La militante historique CGT du textile dans le Nord souhaite représenter le monde ouvrier à Bruxelles, sur la liste de Ian Brossat (PC).
Être la première ouvrière française à entrer au Parlement européen : c’est l’ambition de Marie-Hélène Bourlard. Militante CGT historique du textile dans le Nord, figure du documentaire césarisé de François Ruffin (LFI) « Merci Patron ! », Marie-Hélène Bourlard consacre son combat à « ceux qui n’y arrivent plus ».
Née au Quesnoy, petite ville de l'Avesnois, elle perd son père à 16 ans, quitte l'école et entre comme presseuse à l'usine Bidermann, à Poix-du-Nord, tout près. Très vite elle adhère à la CGT, puis au PCF. Pour améliorer les conditions de travail dans son usine de costumes haut de gamme, lutter contre les délocalisations, défendre les territoires "abandonnés".
Un politisation à l'usine
"J'ai appris qu'il fallait toujours se battre pour obtenir quelque chose", ne serait-ce qu'installer la climatisation dans les ateliers, raconte à l’AFP l'ancienne déléguée syndicale, 61 ans, élue en 1980 pour son "punch" - et mise à pied de nombreuses semaines pendant ces années "d'entraide", de "fierté de leur savoir-faire" en dépit des "conditions très dures".
L’industrie textile périclite rapidement, les délocalisations s’enchaînent dès les années 90. L’usine de Marie-Hélène, sous-traitant LVMH, perd les griffes Pierre Cardin, Yves-Saint-Laurent et Kenzo.
Ses anciens camarades se rappellent sa lutte acharnée : "Elle a participé aux négociations, pour que les salariés aient une compensation de la perte de leur travail, et renégocier les mutations", raconte Guy Facq, ancien adjoint PCF de Poix-du Nord. "Elle savait entraîner ses troupes", même si "son franc parler ne plaît pas à tout le monde".
Elle négocie directement avec le directeur général, qui se rappelle une déléguée "très dévouée aux autres et ne se battait pas pour son cas personnel". "Elle n'était pas dans la haine ni dans l'outrance", assure Jean-Damien Waquet.
Mais à la CFDT concurrente, qui défend un syndicalisme plus réformiste que contestataire, on n'a pas le même souvenir: "Elle était contre les formations, contre tout, elle n'était que pour les primes. C'était tout notre contraire », affirme une ancienne salariée.
Une personnalité appréciée de la classe politique nordiste
Le député de la France insoumise François Ruffin, dont elle est restée proche, estime qu’"elle constitue une sorte de passerelle entre l'univers médiatique, culturel, intellectuel, et anciennement son usine". C’est d’ailleurs sur ses conseils, qu’elle achète une action et prend la parole face à Bernard Arnault en 2007 en assemblée générale des actionnaires de LVMH à Paris, pour son documentaire "Merci patron !".
L'usine fermera définitivement peu après. Celle qui n'a "peur" de personne, ni des "grands patrons", ni des "députés européens" ni des "lobbys", se reconvertit, devenant ambulancière pour une entreprise familiale locale, jusqu'à sa retraite en 2017.
"Beaucoup m'avaient dit de me méfier, mais je n'ai jamais eu de problème avec elle, au contraire", affirme son ex-patron François Evrard. Depuis, elle fait du bénévolat aux Restos du Coeur et manifeste chaque samedi avec les "gilets jaunes", dont elle connaît tous les prénoms.
"On a les mêmes revendications, la hausse du pouvoir d'achat, ils n'y arrivent plus, c'est pas normal",s'emporte cette petite femme au léger accent du Nord.
Elle représente toute la dignité de la classe ouvrière
Au sein de la classe politique de la région, elle fait consensus. "Quand on n'est pas sectaire, on ne peut que l'apprécier", juge la maire LR du Quesnoy, Marie-Sophie Lesne. Et la maire centriste d'Orsinval (Nord), Elisabeth Debruille, où elle réside, d'ajouter: "C'est une femme de convictions, qui défend toujours les gens et tout notre territoire". "Elle représente toute la dignité de la classe ouvrière", estime Fabien Roussel, secrétaire national du PCF.
Si elle est élue, Marie-Hélène Bourlard se battra pour un "Smic européen", face aux "multinationales qui commandent, décident de l'austérité en France, mais s'en mettent plein les poches". "Ici il n'y a pas d'infrastructures, les gens doivent faire des km pour les services publics, les postes ferment, il n'y a plus de commerces dans les petits villages, on manque de médecins", déplore celle qui préfère "parler aux gens" plutôt que sur les réseaux sociaux. Quant à Emmanuel Macron, "il devrait sortir de temps en temps et voir la réalité".
"Une réalité" qu'elle veut faire entendre à Bruxelles, à condition que la liste de Ian Brossat - sur laquelle elle devrait être 2e ou 4e et qui sera officialisée le 26 janvier - fasse au moins 5%.