La SNCF a permis à plusieurs médias de pénétrer au coeur du Poste d'Aiguillage et de Régulation de la Gare Lille Flandres. Les agents de circulation doivent gérer au quotidien les retards de trains, reproche constamment fait au leader du marché ferroviaire français.
"Là, c'est un peu plus calme, d'ici une heure et demi, ça va commencer à circuler pas mal". Marjorie Lefebvre est agent de maîtrise au Poste d'Aiguillage et de Régulation (PAR) qu'abrite la gare SNCF de Lille Flandres. Avec son équipe, elle est chargée de faire circuler les TGV de la zone nord-européenne.Face à elle, un immense tableau noir strié de lignes vertes. Toutes correspondent à la trajectoire d'un train. "Notre but, c'est de respecter au plus près le plan de transports, et surtout de permettre aux trains de circuler en toute sécurité. C'est notre rôle de prendre des mesures en cas de souci sur la voie, de problème de matériel..."
Le coût des retards
Ici, 24 personnes se relaient pour une maintenance 24 heures sur 24. 230 trains commerciaux circulent par jour, et se suivent d'à peine trois minutes en heure de pointe, à 300km/h. Les agents du PAR sont en connexion permanente avec les conducteurs mais sont aussi secondés par une signalisation radio d'urgence, qui peut permettre de stopper un train à distance si le conducteur estime ne pas avoir le temps de verbaliser sa demande.
"Dès qu'il arrive quelque chose, avec des trains qui se suivent de trois minutes, les retards s'accumulent vite" regrette Marjorie.
C'est justement à cause de ces retards que la SNCF est en ce moment pointée du doigt. Le 13 juillet, un audit commandé par l'entreprise, indique que le respect des horaires "devrait être un objectif commun à tous". Un emploi du conditionnel qui pose question quand on sait qu'un rapport de l'Autorité de la qualité de service dans les transports, un organe du ministère, chiffrait en mars la conséquence économique de ces retards à 1.5 milliards d'euros de perte.*
Trucs et astuces
Pourtant, au fil du temps, les procédures et les astuces se sont multipliées pour pallier certains événements. Cela peut-être, par exemple, des "réchauffeurs d'aiguillage", qui empêchent les mécanismes d'orientation des trains d'être bloqués en cas de neige. Au-dessous de 3°, un chauffage se déclenche pour empêcher la glace s'amasser. C'est aussi, aux alentours des ponts, un détecteur de chutes de véhicules.
"Pour chaque pont qui passe au-dessus d'une ligne à grande vitesse, on va disposer des filets de chaque côté, explique Marjorie Lefebvre. Si une voiture a malheureusement un accident et passe par dessus le pont, le filet est arraché, et cela arrête automatiquement la circulation des trains."
Variables incontrôlables
Mais la plupart des retards sont dûs à des facteurs difficiles à anticiper. Marjorie Lefebvre énumère la multiplication des colis suspects, qui demandent une évacuation des gares et d'entasser les trains aux entrées ; les animaux sauvages, qui en traversant les voies se heurtent aux trains et parfois les endommagent en plus d'y perdre la vie.
Elle évoque aussi, avec émotion, les migrants de Calais. "Quand ces personnes s'aventurent sur les voies, à avec des trains à 300km/h, ils prennent un tel risque pour leur vie..."
Comme les pilotes de ligne
Réactif, c'est la principale qualité pour travailler au PAR. Il faut dire que les agents de circulation travaillent dans des conditions très anxiogènes.
"Pour être agent de circulation, faut être costaud, reconnaît la direction. Il faut un permis, qu'on renouvelle tous les trois ans. On passe des tests psychologiques, une visite médicale très poussée, ça va du fait d'être daltonien au test pour détecter les opiacés, les amphétamines... Une visite médicale tous les deux ans, un test de compétence tous les trois ans avec les dirigeants..."
Et, depuis peu, des tests de situation d'urgence en simulateur, comme pour les pilotes de ligne.
En 15 ans à la SNCF, Marjorie Lefebvre pointe une nouveauté bienvenue : "Maintenant - ça ne se faisait pas trop avant - , on peut être sollicités pour des propositions d'évolution. Si on pense qu'une procédure est mal faite, on peut en parler, suggérer..."
Un juste retour des choses, pour ceux qui reçoivent sans qu'on s'en doute nos râleries en cas de retard.