Le samedi 8 avril a marqué les un mois de mobilisation des salariés de la sucrerie Tereos d'Escaudœuvres, pour dénoncer sa fermeture. Organisés pour tenir sur la durée et soutenus par la population, ils se disent prêt à occuper le site jusque juin.
Il y tout juste un mois, le 8 mars, la direction de la sucrerie d'Escaudœuvres a annoncé sa fermeture et le licenciement de 123 salariés. Depuis ce choc, leur mobilisation et colère ne faiblissent pas.
"Il faut qu’on maintienne le cap, c’est loin d’être fini encore. On ne lâchera rien", déclare Loïc Lagouche, secrétaire adjoint du CSE, décidé à rester jusqu'à juin, mois de mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi.
"On a la fatigue qui se fait ressentir quand même mais on a beaucoup de cohésion, ça aide", confie Ludovic, un salarié qui occupe les lieux tous les jours de la fin d'après-midi au petit matin.
Tous les corps de métiers qui travaillent et fournissement le site se relaient du matin au soir pour y bloquer l'entrée, et l'accès aux 40 000 tonnes de sucre qui sont encore dans les silos de l'usine. Un "trésor de guerre" pour les grévistes qui l'ont produit.
"Restons unis et faisons corps"
Tonnelles prêtées par la mairie pour s'abriter, grosse sono, mais aussi terrain de pétanque, frigos et cuisinières, tout est fait pour tenir dans la durée.
Choquée par la décision de fermeture, alors que l'usine devait bientôt fêter ses 150 ans, la population locale se mobilise aux côtés des salariés. Le 19 mars, près d'un millier de personnes ont participé à une manifestation de soutien.
Les riverains, commerçants et anciens de la sucrerie continuent pourtant d'apporter nourriture et bonne humeur pour leur remonter le moral. Une solidarité qui passe aussi par des petits dessins accrochés sur le poste de sécurité notamment et des dons.
Seul point sensible : le feu qui brûle en permanence, alimenté notamment par des pneus.
Après des plaintes de riverains, la mairie d'Escaudœuvres tempère. "Après chaque échange avec les salariés sur ce sujet, ceux-ci m’assurent qu’ils sont prêts à vous recevoir et à vous écouter afin de limiter les problèmes ou les nuisances causées. (...)", écrit le maire, Thierry Bouteman.
La situation difficile dans laquelle se trouve notre ville demande de l'apaisement, de la solidarité et de l'échange. Restons unis et faisons corps ensemble.
Thierry Bouteman, maire d'Escaudoeuvres
"Une entreprise qui gagne de l'argent qui ferme une usine"
Propriété du groupe Béghin Say, Tereos dit fermer l'usine au nom de la sauvegarde de sa compétitivité, dans un contexte de baisse de la production de betterave. Une justification jugée peu crédible par plusieurs élus, alors que l'entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 5,1 milliards d’euros en 2021/2022 et un résultat net de 172 millions d’euros.
La dernière sucrerie du Nord ne conserverait que son centre logistique, ainsi qu’une partie du service agricole, soit une trentaine de postes. Selon le président de l'agglomération de Cambrai, Nicolas Siegler, c'est 400 postes qui sont à termes menacés sur le territoire, si l'on inclut les emplois indirects générés par l'usine.
"J'ai envie de comprendre les chiffres, parce qu'à ce stade, une entreprise qui gagne de l'argent qui ferme une usine, je pense que ce n'est pas normal", a déclaré Roland Lescure, le ministre de l'Industrie sur Sud Radio, juste avant sa visite sur place le 13 mars.
Pour le président d'agglomération de Cambrai, Nicolas Siegler et autres conseillers : "Il est hors de question que la sucrerie d’Escaudœuvres soit sacrifiée après tant d’investissements du groupe, des coopérateurs et des salariés."
D'autant plus que Tereos avait promis à plusieurs reprises de ne fermer aucun site, comme l'affirmait le président de son conseil d'administration, Gérard Clay, au moment de son élection.
Les élus locaux montent au créneau
Les élus locaux se montrent particulièrement remontés contre l'entreprise. "Les propositions sont vraiment indignes. Tereos et Nestlé sont des groupes qui ont les moyens et qui doivent permettre aux salariés de s’en sortir et de rebondir", a affirmé Xavier Bertrand.
Le président de la région Hauts-de-France a communiqué plusieurs fois son indignation. Il demande sur Twitter une indemnisation des 123 salariés jusqu'à ce que Nestlé trouve un repreneur, et non jusqu'à la fin de l'année comme annoncé.
L'opposition est aussi du côté des élus de gauche, que ce soit la France Insoumise ou le PCF. François Ruffin s'est rendu sur place à l'occasion de la grève du 15 mars contre les retraites. Il demande au gouvernement de refuser l'homologation du plan social, une compétence pourtant administrative, ce qui semble donc peu probable.
Le 3 avril, Nicolas Siegler a annoncé que le gouvernement et la région avaient conjointement décidés de suspendre l’examen de toute demande de financement de la coopérative agricole Tereos.