David Prélot, pêcheur de Dunkerque, ne peut pas bénéficier du plan de sortie de flotte, proposé par le gouvernement suite au Brexit. Face à des dettes qui s'accumulent, le fileyeur, âgé de 37 ans, partage aujourd'hui son désespoir.
"C'est l'eau de mer qui coule dans nos veines, c'est plus du sang." Après 17 ans sur les flots, l'amour de David Prélot pour son métier est indéniable.
Mais en ce mois de février 2023, le pêcheur dunkerquois, père de 4 enfants et patron de 3 employés (2 matelots et une vendeuse), fait face à des difficultés sans précédent.
À l'heure d'aujourd'hui, mon moral ? Il est mort […] Je ne dors plus la nuit, je dois prendre des cachets. Quand je parle, j'ai envie de pleurer.
David PrélotPêcheur dunkerquois
Victime du Brexit
Tout a commencé avec le Brexit. Alors qu'il est situé à une heure environ de l'Angleterre, le fileyeur n'obtient pas la licence nécessaire pour y pêcher. "On nous demande de prouver qu'on a déjà été dans les eaux anglaises de 2012 à 2015. Or, une balise a été installée sur le bateau en 2015. Donc, on ne peut pas..."
Face aux 40 000 euros qu'il doit à ses créanciers, David Prélot a demandé une liquidation judiciaire. Cet amoureux de la mer doit se séparer, à contrecœur, de son bateau "Le Saint-Marin".
Avec ce bateau, c'est 7 ans qui s'en vont. C'est une partie de moi-même, ma propre vie.
David PrélotPêcheur dunkerquois
D'après le trentenaire, la situation est aujourd'hui critique : "Si je perds mon bateau, je perds ma maison. Je suis propriétaire depuis 17 ans, je n'ai jamais eu un impayé. On m'a envoyé des courriers. Aujourd'hui, si je fais une liquidation judiciaire, que tout s'arrête, ils risquent de prendre ma maison alors que normalement, dans 4 ans, ma maison était payée…"
Un plan de sortie trop restrictif ?
"Seule solution" envisagé par le fileyeur : le plan de sortie de flotte. Concrètement, l'État propose aux pêcheurs qui ne s'en sortent plus à cause du Brexit, de mettre leur bateau à la casse, contre des aides.
Cela aurait permis à David Prélot de toucher 270 000 euros. Mais, en raison de sa liquidation judiciaire, le pêcheur n'y est pas éligible.
"Pour y prétendre, il y a plusieurs critères : ne pas être en difficulté, être à jour de ses cotisations sociales, être à jour de ses cotisations auprès des impôts [...] Moi, je suis dans une situation assez dramatique, dû à la ressource. Malheureusement, je ne suis pas à jour donc je ne peux pas y prétendre."
Un cas qui ne serait pas isolé dans les Hauts-de-France. "On avait 18 demandes et on a que sept bateaux qui ont été acceptés", a précisé Olivier Leprêtre, président du comité régional des pêches des Hauts-de-France, ce mardi matin, sur France Bleu Nord.
Sauver un métier "qui se meurt"
"Je croyais que j'aurais fait ce métier encore longtemps, l'apprendre à mon fils. J'y croyais", souffle celui qui est originaire de la Marne. "Malheureusement, aujourd'hui, avec tout ce qu'on voit sur le terrain, c'est très difficile de survivre […] Le jour où j'aurai perdu tout ça, j'aurai perdu une partie de moi-même. C'est dommage."
Aller travailler, pouvoir subvenir à mes besoins, à ceux de ma femme et de mes enfants. C'est tout ce que je voulais. Si on m'enlève tout ça, je sais même pas si je resterai de ce monde.
David PrélotPêcheur dunkerquois
David Prélot se sent aujourd'hui dans une impasse. Pas de licence pour accéder aux eaux anglaises. Pas question non plus d'aller au Havre ou à Dieppe : "pour faire ces déplacements, il faut de l'argent." Quant à pêcher au large de Dunkerque : "Sortez devant chez vous, il n'y a plus un poisson", affirme-t-il.
Aujourd'hui, le pêcheur n'a plus qu'un souhait : "Retrouver une saison de soles, comme avant dans le temps, ce qui veut dire faire le chiffre de l'année en deux mois de temps."
Retrouvez ci-dessous le reportage diffusé dans le JT de France 3 Nord Pas-de-Calais, ce lundi 27 février.
Dans les années 1980, 50 bateaux étaient à quai dans la cité corsaire. Ils ne sont plus que 11 aujourd'hui.