Depuis le mois d'août 2023, les compagnons d'Emmaüs Grande-Synthe sont en grève, alors que le versement de leur allocation communautaire a été réduit. Des "mesures conservatoires" à l'égard de la communauté dunkerquoise ont été prises par Emmaüs France.
La communauté Emmaüs Dunkerque est sous le coup de "mesures conservatoires" d'Emmaüs France, alors que les compagnons de Grande-Synthe sont en grève depuis maintenant six mois. L'antenne dunkerquoise est privée de son statut Oacas (Organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires).
"Le conseil d'administration d'Emmaüs France a décidé de priver Emmaüs Dunkerque d'une partie de ses droits associés à sa qualité de membre du mouvement Emmaüs", explique Emmaüs France. Cette décision de la direction nationale du mouvement n'est pas définitive, le statut pourra être rétabli en cas de sortie de crise.
Une sanction pour Emmaüs Dunkerque mais aussi pour les compagnons
Grâce au statut Oacas, les compagnes et compagnons sont domiciliés au sein de la communauté, cotisent à l'URSSAF, mais aussi à la caisse de retraite. "Ils peuvent constituer un dossier au bout de trois ans pour obtenir un titre de séjour auprès de la préfecture", explique Christelle Veignie, secrétaire générale de l'UL CGT.
On espère que cette direction à Dunkerque revienne à la raison pour que les compagnons puissent revivre dans cette communauté avec respect et dignité
Christelle VeignieSecrétaire générale UL CGT
"Sans ce statut, ils vont perdre tout ce qu'ils ont accumulé. Donc c'est une sanction aussi pour les compagnons de Grande-Synthe", ajoute-t-elle alors que l'objectif de cette mesure est de pénaliser les instances dirigeantes de la communauté dunkerquoise. "En 40 ans d'existence, on a une direction qui vient d'arriver et qui est en train de détruire cette communauté en mettant la vie et l'avenir des compagnons en danger."
Contacté, Jean-Pierre Wexsteen, président de la communauté Emmaüs de Dunkerque-Grande-Synthe, souligne qu'Emmaüs France n'a pas suspendu le statut Oacas en lui-même, mais plutôt l'accès au logiciel Cicom, qui permet de payer et d'attribuer les allocations. Il rejoint certains propos de Christelle Veignie. "Légalement parlant, seul le préfet attribut l'Oacas. Mais en nous retirant l'accès au Cicom, Emmaüs France met tout de même en danger les régularisations sociales des compagnons actifs qui travaillent chez nous."
En privant la communauté dunkerquoise du statut Oacas, Emmaüs France espère une réaction rapide des instances dirigeantes d'Emmaüs Grande-Synthe, tout comme la CGT. "Les cartes sont entre leurs mains. Si la direction de Dunkerque se préoccupe vraiment de la communauté, ils feront le nécessaire, espère Christelle Veignie. Malgré les mesures conservatoires qu'Emmaüs France a prises contre la direction de Dunkerque, les grévistes continuent leur mouvement, tant qu'on n'aura pas trouvé une solution qui convient."
Six mois de grève
Pendant le mois d'août, une partie des compagnons de la communauté Emmaüs de Dunkerque se sont mis en grève, "après que les instances dirigeantes [de Dunkerque] ont décidé de modifier les règles de versement de l'allocation d'appartenance communautaire", détaille Emmaüs France.
"Ce qui a déclenché le mouvement, c'est qu'au moment de toucher leur allocation communautaire, on leur a dit qu'ils n'auraient pas l'intégralité, juste 150 euros [sur 350 euros préconisés par les instances nationales]", explique Christelle Veignie. Si depuis cette mesure a évolué, "les langues se sont déliées", les revendications ont évolué, et la grève perdure. "On veut que les compagnons soient payés pour leur travail, et avoir un minimum de considération, un meilleur traitement des salariés."
Dans ce conflit entre Emmaüs Dunkerque et une partie de ses Compagnons, Emmaüs France a décidé d'intervenir pour "trouver une issue aux tensions fortes qui opposent les deux parties", mais "les instances dirigeantes [de Dunkerque] n'ont pas souhaité coopérer", poursuit Emmaüs France.
Un manque de coopération
Les tensions sont telles que, "les instances dirigeantes de la Communauté de Dunkerque n'ont jamais cherché à dialoguer et coopérer sereinement afin de sortir de la crise, ont décidé de ne plus subvenir aux besoins des compagnes et compagnons, ont décidé d'engager une procédure judiciaire envers les compagnes et compagnons ayant suspendu leur activité", explique Emmaüs France.
On avait trouvé un accord au départ, après un long dialogue. Et lorsque les grévistes ont modifié leurs revendications, qui changeaient tous les jours, nous leur avons redemandé de les par écrire... On les attend toujours.
Jean-Pierre Wexsteen, président de la communauté Emmaüs de Dunkerque-Grande-Synthe
Des accusations que Jean-Pierre Wexsteen dément : "On avait trouvé un accord au départ, après un long dialogue. Et lorsque les grévistes ont modifié leurs revendications, qui changeaient tous les jours, nous leur avons demandé de les écrire... Mais on les attend toujours." Selon le président de la Communauté, leurs tentatives d'entretiens individuels avec les manifestants n'ont reçu aucun retour positif, provoquant le retrait de leur statut de Compagnons un mois plus tard. "Nous avons attendu, pris le temps et tout fait dans les formes. Nous avons continué de loger et de nourrir les grévistes, qui pourtant ne travaillaient plus pour nous. On n'était pas dans la démesure et encore moins dans la non-coopération."
La secrétaire générale de l'UL CGT déplore le résultat de cette situation : "On ne sait pas ce qu’ils vont faire. Ce que je peux dire c’est qu’on avait une super communauté, solidaire. (...) C’est un drame humain et humanitaire. On apprécie la démarche d’Emmaüs France, tout a été fait pour que la direction de Dunkerque revienne sur sa position."
C’est un drame humain et humanitaire. On apprécie la démarche d’Emmaüs France, tout a été fait pour que la direction de Dunkerque revienne sur sa position.
Christelle Veignie
Un espoir qui pour l'instant ne semble pas prêt de se réaliser : Jean-Pierre Wexsteen affirme ne pas vouloir capituler. "J'ai du mal à comprendre les réactions d'Emmaüs France, qui essaie d'obtenir une médiation et en même temps de saborder toute chance de négociation." Aucune plainte n'a pour l'instant été déposée par l'association de Grande-Synthe contre Emmaüs France, mais "cela reste envisageable" à l'avenir.