A Grande-Synthe, colère et impuissance une semaine après le démantèlement de la "Jungle"

"Nous n'avons rien, nous ne savons rien", lâche Hasso, Kurde irakien de 20 ans. Une semaine après l'évacuation de la "Jungle" de Grande-Synthe (Nord), des centaines de personnes errent, à nouveau, sans accès aux services de base.

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Ce jour-là, sous une pluie fine, environ 200 jeunes hommes, capuche sur la tête et vêtements humides, attendent un repas près d'une zone commerciale en périphérie de la ville.

La semaine dernière, les autorités ont évacué le campement de la gare de triage, un terrain au milieu d'un bois coincé entre autoroute, chemin de fer et locaux de la SNCF, où quelque 500 personnes s'étaient installées. Pour un total d'environ 650 à 700 sur la commune, selon les associations et la mairie. 

L'accès au site est désormais fermé. Seuls des emballages en plastique jonchent le sol boueux, au côté de peluches et de ballons dégonflés.     "Malheureusement, il n'y avait que 500 places en centre d'hébergement ; 200 personnes sont restées ici", à quelques centaines de mètres de l'ancien camp, explique le maire écologiste de Grande-Synthe, Damien Carême.

Résultat, "ils n'ont pas accès à l'eau, ils dorment dehors et ne peuvent pas prendre de douche", s'alarme Akim Toualbia, vice-président de l'association Drop Solidarité, qui s'occupe notamment du suivi des mineurs isolés et des hommes. "On a atteint un niveau grave car on ne leur propose absolument rien."

 


"Arrivées constantes"


"Le camp de la gare devait s'arrêter, c'était inhumain et indigne", reconnaît Brice Benazzouz, coordinateur de Médecins du Monde. "Mais aujourd'hui, la situation est bien pire." Et avec l'arrivée de l'automne, "on se dirige vers une catastrophe".

La problématique n'est pas nouvelle : l'évacuation du 6 septembre était la quatrième en quatre mois. Devant cette gestion de l'afflux migratoire, autorités locales et associations se disent excédées. En août, Damien Carême a écrit une lettre au Premier ministre Edouard Philippe pour appeler l'Etat à agir, courrier resté  sans réponse selon lui.

"Il faut créer des lieux de répit sur tout le littoral de la Manche et de la mer du Nord", répète M. Carême. "On me dit que cela risque de faire un appel d'air. Mais ils sont des centaines déjà là...", poursuit-il, soulignant qu'"une gêne commence à s'instaurer" auprès des 22.000 habitants de cette ville jouxtant Dunkerque.

L'urgence est telle que le maire se dit prêt à rouvrir le camp de la Linière, détruit par un incendie en 2017.

De son côté, la préfecture du Nord assure avoir procédé à une centaine de "mises à l'abri" cette semaine et souligne que "la pression migratoire a été divisée par deux depuis fin août". "Les arrivées sont constantes", réplique M. Benazzouz. "Le sous-préfet se met le doigt dans l'oeil en pensant résoudre un problème à un instant T, mais il faut trouver une solution sur le long-terme."


Vêtements et couvertures


Devant l'urgence, la mairie a fait installer un point d'eau en fin de semaine. Mais "la situation empire car de nouvelles familles continuent d'arriver chaque jour", en plus des retours de ceux évacués le 6 septembre, constate Akim Toualbia, dénombrant désormais 500 exilés.

Faute de solution pérenne, une quinzaine d'associations - françaises et étrangères - se relaient pour distribuer nourriture, vêtements et couvertures. Des cliniques mobiles tentent de traiter les problèmes de santé.

Loukman, commerçant kurde irakien de 38 ans, dit avoir quitté sa ville natale de Souleimaniyeh avec son fils de neuf  ans pour soigner un cancer du colon en Angleterre. "L'hôpital de ma ville ne reçoit pas de fonds de l'Etat", explique cet homme à la barbe grisonnante, en soulevant sa chemise pour dévoiler une poche de stomie fixée sur son estomac. "Je n'avais pas les moyens de payer une clinique privée et le temps m'est compté, alors je suis parti."

Loukman dit avoir bénéficié d'un hébergement médical pendant deux nuits. "Maintenant, je suis de retour dehors et je ne sais pas quoi faire."
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