EPISODE 4. France 3 Nord Pas-de-Calais donne la parole aux champions de la région contraints, eux aussi, de mettre leur activité et leur passion entre parenthèses, en raison des mesures de confinement liées au coronavirus Covid-19. C'est au tour du skipper dunkerquois Thomas Ruyant.
Chantier au ralenti, course transatlantique en suspens, mises à l’eau et entraînements impossibles... Comme tous les skippers du Vendée Globe, Thomas Ruyant attend, confiné à Lorient. Il traverse la crise actuelle avec son expérience de marin des courses en solitaire. Il se rend comme il peut sur son chantier naval, situé juste en face de la Cité de la voile Eric Tabarly, dans l’ancienne base sous-marine du port de Lorient, pour préparer le tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance qui doit partir le 8 novembre prochain des Sables d’Olonne...
Une préparation au ralenti
Depuis une semaine, sa petite entreprise, TR Racing tourne au ralenti : "L’équipe travaille quand même. Certains sont en télétravail, d’autres préparent le bateau qui est au sec dans un grand hangar, avec des protections et en respectant les mesures barrières." Le navigateur dunkerquois vient deux fois par semaine assurer sa présence, et travailler au bureau. La remise à l’eau de son grand monocoque "Advens for cybersecurity", du nom de l’entreprise lilloise de sécurité informatique qui le soutient dans son projet, prévue initialement début avril, sera forcément retardée. "Les transats du printemps seront certainement reportées ou annulées. Nous attendons des nouvelles mais il faut s’y préparer . Cela aura des conséquences pour la préparation du Vendée Globe, dont le départ est maintenu".
En attendant, Thomas Ruyant mène la vie de tout français confiné : "Avec mon chantier, j’ai aussi mes deux jeunes enfants à garder, en alternance, avec ma compagne Anne-Laure, qui est également en télétravail. Notre fils entre en CP. Nous le faisons travailler à la maison, avec des devoirs envoyés par sa professeure des écoles. Tout se fait en ligne et ça se passe bien. Quant à notre fille, plus jeune, elle allait à la crèche et il faut donc l’occuper. Nous avons la chance d’habiter une maison proche de Lorient et le confinement se vit forcément mieux en Bretagne et en bord de mer qu’en ville".
Solitude volontaire n'est pas confinement
Le confinement justement, c’est une situation que connaissent parfaitement les coureurs au large comme Thomas, embarqués sur des voiliers plus au moins grand en solitaire ou en équipage. "Depuis quelques jours, on me demande souvent si c’est le même type de confinement. En fait, ça n’a rien à voir… Quant je suis loin en mer, ce confinement, c’est moi qui l’ai choisi, contrairement à celui qui vivent actuellement les Français. C’est tout le paradoxe de la situation. On vit dans un espace réduit, mais sur un espace de jeu immense, dans lequel on se déplace".
Son voilier "Advens" fait 18 mètres de long mais son skipper vit dans une cabine de quelques mètres carrés, composés de la cuisine, la couchette, la table à cartes avec l’ordinateur et la "garde-robe" où sont regroupés les cirés. Lors du dernier Vendée Globe, qui s’était achevé prématurément avec un abandon et un convoyage en mode survie jusqu’en Nouvelle-Zélande, le marin nordiste avait ainsi passé 45 jours en mer, seul et loin de tout point de chute.
"Dans ce cas-là, la gestion du moral est importante. Il faut bien fractionner sa journée et s’imposer des routines : manger à heure fixe ; travailler la navigation avec les fichiers météo qui arrivent à des moments précis ; planifier ses siestes, même si ce planning est en fait dicté par la météo. Je dois toujours avoir une notion de l’heure car on ne peut pas vivre n’importe comment". Et les rares temps de loisir ? "C’est difficile de lire mais il y a les podcasts, qui permettent d’écouter de la musique, et on peut même voir des films en pleine mer ! "
Solidarité en attendant l'éclaircie
Après son retour de Nouvelle-Zélande, Thomas n’était pas rentré directement chez lui : "Nous étions parti quelques jours en montagne avec ma famille, de façon à revenir doucement à la vie normale." Le confinement d'aujourd'hui n’a donc pas grand-chose à voir avec sa solitude en course et il le vit forcément mieux : "J’ai beaucoup d’occupations avec le chantier et les enfants. Je n’ai même pas le temps de faire du sport à la maison, d’autant que vu la situation actuelle, je ne vois plus mon coach sportif . Je prends aussi des nouvelles de mes parents qui résident à Malo-les-Bains, grâce à Whats App ou Skype, comme lorsque je suis en mer. Il est important de respecter le confinement face à cette épidémie."
Cette réaction est partagée par les autres navigateurs, qui sont coincés dans leur port d’attache, avec l’incertitude de reprendre la mer. Ainsi, Ronan Lucas, directeur du team Banque Populaire, n’hésite pas à dire : "Nos projets n’ont pas un intérêt vital pour le pays. Il faut prendre du recul et êtres exemplaires. La santé publique est la priorité absolue !"
Plusieurs teams ont également déposé leur stock restant de combinaisons et de masques. Un petit geste mais tout compte. Thomas Ruyant accueille aussi cette situation inédite avec calme et philosophie, toujours concentré sur son objectif de Tour du monde en solitaire et sans escale, à la fin de l’année.