Le discours de politique générale prononcé par Gabriel Attal devant l'Assemblée nationale ce mardi 30 janvier était très attendu par les agriculteurs. Mais après une heure et demi d'allocution, sur les points de blocage de la région, c'est plutôt la déception qui règne.
Emmitouflés dans leurs doudounes floquées du logo des JA des Flandres, serrés les uns contre les autres, une poignée d'agriculteurs écoute avec attention le discours de Gabriel Attal sur un téléphone portable. Ils sont sur le parking d'une grande surface de Bailleul qu'ils occupent depuis le matin, pour dénoncer le rôle de la grande distribution dans la crise qui secoue le monde agricole.
"Pour l'instant, c'est que des paroles"
Inscription de la souveraineté alimentaire dans la loi, simplification administrative, application de la loi Egalim, versement plus rapides des aides, dérogation sur les jachères... Le Premier ministre égrène ses promesses pour le secteur agricole. Froncement de sourcils, haussements d'épaules. Les réactions sont mitigées. "D'ici le 15 mars, toutes les aides PAC seront versées directement sur les comptes bancaires des exploitants", vient de promettre le Premier ministre. Des acclamations de députés sortent du haut-parleur du téléphone. Pas chez nos agriculteurs. "Encore une fois des aides...", soupire l'un d'eux.
Des aides, ce n'est pas de ça qu'on a besoin. Ce qu'on veut, c'est vivre de notre métier, tout simplement.
Émile-Henri Macke, éleveur laitier à Cassel
"Je lance aujourd'hui un grand plan de contrôle sur la traçabilité des produits, poursuit Gabriel Attal. L'objectif est clair : garantir une concurrence équitable, notamment pour que les normes qu'on applique aux agriculteurs soient aussi respectées par les marchandises étrangères." Éclat de rire (jaune). "Ça, j'ai vraiment du mal à le croire !", lance l'un des agriculteurs. "Y'a plus rien qui rentre, alors !", ironise son confrère.
À la fin du discours ne se lit sur leurs visages que de la déception et de la perplexité. "On n'a pas appris grand-chose. On attend vraiment plus, vraiment des actes concrets. Pour l'instant, c'est que des paroles", regrette Antoine Stoffaes, éleveur laitier à Merris, dans le Nord. La dérogation sur les jachères ? "C'est pour mieux y revenir plus tard, dans un an, dans deux ans."
"Il répète ce qu’il a dit la dernière fois, il n'y a pas de choses en plus. Des aides, ce n'est pas de ça qu'on a besoin. Ce qu'on veut, c'est vivre de notre métier, tout simplement", ajoute Émile-Henri Macke, éleveur laitier à Cassel, qui se dit "frustré et déçu". D’après lui, après ce discours, la colère "monte d'un cran".
Vers une poursuite du mouvement
Le président des Jeunes Agriculteurs des Flandres, Romain Verriele, annonce déjà la poursuite du mouvement : "Monsieur Attal a un niveau d'inconscience assez incroyable, donc les actions vont se poursuivre. Demain, direction Paris, et fin de semaine, pourquoi pas continuer sur les GMS (grandes et moyennes surfaces), et les frontières surtout. Je pense qu'il y a beaucoup de choses à faire sur les frontières et les camions, pour faire des vérifications de marchandises venant de l'étranger."
Je comprends que le gouvernement veut nous faire rester sur les autoroutes, pas de problème : on est organisés pour rester des semaines et des semaines.
Jean Lefebvre, céréalier dans l'Oise et membre de la FNSEA
Un peu plus de 200 km au sud de là, au péage de Chennevières-lès-Louvres de l'A1, les agriculteurs picards partagent la même déception. Ils ont déjà fait monter un peu la pression, quelques heures plus tôt, en rapprochant leurs tracteurs au plus près des camions de CRS. Depuis, le discours du Premier ministre ne semble pas avoir apaisé leur colère. "J'en ai strictement rien retenu, souffle l'un deux au volant de son engin. Il dit toujours la même chose, comme quoi, il est lucide et il a des solutions. Des solutions, nous, on lui en propose, mais on voit rien arriver derrière."
"Nous en attendions beaucoup plus", confirme Jean Lefebvre, céréalier dans l'Oise et membre de la FNSEA, présent sur le même point de blocage, au micro de Franceinfo. Pour lui aussi, la poursuite du mouvement est inévitable. "Je comprends que le gouvernement veut nous faire rester sur les autoroutes, pas de problème : on est organisés pour rester des semaines et des semaines. On parlait en jours, maintenant, on va parler en semaines."
Avec Léon Marron / FTV