PORTRAIT - Jean-Marc Sauvé, homme d'État, homme de foi né en Picardie, auteur du rapport sur la pédophilie dans l'Église

Il a reçu comme mission de présider la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église dont le rapport a été rendu public mardi 5 octobre. Originaire de la Somme, c'est à Cambrai dans le Nord qu'il poursuit son éducation catholique avant de choisir de servir l'État notamment dans l'Aisne.

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"On ne peut connaître et comprendre le réel tel qu'il est et en tirer les conséquences si l'on n'est pas capables de se laisser soi-même toucher par ce que les victimes ont vécu : la souffrance, l'isolement et souvent la honte et la culpabilité. Ce vécu a été la matrice du travail de notre commission." C'est sans doute le cœur lourd que Jean-Marc Sauvé, président de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase), présente enfin le rapport détaillant les violences sexuelles dans l'Église sur près de 70 ans. 

32 mois de travail au total, sans "détenir LA vérité et moins encore toute la vérité sur son sujet d'étude", affirme Jean-Marc Sauvé. Mais avec "assez de vérité" néanmoins pour pouvoir s'exprimer avec "une légitimité et une autorité suffisante." 32 mois de travail dont il n'en sort pas vraiment indemne. "C'est une expérience singulière, très différente de celle que j'attendais quand j'ai accepté, très éprouvante", a-t-il récemment confié à M le magazine du Monde

Mes parents étaient à la fois d’une grande piété et d’une grande ouverture aux autres.

Jean-Marc Sauvé

Une éducation religieuse forte

Le 13 novembre 2018, c'est ce haut fonctionnaire de 72 ans qui est choisi par la Conférence des Évêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF) pour constituer et présider cette commission. Un homme d'État, fils d'agriculteurs de Templeux-le-Guérard dans la Somme, dont la foi catholique est née en Picardie. "Mes parents étaient à la fois d’une grande piété et d’une grande ouverture aux autres. Ils ne séparaient pas leur foi et leur pratique d’une présence au monde qui fait l’expérience vivante de la solidarité et de la charité", confiait-il au journal La Croix en 2018.

Une éducation religieuse qui se poursuit par la suite au collège Notre-Dame-de-Grâce à Cambrai dans le Nord où il était pensionnaire dès l'âge de 10 ans. C'est d'ailleurs là-bas qu'il apprendra, durant la constitution de ce rapport, que plusieurs de ses anciens camarades ont fait l'objet de violences sexuelles de la part d'un des prêtres, professeur d'orgue.

Bouleversé, le président de la Ciase, reprendra néanmoins ses travaux avec l'indépendance et l'impartialité qui le caractérise, même si entre l'État et l'Église, il n'a pas toujours su choisir. En 1971, alors qu'il est reçu à l'ENA, il interrompt ses études pour entrer au noviciat des jésuites à Lyon avant de faire machine arrière. Il repasse alors les concours et obtient une seconde fois son entrée dans la prestigieuse École nationale d'administration en 1974.

Au service de la France

Trois ans plus tard, il entre au Conseil d'État, dont il sera par la suite le vice-président entre 2006 et 2018. Entre 1981 et 1983, cet homme "proche de la gauche" devient conseiller technique au cabinet du garde des Sceaux, Maurice Faure puis Robert Badinter. Il participe ainsi aux grandes réformes, comme l'abolition de la peine de mort. Il est ensuite nommé directeur de l'administration générale au ministère de la Justice, puis directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'Intérieur. Son travail fait consensus même au sein de la classe politique de droite puisqu'il demeurera secrétaire général du gouvernement de 1995 à 2006, d'Alain Juppé à Dominique de Villepin en passant par Lionel Jospin. Entre-temps, il est nommé préfet de l'Aisne, une fonction qu'il n'occupera que durant un an de 1994 à 1995.

Nous avons contribué au travail de vérité, c'est à l'Église de s'en emparer.

Jean-Marc Sauvé

Après avoir servi la plus haute juridiction administrative durant 12 ans, ce bourreau de travail a pris "sa retraite", mais préside désormais les conseils d'administration de la Fondation Apprentis d'Auteuil et de la Cité internationale universitaire de Paris. Il est aussi le président des comités d'éthique des JO de Paris 2024 et de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).

Aujourd'hui, il met fin à sa mission débutée il y a plus de deux ans et demi, celle qui a permis de révéler l'existence de 330 000 victimes de violences sexuelles au sein de l'Église depuis 1950. "Il fallait que l'on dépose notre fardeau, a-t-il affirmé lors de la présentation du rapport. Nous avons contribué au travail de vérité, c'est à l'Église de s'en emparer. Voilà le message que je voulais délivrer, c'est un message d'attente et d'espoir. C'est aussi en ce qui me concerne personnellement un message d'espérance."

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