Sa mauvaise image lui colle toujours à la peau. Pourtant, la vipère péliade fait face à de nombreux prédateurs, y compris l’homme. Sa survie est donc de plus en plus menacée, y compris dans la région des Hauts-de-France où elle est protégée. (Première publication le 15/08/2021).
La vipère péliade est une espèce de serpent venimeux. Parfois vénérée, mais surtout diabolisée et pourchassée, sa conservation est, depuis de nombreuses années, un sujet de préoccupation majeur pour le Conservatoire des Hauts-de-France qui œuvre au quotidien pour sa survie.
Victime de croyances anciennes, œuvre du diable comme l’araignée ou la chauve-souris, l’espèce est, en tout cas, méconnue et mérite quelques éclaircissements.
Petite et craintive
La vipère péliade fait partie des quatre espèces de vipères visibles en France. Elle est présente dans les Hauts-de-France avec la vipère aspic. Très craintive, elle se cache pour mieux se protéger, ce qui complique son comptage.
Mesurant moins de 80 cm (entre 45 et 60 cm), elle est reconnaissable par ses pupilles verticales avec des iris rouges et des dessins en forme de zigzag sur son dos. Sa reproduction est vivipare, c'est-à-dire que les petits (environ dix) se développent dans le ventre de la femelle. Si les jeunes mangent des lézards et des amphibiens, les adultes peuvent engloutir des musaraignes, campagnols, petits oiseaux, orvets, crapauds ou grenouilles.
Où vit-elle ?
Elle est présente dans le Centre et les Alpes jusqu’à 3 000 mètres d’altitude. Dans les Hauts-de-France, elle est présente dans le Boulonnais et l’Artois (Nord-Pas-De-Calais), dans la haute vallée de la Somme en amont d’Amiens, dans le sud de l’Oise et dans le Laonnois (Aisne) mais absente du Nord.
La vipère péliade se retrouve dans les zones herbacées denses.
Gaëtan Rey,chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France
Il est difficile pour le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) de la dénombrer. "C’est une espèce très discrète et furtive et nous avons du mal à la détecter", explique Gaëtan Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France. Il faudra s’armer de patience pour l’admirer à certaines périodes de l’année. Il fait trop chaud pour elle en été. "Elle est plus facilement visible de début mars à mi-mai et de fin août à début octobre", ajoute le chargé de mission.
Une espèce menacée
Ce reptile, comme ses congénères, fait partie des espèces menacées. La vipère péliade est protégée en France depuis 2007. L’espèce, classée sur la liste rouge au niveau national, est donc vulnérable dans la région.
La vipère péliade est classée en danger à l’échelle de la région.
Gaëtan Rey,chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France
Tout comme l'aspic, le serpent bénéficie depuis peu de nouvelles mesures de protection. "Les deux espèces sont intégralement protégées, l’individu et l’habitat, ce qui est une grande avancée", se réjouit Nicolas Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France. Sa vie ne tient malgré tout qu’à un fil. "À terme, elle risque de disparaître, car elle est très isolée et c’est une espèce très peu mobile", ajoute Gaëtan Rey.
Une des menaces est la fragmentation des paysages.
Gaëtan Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France
Les étés caniculaires et les fortes chaleurs, de plus en plus longues et qui se multiplient, mettent aussi en péril sa survie. "Elle aime les températures fraîches et humides. S’il y a des pics de chaleur, c’est très difficile pour elle", souligne Gaëtan Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France.
Des nombreux prédateurs
Les prédateurs sont pour les plus jeunes les corneilles, corbeaux et hérissons et pour les adultes les sangliers, faisans, rapaces comme les buses, mais aussi fouines, belettes et autres mustélidés. Sans parler bien sûr de l’homme qui la chassait. "Dans le passé et jusqu’au début des années 80 il y a eu une grande tradition de chasseurs de vipères qui étaient payés à l’individu capturé", précise Gaëtan Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France.
Les populations avaient peur de cette espèce dont le nombre était alors plus important. Les industries pharmaceutiques, qui aujourd’hui disposent de leur propre élevage, rémunéraient également les chasseurs pour extraire le venin et fabriquer les anti-venins.
Victime de sa réputation
Les vipères sont les seuls serpents venimeux que l’on peut rencontrer en France. Mais contrairement aux idées reçues, elle ne mord pas à tour de bras. Pourtant, sa réputation la suit à la trace. "La vipère a très mauvaise presse et les individus sont tués volontairement et exposés", explique Gaëtan Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France.
Des individus continuent à leurs donner des coups de pelles alors que l’espèce est protégée.
Gaëtan Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France
Pourtant, la loi est claire, la vipère péliade relève de l’article 4 de l'arrêté ministériel du 19 novembre 2007 fixant la liste des reptiles et amphibiens protégés sur l'ensemble du territoire qui stipule diverses interdictions comme la mutilation des animaux, la détention, le transport, la naturalisation, le colportage, la vente ou l’achat, l’utilisation commerciale ou non, des spécimens prélevés.
Destruction de son habitat
Elle fréquente les espaces naturels préservés où elle peut trouver de la nourriture et se sentir au calme. La vipère péliade n’aime pas changer de lieu de vie, or, la disparition de ses habitats naturels (pelouses calcicoles, friches et landes) et les destructions volontaires, fragilisent ce serpent.
Un plan d'action
Succédant à celui de 2012, un nouveau plan d’action régional (PAR) a vu le jour depuis 2019 et jusqu’en 2028. Le Conservatoire d’espaces naturels a mis en place ce plan en partenariat avec le groupe ornithologique et naturaliste (GON) du Nord-Pas-De-Calais et Picardie nature pour assurer la conservation, améliorer les connaissances sur la vipère et sensibiliser les populations à sa préservation.
L’objectif est de communiquer sur l’espèce pour que les gens aient une image différente des reptiles.
Gaëtan Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France
Vipère ou couleuvre ? La vipère est souvent confondue avec la couleuvre. Pourtant, la tête, les yeux, la longueur ou encore la couleur, divergent. La vipère a une tête triangulaire et une pupille verticale alors que la couleuvre a une tête et une pupille rondes. Beaucoup plus petite, la vipère mesure moins de 60 cm alors que la couleuvre dépasse le mètre. Enfin, la vipère se différencie par des zigzags sur le dos.
Peu de morsures
Contrairement aux idées reçues, il y a peu de morsures de vipères en France. Cette seule espèce présente dans les Hauts-de-France est tellement craintive et furtive qu’il y a rarement de cas de morsures. "Les cas sont intentionnels quand les personnes veulent les saisir à main nue et si elle se sent acculée, elle va mordre", précise Gaëtan Rey, chargé de mission scientifique au CEN Hauts-de-France. Les autres accidents viennent des vipères élevées dans un vivarium.
La majorité des morsures de vipères sont "blanches", c’est-à-dire sans venin inoculé. Seulement 10 % le sont avec venin selon le CEN et parmi celles-ci, 1 % des envenimations seront graves, notamment sur des personnes qui vont déclarer des réactions allergiques.
Le Conservatoire d’espaces naturels rappelle néanmoins qu’en cas de morsure, il faut appeler le 15 et le centre anti-poison le plus proche.
Maintenant que vous savez reconnaître la vipère péliade, si vous en croisez une, vous pouvez contacter le Conservatoire d’espaces naturels qui pourra recueillir vos précieuses informations pour localiser l’espèce protégée.