En plus de la simplification des normes, de l'allégement des contraintes européennes et du paiement des aides de la PAC, les agriculteurs de la région discutent "artificialisation des sols" avec les préfets. Ils veulent être rassurés sur la pérennité de leur exploitation.
C'est l'une des premières inquiétudes des agriculteurs de la région : l'urbanisation des terres. "Depuis quelques années, raconte François Jesquy, co-président des Jeunes agriculteurs du Valenciennois, on nous dit qu'une usine de batteries va être construite ici, ou alors là : une prison, un peu plus loin : des panneaux photovoltaïques, on ne peut plus travailler sereinement."
François Jesquy a 24 ans et après 7 ans d'étude, il reprend l'exploitation de ses parents, à côté de Jenlain. Mais aujourd'hui, il craint pour la perennité de ses terres.
Juste à côté de son exploitation, un terrain convoité pour y construire une usine de batteries électriques. "On n'a rien contre l'industrialisation et encore moins contre la création d'emplois dans la région, dit le jeune homme, mais ça ne doit pas se faire au détriment des agriculteurs".
Dans le secteur, les professionnels se mobilisent il y a près d'un an. Le projet est finalement abandonné mais selon le syndicaliste, la communauté de communes n'a pas dit son dernier mot : "c'est un secteur stratégique, proche de l'autoroute et dans une zone qu'il faut redynamiser. Or, on sait que s'ils commencent à construire dans le coin, on va tous y passer".
Alors ces derniers jours, lors de la mobilisation nationale des agriculteurs, ce dossier de l'artificialisation des sols a été abordé dans le bureau du sous-préfet de Valenciennes :"on veut des garanties là-dessus, on ne lâchera pas sur ces revendications locales".
On demande un peu de considération. Les élus veulent créer de l'activité économique mais l'agriculture en est une.
François Jesquy, co-président des Jeunes agriculteurs du Valenciennois
Une revendication de plus pour les agriculteurs du Nord. Et cela ne concerne pas que la zone de Jenlain. "On a au moins 3 points d'inquiétude dans le coin qui concerne des dizaines d'agriculteurs, précise Jean-Christophe Rufin, vice-président de la FDSEA, le syndicat agricole, à chaque fois, il s'agit de connaître les réels besoins en termes d'industrialisation ou d'emplois. L'argent proposé en compensation ne fait pas tout".
En effet, de l'argent, François Jesquy n'en veut pas. Ce qu'il veut, à 24 ans, c'est de pouvoir continuer son activité et se lancer sereinement. "Ma mère tente de me dissuader mais je ne veux rien faire d'autre", dit le jeune homme qui avoue se poser beaucoup de questions.
Aérodrome
Yves Goethals non plus n'est pas serein quand il pense à l'avenir de ses terres. Éleveur à Vieux-reng, à côté de Maubeuge, il a 58 ans mais ses deux filles travaillent à ses côtés, pas question donc d'abandonner l'exploitation.
Selon lui aussi, la communauté d'agglomération a un temps parlé d'usine de batteries "mais apparemment, les Chinois se sont retirés, on sait pas trop ce qu'ils veulent faire des terres". Les terres ce sont celles de l'aérodrome de Maubeuge dont la fermeture a été annoncée.
Sauf que, l'exploitation d'Yves Goethals est installée juste à côté et pour nourrir ses bêtes, l'homme a besoin de l'herbe qui pousse aux alentours. Il fauche 60 hectares, "si on n'a plus ça, on doit réduire notre cheptel de moitié."
Comme un peu partout, ils veulent changer la nature des terres : d'agricole à industrielle
Yves Goethals, agriculteur à Vieux-Reng
Bernard Baudoux, président de l'agglomération de Maubeuge-Val de Sambre, propriétaire du terrain veut rassurer : aucune terre agricole ne sera touchée dans ce projet d'industrialisation, seuls les 83 hectares de l'aérodrome seront transformés : "notre territoire a besoin de ça, argumentait l'élu lors de la mobilisation de décembre, nous avons 15 000 personnes au RSA, c'est insoutenable, socialement et économiquement."
Pour la FDSEA qui suit ces dossiers de près, les élus feraient mieux de s'intéresser aux friches, "il y a ce qu'il faut dans la région", selon Jean-Christophe Rufin, plutôt que de rajouter de l'inquiétude aux agriculteurs.
"Certains diront que l'on crie avant d'avoir mal, reconnaît François Jesquy, mais en ce moment, on se sent menacé de toute part."