Ce jeudi matin, les forces de l'ordre se sont rendus en nombre dans le camp de migrants de Grande-Synthe (Nord). Evacuation totale.
La "Jungle" de Grande-Synthe (Nord) a connu jeudi sa troisième évacuation en quatre mois, une opération qui illustre les difficultés des autorités à endiguer les espoirs de départ vers l'Angleterre des migrants. Peu avant midi, quelque 430 d'entre eux, dont un tiers en famille, avaient pris place dans une quinzaine de bus, à destination de centres d'accueil, selon les chiffres de la préfecture, et l'opération qui a débuté vers 07H30 devait se poursuivre
jusque dans l'après-midi.
Elle se déroulait dans le calme. "Au total, depuis le début de l'année, ce sont 3 940 migrants qui ont été mis à l'abri à Grande-Synthe", répartis sur différents sites, a déclaré le sous-préfet de Dunkerque Eric Etienne. Les quatre premiers bus, sur les 21 programmés, ont quitté les lieux vers 10H30.
Ils étaient jusque-là stationnés devant la gare de triage de Grande-Synthe, dont l'accès était bloqué à la presse.
C'est sur ce terrain, entre autoroute et chemin de fer, que sont concentrés les migrants. Selon la mairie, ils seraient 650 à vivre ici - 500 selon la préfecture dont 95% de Kurdes irakiens - pour un total de 800 sur la commune. Les associations comptabilisent, elles, entre 600 et 700 personnes dans cette ville de 22.000 habitants jouxtant Dunkerque.
"C'est l'évacuation d'un seul lieu", la gare de triage de Grande-Synthe, "en exécution d'une décision du TGI de Dunkerque du 7 juin 2018", a souligné
le sous-préfet de Dunkerque, mettant en avant des raisons de sécurité, d'insalubrité et de trouble à l'ordre public. La majorité des migrants accompagnés d'agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), ont été dirigées vers des "centres d'orientation" de la région, les autres vers des commissariats pour "examen de situation".
Une quarantaine de mineurs isolés ont aussi été pris en charge et accompagnés. Des CRS reconduisaient également vers ce camp -baptisée "Jungle" par la mairie en référence à l'ancien bidonville de Calais démantelé en octobre 2016, de taille bien supérieure cependant- des migrants se trouvant aux
alentours.
Éviter des bidonvilles
Ceux qui souhaitent faire une demande d'asile vont être orientés vers des Centres d'accueil et d'examen des situations (CAES). Ceux qui le demandent dans le département du Nord "l'obtiennent dans 84% des cas". Les autres, "qui ne s'inscrivent pas dans une démarche d'intégration sur le territoire
national", seront "orientés vers les forces de police pour vérification des situations, notamment les majeurs isolés", a précisé le sous-préfet.
Il a en outre rappelé la politique de l'Etat d'éviter la constitution de "nouveaux points de fixation" devenant ensuite "des bidonvilles" sur le littoral de la mer du Nord.
L'opération a mobilisé une vingtaine d'agents de l'Ofii, environ 200 membres des forces de l'ordre ainsi qu'une vingtaine de sapeurs pompiers et du personnel de la protection civile.
Les campements de Grande-Synthe sont régulièrement démantelés par les autorités, ce qui n'empêche pas de nouveaux afflux. Environ 200 migrants avaient ainsi déjà été évacués de cette "Jungle" le 6 août, 336 le 11 juin. Nombre d'entre eux vivaient précédemment dans un gymnase municipal
ouvert en décembre 2017, fermé en mai. Et en septembre 2016, 500 personnes avaient aussi fait l'objet d'un transfert vers des installations dédiées.
Grande-Synthe, 22 000 habitants, a commencé à être touchée par l'arrivée de migrants à l'été 2015 dans le sillage de la création de la "Jungle" de Calais. Début 2016, le maire écologiste Damien Carême avait ouvert, contre l'avis de l'État, un camp de petits chalets en bois qui avait été détruit par un incendie en avril 2017.
Le président du groupe RN (ex-FN) au Conseil régional des Hauts-de-France, Philippe Eymery, qui a déposé plainte cette semaine contre M. Carême pour notamment "aide à l'implantation illégale de migrants", s'est félicité auprès de l'AFP de cette évacuation, y voyant "une vraie victoire politique" pour le parti de Marine Le Pen.
Dans une tribune intitulée "A Grande-Synthe, c'est à nouveau la +jungle+" parue le 31 juillet, Olivier Caremelle, directeur de cabinet du maire de Grande-Synthe, dénonçait déjà: "Nous empêchant d'offrir localement à Calais ou à Grande-Synthe une première réponse d'urgence, l'État se condamne à des campements sauvages et à des +jungles+".