Voici pourquoi la Duchesse Anne va quitter le port de Dunkerque

La Duchesse Anne, dernier voilier trois-mâts carré de France et emblème du port de Dunkerque va se métamorphoser. Attaqué par les pluies et usé par plus d'un siècle d'histoire, le navire quittera le port de Dunkerque en juillet 2024 pour se refaire une beauté. Voilà un aperçu des travaux à mener sur ce bateau mythique.

Suants et tremblants d'excitation, les jambes campées sur leurs appuis, 150 mousses allemands gravitent entre les trois mâts de la Duchesse Anne pour sa mise en service. Long de 92 mètres, le bateau pèse 1630 tonnes et mérite bien la force d'une centaine d'hommes pour activer ses 2 060 mètres carrés de voilures. Avec sa conception inédite "trois-mâts carré" et la qualité exceptionnelle de ses matériaux, le bateau-école allemand constitue en 1901 une prouesse, offrant un large espace de vie et de travail aux mousses en formation à son bord.

L'histoire d'un bijou nautique

80 ans plus tard, c'est dans un piètre état que le long voilier fait son arrivée au port de Dunkerque. Affecté à la formation des marins de la marine marchande allemande pour qui il a été créé, puis offert aux Français en dédommagement après la Seconde Guerre mondiale, le bateau n'a jamais reçu les soins nécessaires à l'entretien de ses mâts, poulies et coques en acier.

À deux doigts du démantèlement, c'est renforcée de rustines et presque à l'état d'épave que la Duchesse Anne a fait le trajet entre la Bretagne et Dunkerque le 10 septembre 1981.

Considéré comme un trésor nautique et architectural, le désormais mythique bateau du port de Dunkerque déclenche alors un large élan de solidarité : "il y a eu une vraie mobilisation des Dunkerquois, la sidérurgie a fourni des tôles mais d'autres entreprises ont fourni des compresseurs, du matériel", témoigne Alain Dechesne, président de l’association des Amis du Musée maritime et portuaire.

À peine arrivé dans son nouveau port, le voilier est déjà un emblème local et obtient en 1982 le classement aux monuments historiques. 20 ans plus tard, le bateau est remis sur pied et devient un musée sur l'eau.

Retour au point de départ

Sujette aux vents et aux pluies du Nord, la Duchesse Anne est aujourd'hui rongée de l'intérieur. Les infiltrations d'eau font pourrir le bois, gonfler l'acier et marquent de taches brunes l'intérieur de la coque :"il y a des zones de pénétration des eaux pluviales à de multiples endroits du navire", détaille le directeur conservateur du musée, Dorian Dallongeville.

La situation est encore plus grave dans les cales : "ici, j'appelle ça la mer de béton", soupire Dorian. Dans l'obscurité, il pointe du doigt des amas de béton "qui ont été installés dans les années 80 pour lester le bateau". En 2024, plus question de les conserver : "il y a une très mauvaise cohabitation de l'acier et du béton, avec l'eau qui s'infiltre on arrive à un cocktail détonnant", souligne le directeur conservateur du navire. Il pointe successivement plusieurs zones rouillées : "la coque en acier se délite, elle devra être percée par endroits pour pouvoir évacuer le béton", termine-t-il.

Revenu à la surface, Dorian Dallongeville arpente le plancher du bateau en pleine démolition. Il saisit un débris du pont, imbibé d'eau : "voilà encore un parfait exemple, le bois est en décomposition, explique-t-il, la décision est radicale mais il faut remplacer le pont dans son entièreté", commente-t-il.

Autour de lui, les ouvriers sont déjà en train de s'activer pour évacuer les restes de bois qui constituaient il y a peu le pont du bateau. Depuis le mois de janvier, les équipes s'enchaînent pour scier, arracher et évacuer les mille mètres carrés de lattes de bois qui ont gonflé puis pourri avec le temps et les infiltrations d'eau.

Une nouvelle renaissance

Il a fallu deux ans de diagnostic pour traquer et lister toutes les défaillances du navire. Malgré l'ampleur de la tâche qui s'annonce, des yeux brillent quand on évoque les travaux. Pleins d'espoir pour cette nouvelle version de la Duchesse Anne, Dorian et Alain travaillent d'arrache-pied pour reconstituer les décors d'origine du bateau.

Rassemblés par un même objectif, les deux hommes comparent les rares photos des années 80 avec l'état actuel du bateau. Ils traquent chaque détail. Banquette, moulure, décoration : "tout ce qui nous permettra de reconstituer l'ambiance pendant la Belle Epoque, entre 1900 et 1920", conclut le conservateur.

La Duchesse Anne quittera le port de la citadelle mi-juillet, pour subir une métamorphose qui devrait durer un an et demi et coûter 12 millions d'euros. Des moyens nécessaires pour maintenir en état le dernier trois-mâts carré de France. Alain l'affirme : "plus personne n'imagine le port de Dunkerque sans la Duchesse Anne."

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