Evaluations nationales : les raisons de la colère des professeurs des écoles. 3 questions à Alain Talleu, représentant d'un syndicat enseignant

"Des évaluations, on en fait toute l'année ! Aucun professeur n'est contre le fait d'évaluer les élèves." rouspète Alain Talleu. Secrétaire du SNUIPP-FSU dans le Nord, ce professeur des écoles s'insurge contre des évaluations obligatoires, par les enseignants, et si près de la rentrée. Interview.

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Entre le 9 et le 20 septembre 2024, tous les élèves de l'école primaire passent des évaluations nationales, en classe. Alain Talleu est professeur des écoles en grande section à Lille. Il est aussi le secrétaire du SNUIPP-FSU dans le Nord et il fait grève, contre ces évaluations. 

1. Que reprochez-vous à ces évaluations nationales ?

Alain Talleu : Il faut comprendre l'origine de ces évaluations. Les évaluations existent en CP et CE1 depuis quelques années, 5 ou 6 ans, je crois. L'an dernier, elles ont été étendues au CM1. Là, elles concernent tous les niveaux en élémentaire, du CP au CM2.

Elles ont été lancées suite au dédoublement des CP et CE1 en REP et à la limite de 24 élèves par classe pour ces niveaux. Le ministre de l'éducation de l'époque, Jean-Michel Blanquer, estimait qu'il fallait que ces moyens soient quantifiables. 

Il faut savoir, que ces évaluations sont décriées depuis le début par les enseignants, car elles ne correspondent pas à ce qui est fait en classe, souvent on évalue des choses pas encore vues. De ce fait, aujourd'hui les enseignants ont tendance à préparer les évaluations, à modifier l’ordre du programme. Si on entraîne les enfants à faire un exercice, ils réussiront mieux...

Elles sont aussi décriées sur le temps. Ce sont des exercices chronométrés, et le temps accordé est souvent beaucoup trop court. Et puis, il faut imaginer les élèves de CP, ils n'ont connu en septembre qu'une seule semaine de cours depuis la rentrée. Ils ont changé d’école, de rythme, ils sont assis plus longtemps qu'en maternelle, ils ont leur cartable et leurs affaires à gérer... et ils se retrouvent déjà évalués. On les met en échec, ils pleurent… Ce n'est pas grave s'ils n'ont pas le niveau mais est-ce nécessaire de les mettre dans une situation de stress une semaine après la rentrée ? 

2. C'est l'aspect obligatoire qui vous dérange dans ces évaluations ?

Alain Talleu : C'est surtout la finalité qui nous dérange. Elles ne vont pas simplement servir à avoir une idée générale du niveau des élèves. On évalue, en fait, les écoles et les enseignants.

L'évaluation n'est pas problématique en soi. Tous les enseignants évaluent leurs élèves. Tous essaient de savoir quel est le niveau des enfants dont ils ont la charge mais pas sous cette forme. Si elles étaient utilisées comme un simple outil, on ne serait pas obligé de faire passer ces évaluations à l’ensemble des élèves. On peut prendre 1 % des élèves d’un département, par exemple, ça doit suffire pour connaître le niveau d'une cohorte.

Et puis, le problème, c'est que ce sont les enseignants qui font passer les évaluations et les corrigent. Si c'était dans l'idée d'améliorer notre pratique, dans un monde idéal... mais là, c'est pour évaluer les enseignants, les moyens. Ce sont les termes de l’Inspecteur d’Académie. Il l'a expliqué quand il a accepté de laisser des classes ouvertes après une mobilisation des enseignants, à Merville (Nord). Il a dit que ce n'était pas un cadeau, qu'il vérifierait que les moyens accordés permettent une meilleure réussite des élèves. Dans ce cas, si les élèves ne réussissent pas mieux ce sera la faute des professeurs. Or c'est un secteur où il y a beaucoup d'enfants qui rencontrent des difficultés sociales, qui sont placés... 

C'est stigmatisant pour les enseignants. Quand vous avez des élèves allophones (de langue étrangère), handicapés, que vous êtes en REP, vous aurez forcément de moins bons résultats.

Et les résultats seront scrutés par l'Inspection d'Académie par école, par enseignant, des classements seront établis. Ils seront comparés à la moyenne nationale. Ça aura forcément des répercussions sur les moyens accordés. Si vous avez de bons résultats, vous risquez de perdre des moyens. Si les enseignants n'ont pas envie d’être sous le regard des inspecteurs, ils feront en sorte que les résultats soient meilleurs.

Si on veut des évaluations, il ne faut pas les faire en classe. Il faut que ce soit anonymisé et pas corrigé par le professeur. Dans le second degré (au collège et lycée, NDLR), les élèves passent seuls les évaluations devant un ordinateur. 

3.La grève est-elle suivie ?

Non, pas trop. L'appel à la grève a été lancé par le Snuipp-FSU, Sud éducation et la CGT éducation. Les collègues nous ont expliqué que c'était très près de la rentrée, trop. La mobilisation peut se faire différemment comme boycotter les évaluations. Il y a une mobilisation devant le rectorat ce midi (NDLR : mardi 10 septembre), nous demandons une audience au rectorat.

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