Grande-Synthe : un nouvel An perse doux amer pour les exilés

Le tambour résonne sur la scène, les hommes dansent en cercle sous le préau, mais le nouvel An perse a un goût doux amer pour les exilés de Grande-Synthe (Nord), qui rêvent toujours de Grande-Bretagne dans le camp surpeuplé.

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"Chez nous au Kurdistan c'est la fête la plus importante de l'année, c'est un peu triste de la faire ici", regrette Berzan, à l'entrée du plus grand camp de migrants de France et qui reste malgré tout optimiste: "l'an prochain j'aurai les meilleurs chanteurs, un grand repas, ce sera bien". Avec ce concert de Norouz, l'idée est de "remettre un peu de fête dans une vie qui n'est pas toujours facile", explique Hervé Desvergne, directeur du camp de la Linière traversé de sourdes tensions communautaires et qui comptait plus de 1 500 personnes au dernier pointage.

Peu de places pour les derniers arrivés

La population a ainsi doublé en six mois, dans le sillage du démantèlement du bidonville de Calais. Les passeurs sont nombreux, des tensions éclatent régulièrement et "cela ne peut pas, pour l'Etat, continuer" dans ces conditions, a récemment tonné l'ancien ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux. A côté des petits chalets de bois, vantés pour leur respect des normes humanitaires à l'ouverture du camp en mars 2016, mais aujourd'hui surpeuplés et dégradés par l'hiver, les cuisines communautaires servent désormais de dortoirs aux derniers arrivés - notamment Afghans, qui sont désormais plus de 400 dans ce camp traditionnellement kurde.


"Bien sûr que je préfèrerais un chalet. Mais il n'y a pas de place !", se désole Hosein, un Pakistanais de 20 ans, en montrant l'emplacement - sous une table - où il a passé la nuit. Pas assez d'argent non plus, dans ce camp où tout se monnaie, au grand dam des associations. Un poêle qui fume au centre de la pièce, des bancs transformés en lits et des vêtements pendus aux murs: dans la cuisine numéro 2, l'Auberge des migrants réveille précautionneusement les exilés pour leur distribuer kits hygiène, couvertures et vêtements. La machine est bien rodée : chaque matin, une équipe passe de chalet en chalet pour recenser les besoins. Les "commandes" sont préparées à Calais, dans le gigantesque hangar de l'Auberge, puis distribuées le lendemain.

Passeurs

"On n'a pas assez de chaussures, et ils nous en demandent tous", soupire Margot Bernard, en secouant la tête devant les sandales d'un jeune Afghan. A côté des vêtements, l'Auberge distribue chaque jour quelque 600 repas, et tient des "free shops", petites épiceries où les migrants peuvent obtenir gratuitement lait, légumes, du riz... qu'ils se débrouillent ensuite pour cuisiner. D'autres associations sont là : Salam distribue un déjeuner, Gynécologie sans frontières... dont les bénévoles s'activent, dans le ronronnement de l'autoroute A16 qui longe le camp.


Combien de temps la situation durera-t-elle ? Les élections font peser une incertitude, mais la convention liant l'association gestionnaire (l'Afeji) à la ville et à l'Etat vient d'être renouvelée pour six mois et le but est de réduire à 700 la population du campement. L'Etat a promis de mobiliser des places en CAO (centre d'accueil et d'orientation) et les premiers départs devraient avoir lieu bientôt, assure M. Desvergne. "Les familles sont les plus faciles à convaincre car le passage (en Angleterre) pour elles n'est vraiment pas simple", assure Marie-Paule Plantey, coordinatrice de l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration), qui mène des maraudes d'information sur l'asile et les aides au retour, récemment majorées à 1 000 euros. Une mission qui reste "plus difficile" qu'à Calais, reconnaît-elle, tant les gens sont motivés pour passer en Grande-Bretagne, dans ce camp "assez cadré par les passeurs".

Raheem, 25 ans, s'est laissé convaincre: "il n'y a pas de place pour nous ici, je veux rentrer au Pakistan". D'autres restent accrochés à leur rêve. Tahir, 15 ans, a payé "3 000 euros" à son passeur et n'envisage pas de rester en France. "Je veux rejoindre mon oncle en Grande-Bretagne, il m'a dit de monter dans un camion frigorifique", explique le jeune Afghan, qui en est convaincu : "si je surveille la température c'est bon".
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