Le cargo Mikhail Dudin, arrivé de Saint-Pétersbourg (Russie) a déchargé ce matin plusieurs conteneurs d'uranium dans le port de Dunkerque. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, l'association Greenpeace dénonce un commerce "scandaleux".
Le 29 novembre, le cargo Mikhail Dudin est entré dans le port de Dunkerque, comme prévu sur son itinéraire. Le bateau navigue sous pavillon panaméen, mais arrive directement de Saint-Pétersbourg, d'où il est parti le 21 novembre et où il retournera le 6 décembre. Ce qui risque d'attiser la polémique, c'est sa cargaison.
A son bord, déchargés à Dunkerque, "des dizaines de fûts d’uranium enrichi et dix containers d'uranium naturel en provenance de Russie", affirme l'association de protection de l'environnement Greenpeace. Framatome, filiale d'EDF qui construit et fournit les centrales nucléaires, a reconnu la livraison auprès de l'AFP, précisant qu'il s'agit de "matière pour la fabrication de combustibles nucléaires", qui passeront par son usine de la Drôme avant d'être redistribués "notamment dans le parc nucléaire français".
“La poursuite du commerce nucléaire avec la Russie, alors que la guerre en Ukraine fait rage, est scandaleuse" écrit l'association, connue pour son positionnement anti-nucléaire, dans un communiqué. L'ONG demande à la ministre de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, la rupture de tous les contrats sur le commerce d'uranium après la Russie. Une décision politique difficile à prendre, quand le gouvernement présente la relance du nucléaire comme un outil vers la sortie des énergies fossiles.
Un choix d'autant plus critiqué que, contrairement à certains de ses voisins de l'Est, la France n'est pas dépendante de Moscou pour faire tourner son nucléaire. L'hexagone importe aussi son uranium depuis l'Australie, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Niger.
"Un très mauvais signal" envoyé à l'Ukraine
Le gouvernement avait pourtant résolu d'endiguer une partie du commerce nucléaire avec la Russie, celui qui concerne l'uranium de retraitement. Contrairement à celui qui a été livré à Dunkerque, il s'agit d'un uranium qui a déjà été utilisé dans un processus de fission nucléaire, et qui doit être traité pour être en partie réutilisé.
Le port de Dunkerque était, jusqu'à au moins octobre 2022, la plaque tournante de ce commerce, comme l'explique Le Monde. Orano, l'entreprise en charge de cet uranium, n'a depuis pas renouvelé ses contrats avec les acteurs du nucléaire russe.
Mais à quoi bon se passer de cet uranium de retraitement si le commerce nucléaire continue avec le pays responsable de l'invasion de l'Ukraine ? C'est la question posée par Greenpeace. "Cela ne représente que la partie émergée de l’iceberg. En atteste l’importante cargaison d’uranium enrichi et d'uranium naturel à Dunkerque," souligne Pauline Boyer, chargée des campagnes autour du nucléaire chez Greenpeace France. "On dénonce cette dépendance à Rosatrom, le géant du nucléaire russe, qui a été créé par Vladimir Poutine et qui sert actuellement ses intérêts géopolitiques. C'est un très mauvais signal qui est envoyé, alors même que le gouvernement français soutient l'Ukraine."
Le gouvernement ne s'est pas exprimé sur l'avenir du commerce nucléaire avec la Russie depuis les révélations de Greenpeace.