Avant la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques, la flamme passera dans plusieurs villes de la région des Hauts-de-France dès dimanche 25 août. Elle sera à Arras lundi 26 août où Sylvie Cornez et Frédéric Tanguedje se préparent joyeusement à porter ce symbole qui représente pour eux la fierté et l'endurance.
Le parcours de la Flamme des Jeux Paralympiques durera quatre jours et sera visible simultanément à douze endroits dans le pays, représentant les douze jours de jeux. Dans les Hauts-de-France, elle arrivera par le tunnel sous la Manche dimanche, passera par Calais et Valenciennes. Lundi, elle sera à Arras où les relayeurs se préparent à la brandir.
Parmi eux, Sylvie Cornez et Frédéric Tanguedje, deux porteurs avec des expériences de vie totalement différentes. Un courage et une résilience en commun, qui force le respect.
Je veux montrer au monde entier que nous sommes là et que quoiqu'il nous arrive, nous avons envie de vivre !
SylviePorteuse de la flamme paralympique
La reconnaissance, c'est le premier sentiment que Sylvie Cornez, soixante-deux ans, exprime. En début d'année, l'Office des sports de la ville d'Arras lui a annoncé qu'elle porterait la flamme ce lundi 26 août.
Résidente à la Maison Relais des Bonnettes depuis quatorze ans, elle bénéficie, à ce titre, du programme d'activités à des fins de reconstruction de soi. Il faut dire que dès sa naissance, Sylvie a connu une vie chaotique. Née prématurément à six mois elle devient pupille de la nation. Puis, elle est placée à l'âge de trois mois en famille d'accueil, jusqu’à ses vingt ans. "On m'a nourri et j'ai dormi au chaud, constate-t-elle. Mais je n'ai jamais reçu d'amour et encore moins connu la tendresse. Ça a forgé mon caractère." Mariée pendant dix-huit ans, elle connaît le bonheur de mettre au monde deux enfants : Florent et Marianne, qui font sa fierté.
Technicienne de surface, les aléas de la vie ne l'ont pas épargné. Victime d'un accident neurologique il y a dix-sept ans, elle lutte pour vivre le plus joyeusement possible. "Il y a deux ans, j'ai appris que j'étais atteinte de la maladie de Parkinson précoce et je souffre de tremblements côté droit." Mais elle rassure : "Je suis combative et c'est l'image que je veux donner aux autres."
C'est grâce à la maison relais, aux associations et au sport que j'ai repris goût à la vie.
Sylvie CornezPorteuse de la flamme paralympique
Se plaindre ne fait pas partie du quotidien de Sylvie. Alors elle demande gentiment :"Parlez de la chance que nous avons de bénéficier de la maison relais et des associations qui nous aident, comme le Coin Familial. Ce sont des gens qu'il faut mettre en avant, ils sont toujours là pour nous. Ils nous aident à nous propulser et surtout à reprendre goût à la vie." Le sport est l'une des disciplines qui l'aide à rester positive. "Deux fois par semaine, Fabien, le coach, nous fait faire de la gymnastique douce, du paddle, du canoë-Kayak. Au début, j'avais peur, mais je suis contente d'avoir eu la force de le faire, se réjouit-elle.
"Porter la flamme est une fierté, pour moi, pour la maison relais et tous ces athlètes qui ont plus de mental qu'une personne valide, annonce-t-elle, convaincue. J'ai plein d'étoiles dans la tête, ça va être grandiose ! Mes sept petits-enfants seront là."
Surtout la dernière âgée de neuf ans. Sylvie confie : "Elle est venue me voir pour m'offrir un cœur en cire, puis en partant elle m'a dit :Tu sais mamie, tu n'as pas eu de maman mais nous, nous serons toujours là !" La voix de Sylvie s'étrangle, elle se reprend : "Je combats depuis ma naissance et je continuerai à me battre, je veux montrer au monde entier que nous sommes là et que quoiqu'il nous arrive, nous avons envie de vivre !"
Il m'a fait confiance, je voulais montrer qu'il avait raison.
Frédéric TanguedjePorteur de la flamme paralympique
Athlète handisport en service civique à la Mairie d'Arras, Frédéric Tanguedje apprend en début d'année qu'il a été retenu pour porter la flamme. C'est Jimmy Gaci, responsable des instances participatives de la ville qui lui annonce. La première réaction de Frédéric est d'en rire, il n'en croit pas un mot. Un mail de confirmation provenant de l'organisation le laisse bouche bée ! "J'ai tout de suite appelé ma mère qui a crié de joie."
Né au Cameroun, Frédéric Tanguedje, amputé des deux mains, arrive à Besançon (Doubs) en 2011, à l'âge de sept ans. Lors des sorties scolaires à la piscine, le corps enseignant l'empêche d'y participer et lui demande de rester assis à regarder les autres. Présent au bord du bassin, Damien Monnier entraîneur handisport, convainc les professeurs de le laisser bénéficier de la même activité que les autres élèves. Bravant l'appréhension, il se met à l'eau et parvient à nager. En sortant, David Monnier l'invite à rejoindre le club de natation handisport. "On m'a fait confiance, et je voulais montrer qu'il avait raison. Quand je nageais, j'avais une sensation de liberté et de mouvements." En 2019, il intègre le Racing Club d'Arras et s'entraîne avec les valides.
Mon but : aller aux Jeux Olympiques, quelle que soit la discipline.
Frédéric TanguedjePorteur de la flamme paralympique
Mais sa progression stagne et il se rend compte que pour les Jeux paralympiques cela va être compliqué. Lors des JO de Londres en 2012, il est fasciné par Michael Phelps (Champion olympique Natation) et Usain Bolt (Athlète Champion Olympique sur le 200m). "Devant mon téléviseur, j'ai pris conscience que mon but était d'aller aux Jeux olympiques, quelle que soit la discipline". Il se tourne vers l'athlétisme mais il doute de ses capacités. Un entraîneur mets fin a ses doutes et lui affirme que s’il s'entraîne sérieusement, tout est possible. Il participe au meeting de Lièvin en 2022 : 60 mètres en 8,2 secondes. Il arrive 3éme au Championnat de France en salle en 2023. Il nourrit alors de grandes ambitions pour Jeux Paralympiques de 2028 à Los Angeles.
Je voudrais que la flamme soit comme une boussole qui guide les autres.
Frédéric TanguedjePorteur de la flamme paralympique
Que représente, pour lui, le port de la flamme ? "Je voudrais qu'elle soit comme une boussole qui guide les autres, afin qu'ils puissent croire en eux et avoir la force de tenter, d'oser. Je penserai à ma mère qui a été un pilier moral, qui m'a poussé à aller plus loin. Je veux courir pour elle."
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En attendant, la tension est à son comble. Mille et une questions le taraudent: "Je me demande si je vais réussir à dormir, si je vais me réveiller à l'heure. Est-ce que je vais glisser ? Et si je tombais ? Je mets mes prothèses de mains ou pas ?"
Réponse lundi 26 août à Arras. Frédéric sera le premier relayeur de la journée, Sylvie sera la trente et unième. Une journée inoubliable pour ces deux personnes extraordinaires.