Consommée fraîche sous le nom de cabillaud et très appréciée des Français, la morue est une espèce de poisson caractéristique des eaux froides. Mais aujourd’hui, les stocks de morue en mer du Nord s’effondrent littéralement. Une équipe de 4 chercheurs dirigée par le laboratoire d’océanologie et de géosciences basé à Wimereux montre pour la première fois que la pêche et le réchauffement climatique en sont la cause.
C’est un laboratoire avec vue sur mer, situé à Wimereux, à quelques kilomètres au nord de Boulogne-sur-Mer, c’est d’ici dans son petit bureau que Grégory Beaugrand a dirigé les recherches. 2 années de travaux qui ont permis grâce à un nouveau modèle numérique intitulé "Fishclim" de montrer comment la pêche et le climat affectent les stocks de morue en mer du Nord.
Si le régime climatique persiste ou devient plus défavorable encore, de nombreux stocks de morues situées en centre et au sud de la Mer du Nord disparaîtront.
Grégory Baugrand, directeur de recherche
" Lorsqu’on regarde les températures de surface en mer du Nord, on note une forte augmentation des températures à la fin des années 80. L’impact de la pêche et du climat a varié au cours du temps. La surexploitation a conduit à une forte diminution du stock de morues de l’ordre de 77% alors qu’actuellement on a plutôt un effet climatique fortement défavorable à la reconstitution de ce stock c’est-à-dire que l’effet climatique est de l’ordre de 64%." docteur Grégory Beaugrand, directeur de recherche, Laboratoire d’océanologie et de géosciences CNRS/Université de Lille/Université du Littoral Côte d’Opale.
Et le chercheur de nous expliquer l’impact climatique sur la morue :
" La phase critique pour la morue c’est la phase larvaire, c’est une phase où elle est présente dans l’environnement planctonique entre mars et octobre et pendant cette phase, la croissance doit être suffisamment rapide mais pour cela, il lui faut dans son environnement des proies convenables et adaptées aux larves. Or, ces proies ont profondément diminué suite au réchauffement de la mer du Nord de l’ordre de 1 degré."
Autre enseignement de ces travaux publiés dans la revue scientifique "Nature Communications Biology" : si le régime climatique persiste ou devient plus défavorable encore, de nombreux stocks de morues situées en centre et au sud de la Mer du Nord disparaîtront. Et ce quelques soient les quotas de pêche imposés. L’équipe internationale de ces 4 chercheurs préconise donc d’adapter la gestion de la pêche en fonction du climat.
" Cela nous permettrait d’avoir des quotas beaucoup plus réalistes qui permettront de prolonger l’exploitation des stocks. Nous montrons qu’effectivement, on peut la prolonger de cette façon de plus de 20 ans et augmenter les captures cumulées de l’ordre de 30% "
Dans les années 1970, le stock des morues a culminé jusqu’à 440 000 tonnes. En 50 ans, la température de la Manche et de la Mer du Nord a augmenté d’1 degré. Des homards plus nombreux, moins de cabillauds. D’ici 2100, les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer pourraient voir arriver des espèces d’eaux plus chaudes.