont les mêmes et n’ont rien à voir avec le RN".
Si Sébastien Seguin, candidat divers droite avec Aude Van Cauwenberge, reconnaît "que chacun a le droit de faire ce qu'il veut", il trouve "dommage de terminer sa carrière politique comme ça, tout ça pour des rancoeurs personnelles, alors qu'il était engagé et avait plus ou moins bien fait les choses à des degrés différents". Sébastien Seguin avait déjà le soutien de Xavier Bertrand, il peut en plus compter sur celui de Jean-René Lecerf, président actuel du département du Nord, et de Christian Poiret, candidat divers droite à la présidence du département. Des soutiens qui sont "écoeurés" et ne "se reconnaissent pas non plus" dans la décision de Joël Wilmotte, selon Sébastien Seguin.
Aude Van Cauwenberge, quant à elle, n'est "pas étonnée outre mesure, pour moi c'est un non événement. Je m'occupe avant tout des électeurs et des habitants du territoire. On défend notre projet, ce que font les autres, ça les regarde".
L'ancien groupe de Joël Wilmotte se désolidarise
Au lendemain du premier tour, Joël Wilmotte abandonnait déjà son équipe Fiers d'être Hautmontois. Il n'avait pas vraiment le choix. Ses propres amis le désavouent sur les réseaux sociaux. Sur leur page Facebook, ils se désolidarisent "totalement de la prise de position de Joël Wilmotte à propos des élections départementales."
Contacté par téléphone, l'un des membres a encore du mal à réaliser : "on en veut à Joël Wilmotte, tout en continuant à reconnaitre que ça a été un maire qui a fait de belles choses pour la ville, mais aujourd'hui la donne est différente". Il explique même subir, lui et ses camarades, "un lynchage sur les réseaux sociaux, ça nous porte atteinte, moi je suis commerçant". Il ajoute que l'ensemble des partisans sont "déboussolés" et que cette décision du maire déchu est "en dehors de nos consignes le soir des élections, maintenant on subit une sorte de suicide politique qui nous retombe dessus."
Maintenant on subit une sorte de suicide politique qui nous retombe dessus.
Le groupe réfute également les accusations de rapprochement avec le Rassemblement national, "un membre du RN est venu boire un coup dans la terrasse d'un café que je tiens et ils nous ont catalogué comme ceux qui sortent du champ républicain. Il a fallu qu'une photo atterisse sur Facebook et un commentaire d'un gars du Front National sur la publication" pour lancer la rumeur. Une "manipulation" de la municipalité, selon ses dires.
La candidate RN Sandra Delannoy le "remercie"
Côté Rassemblement national, les réactions sont moins tranchées. "Je pense que ce soutien pourra nous apporter énormément et je le remercie, lance Sandra Delannoy, candidate RN. J'ai eu l'occasion de travailler avec Wilmotte et Dezitter sur certains dossiers du territoire, nous avions nos ententes et nos divergences. Ils se sont rendus compte de notre intérêt pour le territoire". Pour la candidate RN, Joël Wilmotte a "oeuvré énormément pour le territoire durant toute sa carrière. On ne peut que le remercier" et affirme ne pas "regarder l'étiquette politique".
Cette prise de position favorable, selon elle, pourra "apporter énormément. Je pense que bon nombre de personnes sur le territoire vont apprécier cette marque de sympathie par rapport à des personnes qui agissent pour le bien du territoire". Le binôme Sandra Delannoy et Julien Franquet avait recueilli 27,86% au premier tour, contre 28,24% pour le duo Sébastien Seguin et Aude Van Cauwenberge. "A 50 voix près" précise-t-elle, en ajoutant que ce soutien ne les empêche pas de poursuivre leur campagne d'entre-deux tours. "On ne lâche rien, on est en train de tracter, d'aller à la rencontre des gens, de leur expliquer les choses. Je n'y vais pas pour ma propre personne mais pour l'amour des gens de mon territoire."
Querelles familiales
Au-delà des réactions politiques, il faut aussi comprendre cette décision à l'aune d'une querelle familiale qui empoisonne la vie locale. Stéphane Wilmotte avait été élu aux élections municipales de Hautmont l'an dernier face à son père, Joël. L'ancien maire, frappé d'un an d'inégibilité en 2015, avait confié les clés de la mairie à son fils. Pour le père, c'était temporaire, mais le Stéphane Wilmotte entendait bien y rester jusqu'à la fin du mandat en 2020.
Il finit pourtant par démissionner en juin 2016 "pour des raisons professionnelles et personnelles". Mais Joël Wilmotte est rancunier. Il affirme que son fils a été incapable d'assurer l'interim. Les deux se déchirent sur la place publique. Aujourd'hui, ils ne s'adressent plus la parole et ne se parlent plus que par communiqués interposés.
Pour Sebastien Seguin, "quand on se présente à une élection, on ne se présente pas contre quelqu'un, on se présente pour faire avancer les choses". Il affirme ne pas avoir voulu se présenter aux départementales dans un premier temps, mais Stéphane Wilmotte "ne voulait plus continuer cette guerre avec son père" en se présentant aux élections : "Il voulait arrêter tout ça".
Quand on aime sa commune, son territoire, on pense à la population et on met les histoires personnelles de côté.
"Quand on aime sa commune, son territoire, on pense à la population et on met les histoires personnelles de côté", poursuit-t-il. Le son de cloche est bien différent chez Sandra Delannoy, candidate RN, qui dit ne pas vouloir s'immiscer dans les histoires de famille. "Le premier qui a lancé quelque chose sur les réseaux sociaux, c'est Stéphane Wilmotte, j'ai été très étonnée, c'est lui qui enclenche la guerre."
De son côté, Stéphane Wilmotte s'est fendu d'un communiqué annonçant quitter Les Républicains du Nord, car "ce rapprochement local LR/FN est un jeu dangereux que je ne peux soutenir. Mes valeurs gaullistes et de droite sociale ne peuvent être représentées par des personnes qui jouent avec le feu pour se faire élire."
Au-delà des annonces fracassantes et des querelles familiales, ce sera aux électeurs de trancher lors du second tour qui se tiendra ce dimanche 27 juin.